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» leçons fur le refpe&t & l'amour des dames; » où la galanterie élevoit le cœur, loin de le » corrompre; où les premiers droits pour plaire » à un fexe charmant, étoient le courage, » l'humanité, la franchise & l'honneur ; où la »liaifon des deux fexes devenoit néceffaire»ment un commerce de vertus. >>

ACTE I. Le théâtre représente des jardins, & l'on voit dans le fond, le palais du comte de Ponthieu. Adèle fa fille ouvre la fcene en témoignant, trop vivement peut-être, fon averfion pour l'hymen d'Alphonfe, chevalier étranger à qui elle a été accordée par fon pere. Raimond de Mayenne fon amant vient partager fes douleurs. Adèle lui apprend que cet hymen n'eft pas le feul malheur dont elle ait à fe plaindre. Alphonfe, dans le tems même où l'on prépare fon union avec elle, vient de l'outrager par un foupçon jaloux;

Le prince de Hainault, aujourd'hui dans ces lieux, pour la premiere fois ofant m'ouvrir fon ame,

me prioit à genoux d'entendre fes adieux.

Je le regarde....il tremble, & fuit loin de mes yeux.
Mais Alphonfe, égaré par sa jalouse flâme,

fa

voit le prince, paroît; & fon courroux vengeur

m'ofe accufer de trahir fon ardeur;

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Des bergers & des bergeres interrompent ici la princeffe par un divertiffement *. Le comte de Ponthieu le fait ceffer pour demander à fa fille le fujet de la colere d'Alphonfe. Adèle lui en fait fentir toute l'injuftice, & le comte furieux de cet outrage veut s'armer pour la défense de l'honneur de fa fille.

ADELE.

Plutôt vivre fans gloire & mourir fans vengeance!

LE COM TE.

Tremblez, tremblez, peres cruels!
voyez des regrets éternels

dans l'abus de votre puiffance.
Le plus fenfible des tourmens

eft le malheur de nos enfans

quand il n'eft du qu'à leur obéiffance.

Ce beau morceau de baffe-taille chanté par

* Il faut l'avouer, ce divertiffement vient couper l'expofition fi mal à propos qu'il n'eft pas moins importun pour les fpectateurs qu'il peut l'être pour Raimond & Adèle. Ce n'eft pas la faute de l'auteur; il n'étoit guères poffible de le placer mieux, mais ne fentira-t-on jamais combien la prétendue néceffité de placer bien ou mal des divertissemens dans tous les actes nuit à la fois à la tragédie par cette interruption qui en tue l'effet & aux ballets eux-mêmes qui devenant trop fréquens font froids, mefquins, uniformes, fans objet décidé & par conféquent fans expreffion & fans caractere.

Civ

M. L'Arrivée nous a paru du plus grand effet, & nous l'avons fait graver à la fuite de ce Journal.

Alphonfe, emporté par cette inconféquence qui fait le caractere ordinaire des jaloux, vient demander pardon à Adèle de l'offense qu'il lui a faite :

ADELE.

L'innocence aisément pardonne au repentir.

ALPHONSE.

Mais ne puis-je porter plus loin mon espérance? un plus tendre retour ne peut-il s'obtenir ?

ADELE.

Il n'eft plus tems, votre fureur extrême
m'a rendue à moi-même :

je ne dois jamais être à vous.

Alphonfe refte feul; il eft emporté tour-à-tour par le defir de la vengeance, par l'amour & par le repentir. Ces reflux de fentimens font exprimés par un récitatif obligé qui a été fort applaudi.

Raimond rencontre Alphonfe & lui reproche d'avoir ofé flétrir l'innocence;

ALPHONSE.

Et de quel droit, Raimond, ainsi me parles-tu?

RAIMO N D.

Vous me le demandez, quand il s'agit d'Adèle! le fang qui nous unit, la gloire, la vertu,

tout à mon cœur parle aujourd'hui pour elle. Le rang de chevalier fut promis à mon zele: je connois fes devoirs facrés.

ALPHONSE.

Peut-être auffi vous me les apprendrez ?

RAIMON D.

Tout chevalier doit avoir en partage

la bonté, l'honneur, l'équité ; protéger la vertu, défendre avec courage le foible, la patrie, & fur-tout la beauté. Vous reconnoiffez-vous à ces traits ?

ALPHONSE, mettant vivement la main fur fon

épée.

Quel outrage!

Mon rang retient feul mon courroux.

Tu veux venger Adèle, ou du moins la défendre;

l'honneur eft grand pour toi, quand tu braves mes coups: mais un motif plus cher te porte à l'entreprendre.

RAIMON D.

En faut-il donc un autre que l'honneur ? & quand un intérêt plus tendre,

quand l'amour même animeroit mon cœur.. • • • ALPHONSE.

Ah! fi je le croyois !

RAIMOND.

Eh bien! j'adore Adèle,

à la gloire, à l'amour, à la vertu fidele,

je vais, peut-être, armer un bras vengeur.

ALPHONSE.

Il l'aime!... il est aimé.

A l'écuyer qui eft au fond du théâtre.
Qu'on ouvre la barriere.

DUO.

Allons, audacieux guerrier;

je fais grace à ton rang: entrons dans la carriere.

RAIMO N D.

Allons, perfide chevalier,

mon bras attend du ciel une faveur entiere.

ALPHONSE.

Tremble, frémis de ton danger.

RAIMON D.

Frémiffez de le partager.

ALPHONSE.

En te privant de la lumiere, ce fer dans un moment va régler notre fort.

RAIMOND.

Entrons, volons dans la carriere

où vous attend & la honte & la mort.

Ce duo nous a paru très-brillant, & nous l'avons fait graver à la fuite de ce Journal. Le

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