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Nous allons maintenant fuivre les Voyageurs qui ont donné la defcription des côtes d'Afrique & des Ifles adjacentes. Nous commencerons par les Canaries & Madere, les premieres de celles qu'on rencontre dans ces mers, qui aient attiré l'attention des Navigateurs,

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Canaries.

CHAPITRE II.

Voyages aux Canaries. Defcription de ces Ifles.

LES ISLES Canaries font au nombre de fept. Leur premiere découverte fit naître des conteftations fort vives entre les Efpagnols & les Portugais, qui s'en attribuaient exclufivement l'honneur. Les Portugais prétendaient les avoir reconnues dans leurs voyages en Ethiopie & aux Indes orientales. Mais il paraît plus certain que cette connaissance est dûe aux Espagnols; & l'on ne peut contefter, du moins, qu'ils n'en aient fait la premiere conquête, avec le fecours de plufieurs Anglais.

Les Infulaires reçurent de leurs vainqueurs le nom de Canariens. Ils étaient vêtus de peaux de boucs, larges & pendantes, fans aucune forme. Ils habitaient entre les rochers, dans des cavernes où ils vivaient avec beaucoup d'union & d'amitié; leur langage était par-tout le même; ils fe nour riffaient de chair de boucs & de chiens, & de lait de chèvres; ils faifaient auffi tremper dans

le même lait, de la farine d'orge, dont ils compofaient une espèce de pain appellé goffia, qui eft encore en ufage parmi leurs defcendans. Nicols en a mangé plusieurs fois avec goût, & le trouva extrêmement fain.

Les Canaries font fous le gouvernement du Roi d'Espagne, dont les Officiers font leur résidence dans la grande Canarie; quoiqu'il ne possède proprement que les trois Ifles fécondes, qui font Canarie, Ténérife & Palma, il s'est réservé le pouvoir d'exercer sa jurisdiction dans les autres, pour garantir les vaffaux de l'oppreffion de leurs Seigneurs.

Outre les fept Ifles nommées grande Canarie, Ténérife, Gomera, Palma, Hierro ou Ferro, Lancerotta & Fuerta-Ventura, il y en a fix autres qui font fituées autour de Lancerotta; Gratiofa Rocca, Allegranza, Santa-Clara, Infierno, & Lobos, qui s'appelle auffi Vecchio-Marino, & qui eft placée entre Lancerotta & Fuerta-Ventura. Les Anciens parlent d'Ifles, fituées au long de la côte Occidentale d'Afrique, qu'ils nomment Ines Fortunées. Quelques Auteurs fuppofent que ce font celles du Cap Verd; mais une de ces Isles eft nommée formellement Canarie pár Ptolémée; & les Arabes, qui ont remplacé les Romains dans l'Afrique, ont appellé les Canaries, Al-jazayr,

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Canaries.

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Linschoten, Bekman, Sprat, Duret, Edmond Scory Cadamosto & fur tout l'Anglais

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Nicols, qui demeura dix-fept ans aux Canaries, nous ont fourni tous les détails qui regardent ces Ifles, où les Anciens plaçaient leur Elifée.

Quant aux mœurs des aborigenes, que l'on nomme Guanches, on les repréfente comme trèsbarbares au temps de la conquête. Ils prennent, difent les Voyageurs de ce temps, autant de femmes qu'ils le defirent. Ils font alaiter leurs enfans par des chèvres. Tous leurs biens font en commun, c'est-à-dire, leurs alimens, car il ne connaiffent pas d'autres richeffes. Ils cultivent la terre avec des cornes de bœufs. Leurs Ancêtres n'avaient pas même l'ufage du feu. Ils regardaient l'effufion du fang avec horreur, de forte qu'ayant pris un petit vaiffeau Espagnol, leur haine pour cette Nation ne leur fit point imaginer de plus rigoureuse vengeance que de les employer à garder les chèvres ; exercice qui paffait entr'eux pour le plus méprifable. Ne connaislant pas le fer, ils fe fervaient de pierres tranchantes pour fe rafer les cheveux & la barbe. Leurs maifons étaient des cavernes creufées entre les rochers.

Remarquons que les Voyageurs mettent ici l'horreur du fang, au nombre des caracteres de

la barbarie, comme fi cette heureuse ignorance

des arts de destruction, n'était pas le plus doux Canaries. attribut de l'humanité.

Ils avaient cependant quelque idée d'un état futur; car chaque communauté avait toujours deux Souverains, un vivant & l'autre mort. Lorfqu'ils perdaient leur Chef, ils lavaient fon corps avec beaucoup de foin, & le plaçant debout dans une caverne, ils lui mettaient à la main une forte de fceptre, avec deux cruches à fes côtés, l'une dé lait, l'autre de vin, comme une provision pour fon voyage.

Leurs armes étaient des pierres, avec une forte de dards, endurcis au feu, qui les rend auffi dangereux que le fer. Pour cottes de maille, ils s'oignaient le corps du jus de certaines plantes mêlées de fuif. Cette onction qu'ils renouvellaient fouvent, leur rendait la peau fi épaiffe, qu'elle fervait encore à les défendre contre le froid.

Il parait que chaque canton avait fes ufages & fon culte de Religion particuliers. Dans l'Ile de Ténérife, on ne comptait pas moins de neuf fortes d'idolâtrie; les uns adoraient le foleil, d'autres la lune, les planettes, &c. La polygamie était un usage général; mais le Seigneur avait les premiers droits fur la virginité de toutes les femmes, qui fe croyaient fort honorées lorfqu'il voulait

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