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Dupuis & Defronais, le Jaloux ; j'ai joué même dans l'intimité de l'après-fouper le galant Efcroc & la Vérité dans le Vin. J'ai joué la Veuve, & je vous affure que cette dernière Piéce ne nous a pas paru indigne des autres du même Auteur, quoique notre Société paffe pour une des plus difficiles de Paris. J'ai joué Madame Durval avec affez de fuccès, mais je puis vous affurer, fans prétention à modeftie, que la Piéce en a eu beaucoup plus que moi. Elle est tombée dans le Parterre de Paris, & elle n'a pas été achevée.

Je vous avoue que cette idée me révolte. J'ai la téte tournée à force de chercher les caufes de cette chûte; je n'en trouve qu'une. C'est qu'on a parlé à ce Parterre une Langue qu'il n'entend pas; qu'on lui a montré des mœurs qu'il ne connaît pas; que le ton de cette Piéce n'existe nulle part pour lui; que chaque fois que la Soubrette d'une Piéce ne s'appelle point Lizette ou Nérine, qu'elle ne favorife point les Amoureux perfécutés, & qu'elle ne débite point de tirades fpirituelles, il trouve la Piéce dételtable. Vous allez trouver que je le traite avec humeur; mais c'eft que j'en ai réellement. Elle n'a pas cté achevée !

Ce que je dis là eft pourtant vrai, Monfieur. C'est la réalité du rôle de Mademoiselle Agathe qui a fait tomber cette Piéce. Il eft délicieux ce rôle. Elle ouvre la fcène avec le Commandeur. Elle parle de Madame, & en parle comme une femme de chambre parle de fa Maîtresse; car Agathe est une femme de chambre, & n'eft point une Soubrette. Elle en parle donc avec cette ma lignité qui convient à ces fortes de gens. C'est elle qui vous met au fait du caractère des principaux personnages; avec quel art cet exposition eft-elle faite dans la premiere Scène ! Qu'y a-t-il d'auffi charmant, d'auffi véritablement comique que les scrupules intéreffés que l'Au teur lui a donnés.

>> J'ai des fcrupules, moi. Et quand je n'en » aurais pas, je fuis une fille sûre, une hon» nête fille, à qui l'on peut fe fier..... & il est » encore à naître que Madame m'ait dit............ >>-Et que voulez-vous qu'elle vous dife, re» prend le Commandeur? - Eh! pardi, ce que » je vois presque. - Et que voyez-vous, Ma>> demoiselle ? Allez, allez, Monfieur, vous >> le favez auffi-bien que moi. Ce Capitaine de » Cavalerie, ce Chevalier du Lauret.... - Eh o bien! le Chevalier du Lauret?-Hé bien,

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» c'est vous qui l'avez amené à Madame, un an après la mort de Monfieur. Depuis ce temps» là, est-ce qu'il bouge d'ici? Il y est déja » venu ce matin avant que Madame fût éveil»lée.......... Et moi, à qui il n'a jamais fait pré. » fent d'un bout de ruban feulement, je vous » l'ai renvoyé.... Tenez, M. le Commandeur, j'ai des remords de voir tout cela; & puis qu'est-ce que j'y gagne, moi ? «

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O Molière ! voilà les traits qui t'ont affuré une réputation éternelle. Mais le Parterre ne fent point. Je pourfuis, Monfieur, & voici de l'indécence, car c'est le grand reproche fait à cette Piéce. Le Commandeur explique tout au naturel les foupçons d'Agathe qui continue de lui faire part de fes remarques. Par exem»ple, les foirs, n'est ce pas toujours lui qui >>fort le dernier ? - Mais vous êtes affreufe, "Agathe, mais vous êtes affreufe. Si je difais » cela à votre Maîtreffe, elle ne vous garderait » pas une heure. - Ma foi, je ne m'en foucierais » guères.... Je suis arretée chez Madame la » Comteffe Dorimène. Ma confcience ne me » permet pas de la fervir plus long-temps pour le profit que j'y fais. -Quoi! vous entrez chez » Dorimène, de qui la conduite....

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Bon,

» bon, Monfieur, il ne faut pas croire tout co » qu'on dit.

α

Quel charmant contrafte! Quand on a fair dans une Piéce une Scène auffi vraie, d'un comique de mœurs fi vrai, on devrait être sûr du fuccès. Et tout cela ennuyait. Mettez donc des caractères au Théâtre.

On a regardé ce rôle d'Agathe comme un bavardage inutile. On n'a pas fenti que le fond de l'Ouvrage étant la répugnance d'une femme eftimable contre le mariage, même avec un homme qu'elle aime, il fallait rassembler tout ce qui pouvait combattre cette répugnance, & la déterminer à faire le bonheur de fon Amant. Telle a été l'adreffe de l'Auteur. Le Commandeur la fait fentir dans le Monologue qui fuit cette Scène. Cela me détermine, dit-il, à lui » parler de fon mariage. « Ce qu'il fait dans la Scène fuivante.

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Elle a de la répugnance contre le mariage, cette Madame Durval, mais elle doit en avoir de bonnes raifons; car c'eft une femme de beaucoup d'efprit. Elle les dit dans cette Scè ne, que j'ai toujours jouée avec bien du plaifir. Cette Veuve, vous vous en fouvenez, nous raconte fon histoire. Son premier mariage se

fit

fit fans goût de fa part. Elle eut un méchant homme qui la traita mal après l'avoir beaucoup aimée. Elle fe défie de tous les autres, même du Chevalier, quoiqu'elle l'aime, & qu'elle l'avoue. Le Commandeur combat fa résolution, mais il la combat fans efpoir de vaincre ; il fait que Madame Durval eft une femme à prin cipes, & que ce qui est une fois dans la tête, n'y étant point entré légèrement, y doit conféquemment refter.

Il y a un moment de cette Scène, que je ne dois pas oublier de vous faire remarquer. C'est l'histoire de ce Régiment que le Chevalier manqua pour n'avoir pas cédé aux prières de Madame Durval, qui le conjura de toutes les manières, dit-elle, de lui emprunter les quatrevingt mille francs dont il avait befoin pour cela. Cette dispute généreuse vint au point qu'elle fut tentée, pour affurer la fortune de fon Arnant, de lui propofer de l'époufer. Elle fit même, dans ce temps, des difpofitions fecrettes pour affurer fa fortune, mais actuellement il n'en a plus que faire. Son Oncle, dont il eft l'héritier, lui donne actuellement quinze cent mille ivres qu'il doit recevoir de Cadix. C'eft là le œud de la Piéce.

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