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en ufer. On voit que par-tout la volupté est enCanaries. trée dans les ufurpations du defpotisme le plus groffier.

Ils conferverent long-temps une pratique fort barbare. A chaque renouvellement de Seigneur, quelques jeunes perfonnes s'offraient pour être facrifiées. Il y avait une grande fête, à la fin de laquelle ceux qui voulaient lui donner cette preuve d'affection, étaient conduits au fommet d'un rocher. Là, on prononçait des paroles mystérieuses, accompagnées de diverses cérémonies; après quoi, les victimes se précipitant elles-mêmes dans une profonde vallée, étaient déchirées en pièces avant que d'y arriver; mais pour récompenfer ce fanglant hommage, le Seigneur fe croyait obligé de répandre toutes fortes de biens & d'honneurs fur les parens des morts; ainfi, même chez les peuplades les plus fauvages, les dévouemens ont flatté l'orgueil, & le fang a plu à la tyrannie.

Les Guanches (c'eft le nom que les Espagnols leur ont donné) étaient une Nation robufte & de haute taille, mais maigre & bazannée; la plupart avaient le nez plat; ils étaient vifs, agiles, hardis & naturellement guerriers; ils parlaient peu, mais fort vîte; ils étaient fi grands mangeurs qu'un feul homme mangeait quelquefois, dans un feul repas, vingt lapins & un chevreau. Suivant la relation du Docteur Sprat, il refte

que

encore dans l'lfle de Ténérife, quelques defcendans de cette ancienne race, qui ne vivent d'orge pilé, dont ils compofent une pâte avec du lait & du miel; on leur en trouve toujours des provisions fufpendues dans des peaux de boucs, au-deffus de leurs fours. Ils ne boivent pas de vin, & la chair des animaux n'est pas une nourriture qui les tente. Ils font fi agiles & si légers, qu'ils defcendent du haut des montagnes en fautant de rochers en rochers. Ils fe fervent d'une forte de pique, longue de neuf ou dix pieds, fur laquelle ils s'appuient pour s'élancer ou pour gliffer d'un lieu à l'autre, & pour brifer les angles qui s'opposent à leur paffage, pofant le pied dans des lieux qui n'ont pas fix pouces de largeur. Le Chevalier Richard Hawkins attefte qu'il les a vu monter & defcendre ainfi des montagnes efcarpées, dont la feule perspective l'effrayait. Sprat raconte l'Hiftoire de vingt-huir prifonniers, que le Gouverneur Espagnol avait fait conduire dans un Château d'immense hauteur, où il les croyait bien renfermés, & d'où ils ne laifferent pas de s'échapper, au travers des précipices avec une hardieffe & une agilité incroyables. Il ajoute qu'ils ont une maniere extraordinaire de fiffler, qui fe fait entendre de cinq milles; ce qui eft confirmé. par le témoignage des Espagnols. Il affure encore qu'ayant fait

,

Canaries.

fiffler un Guanche près de fon oreille, il fut plus Canaries, de quinze jours fans pouvoir entendre parfai

tement.

On trouve auffi dans Sprat que les Guanches emploient les pierres dans leurs combats, & qu'ils ont l'art de les lancer avec autant de force qu'une balle de moufquet. Cada - Mosto affure la même chofe, & s'accorde avec Sprat dans la plus grande partie de cette relation. Ils difent tous deux, fur le témoignage de leurs propres yeux, que ces Barbares jetent une pierre avec tant de jufteffe, qu'ils font sûrs d'atteindre au but qu'on leur marque, & avec tant de force, que d'un petit nombre de coups, ils brifent un bouclier, & fi loin, qu'on la perd de vue dans l'air. Ainsi, les peuples Sauvages, en ajoutant à l'énergie des organes naturels, font parvenus quelquefois à balancer les inventions de notre induftrie, & l'homme de la fociété, malgré tous les avantatages artificiels eft quelquefois petit devant

l'homme de la Nature.

A l'égard des productions de ces Ifles, les Espagnols n'y trouverent ni bled, ni vin à leur arrivée. Ce qu'il y avait alors de plus utile était le fromage, qui était fort bon dans son espèce, les peaux de boucs que les Habitans pallaient en perfection, & le fuif, qu'ils avaient en abondance. Dans la fuite, on y a planté des vignes &

femé toutes fortes de grains. Lorfque Sir Richard Hawkins fit le voyage en 1593, il y trouva du vin & du bled de la production du pays; mais il s'engendre dans le bled un ver qui fe nomme gorgoffio, & qui en consume toute la fubftance fans endommager la peau. Les Canaries ont donné depuis avec le vin &le bled, du fucre, des conferves, de l'orcal, de la poix qui ne fond point au soleil, & qui eft propre par conféquent aux gros ouvrages des vaiffeaux, du fer, des fruits de toutes les bonnes espèces, & beaucoup de beftiaux. La plupart de ces Ifles peuvent fournir aux bâtimens leur provifion d'eau. Toutes les relations s'accordent à les repréfenter comme une source féconde de toutes fortes de commodités, mais relevent particulierement les beftiaux, le bled, le miel, la cire, le fucre, le fromage & les peaux. Le vin des Canaries eft agréable & très-fort. Il fe tranfporte dans toutes les parties du monde. Robert prétend que c'eft le meilleur vin de l'Univers. Linfchoten confirme tout ce qu'on dit de la fertilité des Canaries. Il ajoute qu'il n'y a pas de grains qu'elles ne produisent avec la même abondance, & parmi les bef tiaux qu'elles nourriffent, il compte les cha

meaux.

Le Maire rend le même témoignage à la

Canaries.

fécondité de ces Iffes pour tout ce qui est agréable Canaries. & néceffaire à la vie; mais il parle moins avan

tageusement de l'eau, qu'il trouve d'une bonté médiocre. Les Habitans en ont la même opinion, puifqu'ils fe croient obligés de la purifier en la filtrant au travers de certaines pierres. Le Maire fait obferver que le temps de la moiffon aux Canaries eft communément le mois de Mars & d'Avril, & que dans quelques endroits, il y a deux moiffons chaque année. Il ajoute qu'il y a vu un cerifier porter du fruit fix femaines après avoir été greffé. On y trouve l'orfeille, plante qui produit la graine de Canarie, mais qui demande beaucoup de foin & de ménagement dans ces Ifles, tandis qu'elle croît fans peine en Hollande & dans les autres pays de l'Europe. Les oifeaux de Canarie, qu'on nomme Serins, & qui naiffent en France, n'ont ni, le fon fi doux, ni le plumage fi beau & fi vatié que dans le lieu de leur origine.

Outre les végétaux qu'on a nommés, ces Ifles produisent aujourd'hui des pois, des féves, & des coches, qui font une forte de grain fem blable au maïs, dont on fe fert pour engraiffer la terre; des grozeilles, des framboifes & des cerifes, des goyaves, des courges, des oignons d'une rare beauté, toutes fortes de

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