Imágenes de páginas
PDF
EPUB

fimplicité. On voit peu de bâtimens qui aient

plus d'un étage. Les fenêtres font fans vitres & Canaries. demeurent ouvertes pendant tout le jour. Le foir elles fe ferment avec des volets de bois. Le pays ne produit aucun animal venimeux. Mais il s'y trouve un nombre infini de lézards qui nuifent beaucoup aux fruits & aux raifins. Les ferpens & les crapaux, qui multiplient prodigieufement aux Indes, s'accommodent peu de l'air de Madere.

L'Ifle a cependant perdu de fa fertilité depuis l'origine de fes plantations. A force de fatiguer la terre on a tellement diminué fa fécondité, qu'on eft obligé dans plufieurs endroits de la laiffer repofer pendant trois ou quatre ans ; & lorsqu'elle ne produit rien après ce terme, elle est regardée comme abfolument ftérile. Cependant on n'attribue pas moins cette altération à la mollefle des Habitans qu'à l'épuifement du terrein, L'incontinence, régne à Madere dans toutes les conditions. Ovington rejette une partie de ce défordre fur l'ufage établi de fe marier fans fe connaître & fouvent fans s'être vus. Une Dame de Madere qui fe propofait de donner fa fille à un jeune homme de la ville ayant appris qu'il avait toujours joui d'une fanté parfaite, fans s'être amulé avec les femmes de

mauvaise vie, & fans jamais avoir gagné de maCanaries, ladie honteufe, conclut que tant de sagesse ne pouvait venir que d'une conftitution faible,

[ocr errors]

& ne le crut pas propre à devenir fon gendre.

Le meurtre eft dans une forte d'eftime à Madere. Il y eft devenu comme une marque de diftinction; & pour jouir d'une certaine renommée, il faut avoir trempé fes mains dans le fang. La fource de ce déteftable usage eft la protection que l'Eglife accorde aux meurtriers. Ils trouvent un afyle inviolable dans les moindres Chapelles qui font en grand nombre. Funchal en eft rempli, & les campagnes même en ont plufieurs. C'eft affez qu'un Ctiminel puiffe toucher le coin de l'Autel, pour braver toutes les rigueurs de la Juftice. Le plus rude châtiment qu'il ait à craindre eft le banniffement ou la prifon, dont il peut même fe racheter par des préfens. Ainfi, quand la Nature a placé l'homme dans un séjour où elle a tout fait pour fon bonheur, il déshonore & corrompt ces beaux présens par la fuperftition, fource du crime & de la barbarie.

Le Clergé eft fi nombreux, qu'il parait fur

prenant que tant de riches Eccléfiaftiques puif

fent

fent être entretenus dans ce degré d'opulence

par le travail d'un fi petit nombre d'Habitans. Canaries. Pour diminuer l'étonnement, les Portugais répondent qu'on n'admet perfonne au Sacerdoce, s'il ne jouit déjà de quelque bien qui l'empêche d'être à charge à l'Eglife.

Les Eglifes font les lieux où l'on enfévelit les morts. On orne avec beaucoup de foin le cadavre; mais on l'enterre fans cercueil, & l'on ne manque pas de mêler de la chaux avec la terre, pour le confumer promptement, de forte qu'en moins de quinze jours fa place peut être remplie par un autre corps; précaution qui femble diminuer le danger de cette abfurde coutume de changer les Temples en cimetieres. Comme l'Eglife Romaine a décidé fur le fort des Hérétiques, elle ne traite pas leurs cadavres avec beaucoup de ménagement. Les Anglais, qui meurent à Madere, font moins confidérés que les carcaffes mêmes des bêtes; car on leur refufe toute forte de fépulture, & leur partage eft d'être précipités dans la mer. Ovington rapporte un exemple de cet ufage, qu'il traite de barbarie, dans un Marchand Anglais qui mourut fous les yeux. Tous les Marchands de la même Nation voulant l'enterrer avec décence, & le fauver du moins de la rigueur du Clergé, prirent le parti de le

Tome I.

Q

transporter entre les rochers, dans l'espérance Canaries. qu'il y ferait à couvert des recherches eccléfiaftiques. Mais ils furent trahis dans leur marche. Les Portugais fe rendirent en foule au lieu de la sépulture,exhumerent le corps, & l'exposerent aux infultes publiques; après quoi, ils le jeterent dans l'Océan. On en ufe de même aux Indes orientales, dans tous les pays de la domination Portugaise. Il n'y a pas de lieu qui paraiffe affez vil pour y enterrer un Hérétique ; on appréhende que les vapeurs de fon cadavre n'infectent toute l'étendue d'un canton Catholique. Cependant la haine des Prêtres fe laiffe quelquefois adoucir par une fomme d'ar gent. L'Auteur rapporte l'exemple d'un enfant qui avait été fecrétement enterré. Le Clergé Portugais exigea que l'enfant fût exhumé pour recevoir le baptême des Catholiques; &, après cette cérémonie, il confentit qu'on lui rendit la fépulture.

Les Chanoines de l'Eglife Cathédrale jouiffent du plus heureux fort du monde, fi le bonheur confifte à ne connaître ni la pauvreté ni le travail. Leur Régle les oblige, à la vérité, de fe rendre à l'Eglife dès quatre heures du matin. Mais comme cette heure ne favorife point aflez le goût qu'ils ont pour le repos, Ovington a remarqué

qu'ils ont foin tous les jours de faire retarder l'horloge, afin qu'elle faffe entendre quatre Canaries heures, lorsqu'il en eft réellement cinq; &, par cet artifice, ils ménagent tout-à-la- fois leur fommeil & leur réputation,

« AnteriorContinuar »