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Atkins prétend, comme Ovington, que le Canaries, cendres des bois brûlés, aux premiers temps de la découverte, donnerent beaucoup de fécondité

aux cannes de fucre, mais qu'un ver, qui com-
mença bientôt à s'y introduire, ayant ruiné les
plantations, elles furent changées en vignobles
qui dédommagerent les Habitans par l'excellence
de leurs vins. La vendange se fait aujour
d'hui dans le cours des mois de Septembre
& d'Octobre, & le produit annuel monte à
vingt-cinq mille pipes. Suivant le même Au-
teur, Madere n'a proprement que deux fortes
de vins; l'un brunâtre ; l'autre rouge, qu'on nom-
me tinto, & qui, fuivant l'opinion commune,
tire ce nom de ce qu'en effet il eft teint;
quoique les Habitans s'obftinent à le défa-

vouer.

Madere produit une finguliere abondance de
pêches, d'abricots, de prunes, de cerifes, de
figues & de noix. Les Négocians Anglais, à qui
l'on a permis de réfider dans cette Ifle, y ont
tranfporté d'Angleterre des grofeilles, des fram-
boifes, des noilettes, & d'autres fruits, qui ont
mieux réuffi dans un climat chaud, que la plu-
part
des fruits de Madere ne réuffiffent fous un
Ciel auffi froid que le nôtre. La banane eft ef-
timée des Habitans avec une forte de vénération,
comme le plus délicieux de tous les fruits;

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jufques-là qu'ils fe perfuadent que c'est le fruit défendu, fource de tous les maux du genrehumain. Pour confirmer cette opinion, ils alléguent la grandeur de fes feuilles, qui ont affez de largeur pour avoir fervi à couvrir la nudité de nos premiers peres. C'eft une espèce de crime à Madere de couper une banane avec un couteau, parce qu'on voit enfuite dans la fubftance du fruit quelque reffemblance avec l'image de Jéfus Chrift.

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Entre les arbres, Cada - Mosto vante beaucoup le cèdre & le nafo de Madere. Le premier eft fort haut fort gros, & fort droit. Son odeur est très agréable. On en fait de belles planches, qui fervent particulierement pour les lambris. Le naffo eft couleur de rofe. Outre les planches, on en fait des bois de fufil, & des arcs d'un excellent reffort. On envoie les arcs aux Indes occidentales, & les planches en Portugal.

Atkins découvrit dans les jardins de Madere une curiofité qui lui parut fort extraordinaire. C'eft la fleur immortelle qui, étant cueillie, dure plufieurs années fans fe faner. Elle croît comme la fauge, & la fleur reffemble à celle de la camomille. L'Auteur en prit plufieurs, qui fe trouverent auffi blanches & auffi fraî

Canaries,

ches à la fin de l'année, qu'au moment qu'il le Canaries. avait cueillies.

Cada-Mofto rapporte que de fon temps l'Ifle était abondante en toute fortes de beftiaux & que les montagnes renfermaient beaucoup de fangliers. On y voyait des faifans blancs. Mais excepté les cailles, il n'y avait point d'animaux qui priffent la fuite devant l'homme. On fent qu'il doit en être autrement aujourd'hui. Quelques Habitans raconterent à l'Auteur que, dans l'origine de l'établiffement, on y trouva un nombre incroyable de pigeons qui fe laiffaient prendre avec un lacet qu'on leur jetait au cou, & qui ne fe défiant d'aucune trahifon, regardaient ftupidement l'oiseleur. Il ajoute que ce récit lui parut d'autant plus vraisemblable, qu'on voyait encore la même chofe dans quelques Iles nouvellemenɛ décou

vertes.

Les principales provifions de l'Ifle font le chevreau, le porc, le veau, qui eft communément affez maigre, les légumes, les oranges, les noix, les yams, les bananes, &c. Comme il n'y a point de marchés fixes, la campagne envoie dans les Villes ce qu'elle juge néceffaire à la confommation. Uring fe plaint que communément les alimens y font fort chers. Le

commerce fe fait par des échanges. Atkins obferve que les provifions qu'on reçoit le plus vo- Ganaries. lontiers à Madere font la farine, le bœuf, le pilchard & le hareng, le fromage, le beurre, le fel & l'huile. Ce qu'on recherche après ces alimens, ce font des chapeaux, des perruques, des chemises, des bas, toutes fortes de groffes étoffes, & de draps fins, fur-tout les noirs, qui font de la couleur favorite des Portugais. On demande auffi des meubles & des uftenfiles, comme de la vaislelle d'étain, des écritoires, du papier, des livres de compte, &c. Les Habitans donnent du vin en échange; le vin commun fur le pied de trente Milreys la pipe; la Malvoifie fur le pied de foixante. Chaque milrey monte à douzę schellings & demi, dont fix & demi, se paient en marchandifes de la même valeur & fix en billets. Mais lorsqu'il est question d'un envoi confidérable, ils accordent une plus forte remife. Comme ils tranfportent enfuite ces marchandifes au Bréfil, elles font quelquefois d'une grande cherté à Madere.

Dans le temps de la vendange, les pauvres n'ont guères d'autre nourriture que le pain & le raifin. Sans cette fobriété, il leur ferait difficile d'éviter la fièvre dans une faifon fi chaude; & les plaifirs des fens auxquels ils s'abandonnent

fans réserve, joints à l'excès de la chaleur, ruine Canaries. raient bientôt les plus vigoureux tempéramens.

Auffi les Portugais même les plus riches s'impofent des régies de fobriété dont ils ne s'écartent prefque jamais. Ils ne preflent point leurs convives de boire. Les domestiques qui fervent dans un repas ont toujours la bouteille à la main, mais ils attendent fi exactement l'ordre des maîtres pour leur offrir du vin, qu'un fimple figne ne ferait pas entendu. Cette affectation de tempérance eft portée fi loin, qu'un Portugais n'oserait uriner dans les rues, parce qu'il s'expoferait au reproche d'ivrognerie.

Les Habitans de Madere ont beaucoup de gravité dans leur parure & portent communément le noir, par déférence, comme Ovington fe "l'imagine, pour le Clergé de l'lfle, qui s'y est mis en poffeffion d'une extrême autorité. Mais ils ne peuvent être un moment fans l'épée & le poignard. Les valets mêmes ne quittent point ces ornemens inféparables l'un de l'autre. On les voit fervir à table, l'affiete à la main, l'épée au côté, jufques dans les plus grandes chaleurs ; & leurs épées font d'une longueur extraordinaire.

Les maisons n'ont rien néanmoins qui fente le fafte. L'édifice & les meubles font de la même

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