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De ce Démon tout paroît poffedé,
Et le Parnaffe eft d'Odes inondé.

Irois-je encor, me perdant dans la nuë
De ces Meffieurs augmenter la cohuë?
Non, j'aime mieux, avec moins de fracas,
Me contenter d'un étage plus bas.

Quant à Marot, il me plaît, je l'avouë.
Pour bon Poëte en tous lieux on le louë
Je le voudrois encore homme de bien,
déplaît qu'il fut un peu vaurien.
Vous l'imitez tel qu'il eft: Je l'imité,

Et me

Dans fon style, oui, mais non dans fa conduite:
Et n'a-t'il pas, ce ftyle, quoique vieux,

Je ne fçai quoi de fin, de gracieux ?
Depuis long-tems Marot plaît, on le goûte :
Si je fais mal en marchant fur fa route,
Je fuis, helas! par un pareil endroit,
Bien plus coupable encor que l'on ne croit.
Tant que je puis avec la même audace
J'ofe imiter Virgile, Homere, Horace,
Grecs & Romains; Auteurs qui dans leurs tems.
Vêcurent tous Payens & mécréans.

Si je l'ai fait fans en être blâmable,

Un héretique eft-il pis qu'un Payen?
Marot, du moins, Marot étoit Chrétien.
Qu'on le condamne, & que l'on fe récrie,
Et fur l'Erreur & fur l'Idolatrie;

J'en fais de même, & ma foi, ni mes mœurs
Ne prendront rien jamais de ces Auteurs.
Mais pour cet art, cette noble fineffe,
Prifée en France, à Rome & dans la Grece',
Que je voudrois pouvoir dans mes écrits
Suivre de loin ces merveilleux Esprits;
Et recueillant des beautez chez eux nées,
Mais dans leurs Vers trop fouvent prophanées,
Sur de meilleurs & plus dignes fujets
D'un pinceau chafte en répandre les traits!
Telle au Printems voit-on la fage abeille,
En voltigeant fur la rofe vermeille,
Laiffer l'épine, & du fuc de la fleur
Tirer pour nous un miel plein de douceur.
Sur ces leçons que l'abeille lui donne
A petit bruit ma Mufe fe façonne,
Et d'un Auteur, dont elle prend le ton,
N'imite rien que ce qu'il a de bon.
Qu'il foit méchant, fcelerat, hypocrite,
De fes talens fans rifque l'on profite;

Et n'y put-on réüffir qu'à demi,
Toûjours autant de pris fur l'ennemi.
Déformais donc fur Marot qu'on se taife,
Je n'en prends point de teinture mauvaise:
Qu'on me le laiffe avec foin écrèmer,
Et que fans trouble on me fouffre rimer.
J'y fuis fort fobre, & quoique l'on en dife,
Je n'en fais pas métier & marchandise.
A ces petits, mais doux amusemens,
Ce que j'ai mis quelquefois de momens,
Qu'on le raffemble en heures & journées,
Ne fera
pas trois mois fur dix années.

Ce peu
de tems n'eft point un tems perdu,
L'efprit ne peut être toûjours tendu.
L'un fe repose, un autre fe promene:
Fais-je pis qu'eux en exerçant ma veine?
Las d'un travail plus noble, ou plus Chrétien,
Je fais des Vers quand d'autres ne font rien.
Changeant de grain la terre se repose:
En travaillant je fais la même chofe ;
Et changement de travail, ou d'emploi,
Fut de tout tems un vrai repos pour moi.
Perfonne enfin n'est parfait dans la vie,
J'aime à rimer quand il m'en prend envie.

1

De maints défauts, dont je fuis dominé,

Pour mon malheur c'eft le plus obstiné:
Défaut fâcheux, mais qui, bien qu'on en gronde,
Ne déplaît pas pourtant à tout le monde ;
Je me fuis vû pour tels vers dénigré,
Dont en bon lieu l'on m'a fçu quelque gré :
Si j'ose même ici, pour ma défense,
Sur ce point-là dire ce que je penfe,
Tel me cenfure & me damne tout haut
Qui dans le cœur m'abfout fur ce défaut.

NECESSITE

NECESSITÉ

DE LA CRITIQUE,

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LE GRAND PREVÓT

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DU PARNASSE.

N gronde contre la fatire,.
Et Cotin dit qu'on a raison.
Mais quoique Cotin puiffe dire;
Dans l'étrange démangeaifon
Qu'en notre fiécle on a d'écrire,
Il nous faut ce contre-poison.
Ecrire en Vers, écrire en Profe,
Au tems paffé c'étoit un art;
Au tems prefent c'eft autre chofe,
Tant bien que mal, à tout hazard,
Rime qui veut, qui veut compose,
Se dit habile, ou le suppose,
Entre au Chorus, ou chante à part,
Eft pour un tiers ou pour un quart,

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