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Et qui plus eft, jaloux de mon état,

Ne veux chez moi, ni flacon, ni bouteille.
Que fi, vivant comme dis & le fais,

J'ai la couleur affez vive & vermeille,

Quelque embonpoint, l'œil brillant, le teint frais,
Grace de Dieu, croyez-moi, toute pure,
Qui reconforte & foutient la nature;

Ne faut du Ciel méprifer les bienfaits.

Pour terminer, Chêne, arbre d'importance, 7 Ne faites tant ici du rencheri,

Car autrement à faire pénitence.

Refteriez feul, dont feriez bien marri.
D'aller chez vous la preffe n'eft pas grande;
Quoique ma Mufe air vanté vos attraits,
Bien trompé fuis, fi l'on jette jamais
Un dévolu fur pareille prébende..
Or voulez-vous m'en, croire fur ceci,
Ne changeons point la régle, elle est bien faite.
La bien garder eft ce que je fouhaite;
N'y ferai faute, & n'en ayez fouci,
Mais fi voulez, Réformateur auftere,
Changer les Us & Loix du Monaftere,
En ce cas-là, Chêne, vous dis adieu,
En retirant mon épingle du jeu...

LA

Q

RHUNE,

A Madame la Marquise de Mirepoix.

Uand d'une ardeur fi peu commune,
On vous entend pousser tout bas

Et des foupirs, & des helas,

Qui croiroit que c'eft pour la Rhune?
Quelques gens trop prompts à la main,
A juger mal de leur prochain,
Pourront s'imaginer peut-être,

S'ils n'ont l'honneur de vous connoître,
Que la Rhune eft un Cavalier,

Non de tels qu'on en voit paroître

A Paris, au moins un millier,
Dont le mérite fingulier

Ne paffe point le petit maître
Mais un de ceux au grand collier,
fon air difcret, honnêté,

Qui par

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Vous auroit donné dans la tête :

Mais j'en avertis

promptement,

Point de jugement témeraite;

La Rhune pour qui feulement
Vous foupirez fi tendrement,
Et fans en faire de myftere;
La Rhune, qui feul fçût toucher
Un cœur toujours fage & fevere;
La Rhune, qui feul peut vous plaire,
Helas, n'eft qu'un pauvre rocher.
De la cime des Pyrenées,

Où bravant depuis fix mille ans
Et la foudre, & les destinées,

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compte les fiecles courants Comme nous comptons les années : Ce rocher fuperbe, & fans pair, Terrible à tout ce qui refpire,

Etend fierement son empire,

Jufques aux lieux d'où

part

Devant fon énorme figure,
Les autres rochers fes fujets,

l'éclair.

Vils avortons de la nature,
Ne femblent que des marmousets,
Dont les plus hauts & les mieux faits,
Ne lui vont pas à la ceinture.

De là, comme d'un bel-veder,

Il voit fous lui la terre & l'onde;
Et dominant également

Sur l'un & fur l'autre élement,
Semble, faifant par tout la ronde.
Contempler curieusement

Ce qui fe fait dans tout le monde.
Contre fon chef audacieux,

Qui touche prefque jufqu'aux cieux,
Paroît cloüé comme une cage,
Un pauvre petit hermitage;
Deux Cellules pour logement,
Avec un peu de jardinage
Qui, cultivé legerement,

Fournit affez abondamment

Herbes & fruits pour le ménage :
Joignez encore au bâtiment
Sur l'un des bouts une chapelle,
Et de l'hermitage charmant
Vous aurez un portrait fidele.
Cependant du rocher voifin,
Le paffant qui va fon chemin,
S'il tourne vers-là la prunelle;
Au lieu d'un logement humain
De maison, chapele & jardin,

7

Croit ne voir qu'un nid d'hirondelle.
Or foit nid d'hirondelle, ou non,
C'eft où vous prétendez, dit-on,
Aller fixer votre demeure :
Le deffein eft loüable & bon,
Vous le voulez, à la bonne heure.
Mais tandis qu'au gré de vos vœux,
Votre équipage fe prépare;
Que vous prenez votre fimarre,
Et que l'on treffe vos cheveux;
Que de papier, & de clincaille,
Vous ornez le chapeau de paille,
Qui dans cette aimable prifon,
Doit vous tenir lieu de coëfure,
Souffrez avant que la voiture,
Vous dérobe à notre horifon,
Que je prêche votre vêture.

La folitude eft belle en vers,
On eft charmé de fa peinture,
Mais elle a de fâcheux revers,
Et malgré ce qu'on s'en figure,
Donne bien de la tablature.

J'en fçai mille exemples divers;

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