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Je veux aller le trot d'ici jufqu'en Boheme,
Je veux avoir procès avec des bas Normands,
Et pour
dire encor plus, je veux paffer moi-même
Pour Meffager du Mans.

SUR

SUR L'AVENEMENT HEUREUX

ET INESPERE'

DU

MESSAGER DUMANS.

LES

Es Dieux, même dans leur colere,

A nos maux quelquefois se laissent attendrir;
Touchez enfin de ma mifere,

Ces Dieux, ces juftes Dieux, daignent me fecourir.
Ceffez donc, funeftes alarmes,

Qui m'avez fait paffer de fi cruels momens;
Plus de foupirs & plus de larmes,
Je vais voir en ce jour le Meffager du Mans.

On me l'annonce, il va paroître,
De cet efpoir repaiffez-vous, mon cœur ;
Mais que dis-je, infenfé? peut-être
Ne cherche-t'on qu'à tromper ma douleur,
Douce efperance, encor que mal fondée,

Vous fervirez du moins à charmer mes tourmens,

K

Par la tendre & flateuse idée,

Que je me fais déja du Messager du Mans.

De fon air & de sa figure

Je crois deviner tous les traits;
Et je m'en fais une peinture,
Telle que l'on n'en vit jamais.

Sans l'avoir vû, fans le connoître,

Je me le représente avec mille agrémens,
Et je me dis, tel eft, ou pour le moins doit être,
Le Mellager du Mans.

Trapu, courtaut, mais bien pris dans sa taille,

Le teint luifant, les cheveux longs & droits, Un nez haut en couleur, & dont vaille que vaille, Je crois qu'en un befoin on en feroit bien trois. Oeil hagard, front étroit, la tête un peu pointuë, La gueule noire, large, & Dieu fçait quelles dents! Le dos fi rond, qu'on croit qu'on voit une tortuë, Lorsque l'on voit le Meffager du Mans.

Mais qu'entens-je, & quel bruit tout à coup me reveille?

Quelle favorable rumeur

(

Se fait entendre à mon oreille,

Et bien plus encor à mon cœur ?

On ne me flatoit point d'une fauffe efperance,

147

C'eft lui, c'eft mon Héros, qui vers ces lieux s'avance:
Et fi je ne le vois, pour le moins je le sens,
Car on le fent de loin le Messager du Mans.

Déja l'allegreffe publique
Eclate ici de toutes parts,
L'Artifan quitte fa boutique,
Et le peuple vole aux remparts.
Chiens d'aboyer, ânes de braire,
Et chevaux de pouffer mille henniflemens:

Sans doute ils ont fenti leur guide & leur confrere
Le Meffager du Mans.

Qu'attens-je encor! fuivons la route que nous montre
Cette foule empreffée à dévancer ses pas,

Et qui plûtôt que moi, dans l'univers, helas!
Doit fe hâter d'aller à fa rencontre ?

Courons, volons, forçons les rangs,

La diligence eft ici necessaire,

Et jamais en peut-on trop faire

Quand il s'agit de voir le Meffager du Mans?

Il paroît, ce Héros attendu fi longtems.
Sous un vieux bonnet gras, & jadis à la mode,
Sa tête femble fuivre en faisant la pagode,
Le branle harmonieux de fes paniers flotants.
C'est lui, je le diftingue au bruit de,fes fonnettes
A la fangle de cuir qui lui ferre les flancs;
Car auffi-bien que toutes fes mazettes,
11 eft fanglé, le Messager du Mans.

Tout brille à fon abord d'une vive lumiere,
Vous diriez que c'est un soleil,

Qui ne paroît jamais plus vif & plus vermeil,
Qu'au moment qu'il eft prêt d'achever fa carriere.
Je l'admire, & mes yeux dans ces premiers momens
Ebloüis, comme on peut le croire,

Ont peine à foûtenir tout l'éclat de la gloire
Du Meffager du Mans.

Un gros

de Cavaliers l'environne & l'escorte

La plupart fidelles Manseaux;

Mais autant que le Pin paffe les arbrisseaux,
Autant mon Mellager fur les autres l'emporte.
En un mot, tels qu'on voit les Héros triomphans,
Promener la victoire à leur char enchaînée,

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