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Au reste, dites-moi pourquoi cette défiance des hommes, eu égard au mariage, a été critiquée, tandis que celle de Dupuis dans la Piéce de ce nom, a été très-applaudie, quoique la modification du même sentiment? Récapitulons la Piéce. Nous fommes à la troifiéme Scène, & nous favons que Madame Durval aime un Chevalier qu'on lui deftine, dont elle eft adorée, & qu'elle ne veut pas époufer. Nous favons même pourquoi elle ne le veut point. Nous fapropos vons encore que ce: amour fait tenir des fur fon compte, & c'eft ce dont nous allons avoir une nouvelle preuve dans une des plus délicieuses Scènes qui foient au Théâtre.

Avant d'y venir, parcourons celle qui fe passe entre le Commandeur & le Chevalier, tandis que la Veuve est allée répondre à un billet d'une certaine Marquife de Leutry. Ce Chevalier, comme nous l'avons dit, adore Madame Durval. Il est dans l'yvreffe de la joie, parce

que fon Oncle, en lui donnant les quinze cent mille francs, l'engage à époufer cette charmante Veuve. Le Commandeur qui a du regret de détruire cette douce illufion, veut auparavant tâcher de le dégoûter du mariage. Il le fait avec beaucoup d'adreffe, mais fans fuccès. Se

rez vous révolté, Monfieur, de la phrase fuivante, comme le Parterre l'a été ? » Je pense » bien autrement que toi là-dessus, moi, dit »le Commandeur, car ce qui m'a engagé à me jetter dans l'Ordre de Malthe, c'eft que j'aimais trop les femmes, & en vérité, je n'ai » fait mes vœux que pour ne point fuccomber » à la tentation d'en époufer quelqu'une, &c. «

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Depuis quand donc ne dit-on plus au Théâtre ce qu'on dit tout fimplement dans la fociété? Depuis Molière, apparemment ? Et ne faut-il pas avoir l'imagination bien indécente, pour trouver de l'indécence là-dedans? D'ailleurs, la Comédie n'eft-elle pas rigoureusement la peinture des mœurs? Si nos mœurs ont quelque chofe de malhonnête, ne faut-il pas nous en présenter sans cesse le tableau pour nous en dégoûter? La Comédie a-t-elle d'autre but? & les Anciens mettaient-ils d'autres intrigues dans leurs Piéces que la paffion des jeunes gens pour des Courtifanes? Au refte, je ne donne point tout cela pour excufer le mot du Commandeur, qui n'est nullement indécent en foi, & qui ne peut être trouvé tel que par des oreilles malhonnêtes qui entendent du mal à tout.

Madame Durval a une Scène avec le Cheva

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lier. Elle développe, par des questions toutes naturelles, l'extrême tendreffe qu'elle a pour lui. Le Chevalier, dont cet accueil ranime l'espoir, ofe hasarder le mot de mariage; il est interrompu par l'arrivée dela Marquife de Leutry. Il ne fait s'il doit être fatisfait ou fâché de ce contretems... Il fort, en faluant profondément la Marquise qui lui rend une révérence impertinente.

C'eft bien l'être le plus délicieux & le plus vrai de la nature, que cette Marquife de Leutry. On ne conçoit pas, par exemple, qu'une piéce où il y a un rôle comme cela, je dis une petite piéce, puiffe tomber, puiffe être traitée comme une piéce mal

comme une.

écrite. Cette Marquife commence donc par accabler Madame Durval de cajoleries, de fadeurs, de louanges outrées. L'aimable Veuve, qui ne faurait être la dupe de tout ce jargon, lui demande bien plaisamment de quoi il s'agit. » Mon fils vous a vue une fois, & il vous aime à la folie; mais je vous dis à la fotie. Avec cela, vos grands biens peuvent lui con» venir; cela ne gâte rien..... Il faut arranger » ce mariage-là absolument. -Je ne pense pas, » Madame, que vous parliez férieusement. » Pardonnez-moi, ma Reine, très-férieusement.

Eh! ne faifons-nous pas tous les jours de ces » mariages-là nous autres ? «

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Madame Durval refuse fi abfolument, que la Marquife n'y tient plus. Elle s'échappe en propos outrageans fur le compte du Chevalier. » Le Chevalier!... Ce n'est rien ; il n'a ni rang >ni fortune.... Il eft joli.... J'avoue qu'il est »joli. Auffi n'étais-je point étonnée qu'on se prît » de goût pour lui ; mais l'épouser!.... Je n'en > reviens point. «e

Madame Durval eft outrée de ces propos. » — Je vous avertis que je ne les fouffrirai pas. »— Vous m'avertissez, vous m'avertissez ! Mais » je vous suis très-obligée. Et moi, je vous aver»tis auffi Madame Durval que vous faites deux » bonnes folies en un jour : l'une, de ne point époufer mon fils, & l'autre, d'époufer votre » Monfieur le Chevalier..... Adieu, Madame » Durval, adieu...... Eh! mais où avaient-ils » pris que cette Bourgeoise-là avait tant d'efprit » donc ?.... Quoi! vous me reconduisez? ren» trez, Madame, rentrez. Je n'ai que faire de » tout cela, moi, je n'ai que faire de tout cela.

Voilà la Scène que je vous annonçais, Monfieur; mais il faut la voir dans l'original, car it n'y a pas un mot à en retrancher. J'aime pref

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que autant celle de Mademoiselle Agathe, qui a fait tomber la piéce. Et fon embarras, & fon impertinence, & fes c'est que & fes Madame répétés, tout cela a été hué; tout cela eft délicieux. Le Parterre, qui ne connaît point d'autre Femme de Chambre que Marthon, ne fait pas comment Mademoiselle Agathe doit parler à fa Maitreffe.

Vous favez le refte de la piéce, Monfieur; vous connaissez cette Scène fi plaifante de Lycandre, qui vient parler à Madame Durval de fon mariage avec le Chevalier fon neveu, & qui eft fi preffé qu'il ne peut entendre la petite difficulté qu'elle lui annonce, laquelle eft feulement qu'elle ne veut pas fe marier. Vous vous appellez les combats généreux entre le Chevalier & la Veuve, après que le Chevalier a perdu fa fortune, & que cette digne femme, qui vient de lui détailler dans une grande Scène, toutes les raifons de fa répugnance invincible contre le mariage, le force maintenant de l'époufer. Vous avez peut être trouvé ce dénouement un peu trop languiffant, trop fcrupuleufement développé pour un Théâtre public & pour une petite piéce; en général, vous avez pu penser que la piéce manque de fituations, & que tout

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