RECUEIL DE PIECES
Qui commença lors à baiffer l'oreille. Non que chacun ne fentît dans le cœur Tout le retour & la reconnoiffance, Que méritoit votre Magnificence; Mais l'entreprise à plus d'un faifoit peur. Auffi n'étoit-ce une petite affaire
Car quoiqu'on fût charmé de vos bontez, Rimer des Vers dignès d'être goûtez,
D'un Prince à qui l'excellent feul peut plaire Eft chofe, au moins, plus difficile à faire, Que recevoir & manger des Pâtez.
QUE plût à Dieu, que de ce fel Attique, Qu'en votre Cour on feme à pleine main A notre Mufe écoliere & ruftique, Dans les Pâtez fût venu quelque grain ! Que Malezieu, que Geneft le Lyrique, Qui des bons Vers ont trouvé la fabrique, Euffent daigné de leur Art tout divin Nous enfeigner la fçavante pratique, Et nous prêter un peu de ce goût fin, Qui fait partout prifer leur Poëtique; Euffiez été, fans crainte de critique, Servi plûtôt aujourd'hui que demain, Mais, PRINCE, helas! comme bien pouvez croire A nous chetifs n'appartient telle gloire
Vers bien rimez ne cherchez point ici, Ettelle quelle agréez notre offrande, Plus n'en fçavons; peut-être de ceux-ci, Où des Pâtez ai tracé la légende, PRINCE, rirez, & la Princesse aussi Or riez-én, ne vous en faites faute; Car vous le dis, PRINCE, fi vous comptez Avoir des Vers qui vaillent les Pâtez,
Eft tout certain que comptez fans votre hôte. Outre que l'Art chez nous ne va fi loin, Trop bien fçavez, Prudent comme vous êtes, Que dans ce tems, quoiqu'on cherche avec foin, Eft plus aifé de trouver au besoin
Bons Pâtiffiers, que trouver bons Poëtes.
EPITRE III
A MONSEIGNEUR
L'EVÊQUE D'ANGERS.
Sur ce qu'il avoit mandé à l'Auteur, que n'entendant point il l'avoit crû mort, & avoit dit nombre de De profundis à fon intention.
E vos nombreux & beaux De profundis; Seigneur Prélat, bien grandmerci vous disa Toûjours ai fait grand cas de vos prieres, Toûjours de même en veux faire grand cas Mais celles-ci font un peu meurtrieres, J'en ai tremblé, je ne cele pas.
De ma frayeur, peut-être allez-vous rire, Et vous direz que je m'alarme à tort A tout cela je n'ai qu'un mot à dire, Deprofundis, femble appeller la mort, Et réciter dans la forme ordinaire Avant le temps ce Pfeaume mortuaire, C'est réveiller, comme on dit, chat qui dort,
Car que fçait-on ? la mort peu charitable, Qui lors peut-être à moi ne pensoit pas, Au trifte fon d'un Verfet lamentable,
Peur, revenant tout d'un coup fur fes pas Se ravifer; & comme il n'est que
chance, Si la camarde alloit, fans autre avis, Dire en portant contre moi la sentence: Hâpor toûjours celui-ci par avance, Il eft loti de fes De profundis;
Seigneur Prélat, vous en auriez fans doute Quelque regret, ou je vous connois mal, Et vous diriez dans le cœur il m'en coûte Un ferviteur zelé, certe, & loyal.
Mais cependant j'en tiendrois pour mon compte, Et quand là-bas la mort nous a reclus', Ne faut penfer qu'ici haut on remonte; Depuis long-tems la mode n'en eft plus. Bien eft-il vrai, fi l'on en croit l'histoire Qu'aux tems paffez il s'eft vú des Prélats A qui le Ciel pour couronner leur gloire Permit d'ouvrir les portes du trépas. Aux faints devoirs, comme eux, toûjours fidele, Vous poffedez leurs vertus & leur zele; Comme eux auffi vous feriez, je le croi,
En un befoin quelque prodige infignė, Du Toutpuiffant l'affistance benigne N'en voudroit pas démentir votre foi : Mais s'il falloit, comme j'en fuis peu digne, Que tel indult ne tombât pas fur moi, Que mes méfaits y miffent quelque obstacle, Je pourrois bien refter dans le grabat; Pour le plus fûr mieux vaut, Seigneur Prélat Vous épargner la façon d'un miracle. Laiffons la mort fans lui hocher le frein, Paifiblement paffer fon droit chemin; Affez déja fur nos jours elle rogne: De fes fourriers le dangereux effain N'amenera que trop tôt notre fin,
Ne hâtons point, s'il vous plaît la befogne. Dès qu'une fois, de fa fatale main, La mort viendra terminer ma carriere, Et que garni d'un furtout de fapin, Elle m'aura, narguant le Medecin, Tout de mon long mis dans fa gibéciere ; Chantez alors & Pfeaumes & Leçons, Répons, Verfets, & Profes, & Vigiles, Et Requiem de toutes les façons, Pour les défunts ce font meubles utiles,
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