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Eftre comme un enfant toûjours à fes côtez?

AZARIAS.

Le bon homme est chagrin, chose bien merveil leuse!

La vieillesse est toûjours rechignée & facheuse;
Et je m'étonnerois qu'elle ne le fût pas,

à

Quand elle fent la mort s'avancer pas pas.

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Quoi cet écervelé, qu'on vit fi brusquement
Partir un beau matin de chez vous ?

Lui-même.

LE FILS.

Juftement,

MANASSE'S.

Beau fujet d'avoir l'ame chagrine!

Et fi votre bon homme à s'affliger s'obstine,
Faut-il que vous foyez affez fimple, affez bon,

LE FILS.

Moi non.

J'aurois tort; mais enfin, à bien prendre la chofe,
J'ai beau de fa douleur n'approuver pas la cause;
En fouffrira-t-il moins, & contre mon devoir
Dois-je l'abandonner seul à son desespoir?
Non, je fens près de lui que ce devoir m'appelle,
Et vous excuferez facilement mon zele.

AZARIAS.

Allez, puifqu'il vous plaît, & pleurez avec lui; Nous n'avons pas le temps de pleurer aujourd'hui.

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ACTE II

SCENE I.

L'ENFANT PRODIGUE feul.

A Près avoir traîné fi long-temps ma mifere,
Je découvre à la fin la maifon de mon pere.
Je reconnois ces lieux fi beaux & fi charmants,
Où je coulai jadis mes plus heureux moments,
Ces collines, ces bois, ces rives fortunées.
Qui firent le plaifir de mes tendres années;
Mais qui dans ce retour, lorfque je les revoi,
N'ont plus rien que de trifte & d'affligeant pour moi
Tout m'accufe: tout femble ici d'intelligence
Me reprocher mon crime & demander vengeance.
Chargé d'affronts, errant, & de tous lieux banni,
J'ofe le dire, helas! je fuis assez puni.
Dans ma profperité que d'amis à ma fuite!
Au bruit de ma difgrace ils ont tous pris la fuite
De mes bienfaits paffez nul ne s'eft souvenu,

Les traîtres, les ingrats, auteurs de ma ruine
M'infulter!....une longue & cruelle famine
Vient encor de furcroît inonder le païs ;
Et pour fauver ces jours malheureux & maudits,
Oubliant mon honneur, oubliant ma naiffance,
A quelle indignité m'a réduit l'indigence!
A garder des pourceaux!... je rougis d'y penser,
Lâche! jufqu'à ce point ai-je pû m'abaiffer
Que dis-je? c'étoit peu. Pour comble d'infamie
Je me fuis vû réduit à leur porter envie ;
Défait, demi-mourant, de mifere épuisé,
Le gland qu'on leur prodigue, à moi m'est refusé,
A moi, qui dans le temps d'une heureuse jeunesse,
Vivois dans l'abondance & la délicateffe.

Frappé de ce cruel & trifte fouvenir

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Qu'en vain de mon efprit je tâchois de bannir,
Combien de ferviteurs, me disois-je à moi-même,
Dans la felicité d'une abondance extrême,
Chez mon pere aujourd'hui beniffent leur deftin,
Tandis que tout me manque & que je meurs de faim!
Heureux! fi je pouvois entre eux obtenir place;
M'y fouffrir, ce feroit encor me faire grace,
N'afpirons point plus haut: j'étois fils autrefois;
Mais mon crime m'en ôte & le rang & les droits.

Ingrat, tu le fens donc ? Mais n'importe j'efpere,
Malgré tous mes forfaits, en la bonté d'un pere.
Si fils deformais il veut me rejetter,
pour

Pour esclave du moins allons nous presenter.
Partons. Sur ce projet en vain mon cœur balance
Allons, allons d'un pere implorer la clemence :
Oui je fuis, lui dirai-je, embrassant ses genoux,
Coupable envers le Ciel & coupable envers vous.
Le couroux contre moi n'eft que trop legitime;
Defefperé, confus de l'horreur de mon crime
En qualité de fils je n'ofe plus m'offrir;

Mais pour esclave au moins voudrez-vous me fouffrir?

Je parts dans ce deffein, je me traîne, j'arrive :
A present je recule, & mon ame craintive
A l'approcher encor n'ose se hazader;

Car enfin de quel front le pourrai-je aborder?
Helas! dans ce moment j'ai crû le voir paroître,
Ce n'étoit que de loin, je me trompois peut-être ;
J'ai fui dans la frayeur, errant de toutes parts :
Et comment donc de près foûtenir fes regards?
A travers ces haillons peut-il me reconnêtre ?
Eft-ce là l'équipage où fon fils devroit être ?

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