Imágenes de páginas
PDF
EPUB

SUR LE PARQUET

DONNE'

A Mme LAB BÈSSE

DE PRÉ A V X

le jour de fa Fête.

'Allois cüeillir des fleurs, pour vous faire un bou

J'Allo

quet;

Elles s'offroient en abondance,

Et demandoient toutes la préference,
Jufqu'au moindre petit muguet ;
Quand un gros chêne à fiere contenance,
Prit la parole en arbre d'importance,
par ces mots rabatit leur caquet:

Et

Canailles, taifez-vous, leur dit-il en colere,
C'est bien à vous de vous offrir ici;

Un

Dès

Votre beauté fragile eft courte & paffagere,
gratecu
fur pied vaut mieux, fans vous
vous déplaire
Que tout autant que vous voici,

que vous n'êtes plus au sein de votre mere.
Quant à moi, Chêne, il n'en eft

pas

ainfi.

Vivant, ou mort, je fuis toûjours d'usage,

Sous le nom de lambris, ou bien de parquetage
Je ne fuis pas d'un petit ornement.
Las du fardeau de la vieillesse,
Je veux m'immoler galamment
Pour une illuftre & fage Abbeffe:
Qu'elle me foule aux pieds dans fon

appartement;

Mon fort fera plus beau, que quand jusques aux cieux J'élevois ma fuperbe tête ;

Et j'afpire au moment que tiré de ces lieux

J'aille en Parquet changé me montrer à fes yeux, Et fervir de bouquet à fa nouvelle fête.

Ainfi fut fait, comm'il l'avoit reglé;

Un Chêne de Dodone auroit-il mieux parlé ›

EPITRE V.

A Mme L M DE

M....

Qui avoit demandé à l'Auteur les Vers précedens, pour accompagner le Parquet dont elle faifoit prefens à Madame l'Abbeffe de Preaux.

P

Our bien chanter l'Abbeffe de Preaux.
Et le prefent que votre cœur lui donne,
Il eût fallu du moins un Defpreaux,
La piece encor n'auroit été trop bonne.
Mais quand du Ciel je pourrois obtenir
De devenir Defpreaux tout à l'heure,
Je vous le dis bonnement, que je meure,
Si je voudrois Defpreaux devenir;
Non qu'il n'ait rang parmi les plus illuftres.
Qu'on voit briller dans le facré Vallon:
Mais il faudroit vieillir de quelques luftres;
Et n'en déplaife au feigneur Apollon,
Au bon Pégase, aux Mufes que j'honore,
Tout compaffé, j'aime bien mieux encore,

Rimer plus mal, & vivre plus longtems.
Vous en ferez un peu moins bien fervie,
J'en ai regret, & pourtant n'ai pas tort;
Vers bien rimez nous les prifons tous fort,
Mais nous prifons encor bien plus la vie.
Vaille que vaille, il faut prendre ceux-ci,
Ils m'ont coûté plus que je ne puis dire,
Depuis trois jours je fouffre le martyre,
L'efprit bouché, la cervelle en fouci,
A tout Auxois enfin je suis en butte;
Point de quartier, j'ai beau crier merci
L'Epoux, l'Epouse, & tout le monde ici
Jufqu'au Papa Parfait me perfécute.
J'ai dit, pourquoi me charger du paquet,
Et que peut-on dire fur un Parquet ?
Dans une chambre un Parquet fait merveille,
Mais dans des Vers il ne fait pas trop bien;
En vain j'écris, je griffonne, je veille,
C'eft tems perdu, l'efprit ne fournit rien,
Si l'on parloit de vanter la sagesse,
Et la vertu de votre illuftre Abbeffe;
S'il ne falloit dans un pompeux écrit,

Que mettre en Vers tout ce qu'en bonne profe

* Auxois la Ferriere en Brie.

Autres

Autres & vous d'elle nous avez dit,
Avec plaifir j'entreprendrois la chose;
Sans emprunter l'éclat de fes ayeux

J'en pourrois faire un éloge pompeux :
Mais un Parquet, helas! Par où m'y prendre a
Phébus lui-même y perdroit fon Latin :
En vain pourtant j'ai voulu m'en défendre,
On m'eft venu relancer ce matin,

Dire il le faut, & cela d'un ton ferme,
En me donnant deux heures pour tout terme :
Quand il le faut, il le faut une fois.

J'ai donc d'abord un peu rongé mes doigts,
Mis en grondant mon efprit à la gêne,
Mais le trouvant plus fec que le Parquet,
Que vous donnez en guife de Bouquet
A fon défaut j'ai fait parler un chêne,
Qui bien ou mal, ainsi qu'il vous a plû,
A dit en Vers ce qu'aurez déja lû.

Chênes parler, n'eft chofe fi nouvelle,
Ceux de Dodone, ainsi qu'on l'a noté,
Avoient ce don, & d'une voix fidèle
Parloient jadis & difoient verité,

J'en connois maints dans le fiecle où nous fommes Je ne dis pas des chênes, mais des hommes.

C

« AnteriorContinuar »