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Ah, privez un ingrat de vos bontez confus

D'un nom que deformais il ne merite plus.
LE PERE.

Non, vous l'êtes toûjours, quoique vous puiffiez

faire;

Levez-vous, cher enfant, embraffez votre pere,
Je ne puis plus long-temps vous voir en cet état
L'ENFANT PRODIGUE.

Oubliez-vous fi-tôt le crime d'un ingrat ?
Ah, quand après avoir erré de ville en ville
*Je fuis venu chez vous mendier un azile,
Au nom, au rang de fils je n'ai point prétendu,
Je l'ai
par mes forfaits trop juftement perdu.

Ne traitez plus de fils qui ne le fçût pas être,
Ne me regardez plus qu'en Seigneur & qu'en Maître.
Trop heureux deformais, helas, fi je me vois
Au rang des ferviteurs qui vivent fous vos loix.
LE PERE.

Non, vous ferez mon fils, tout autre nom m'outrage,
Et pour vous en donner encore un nouveau gage
Recevez aujourd'hui cet anneau de ma main, (Il lui
met un`anneau au doigt.)

L'ENFANT PRODIGUE.

LE PERE.

Vous réfiftez en vain,

Cedez au jufte foin qui pour vous m'intereffe.
Ce n'eft pas tout, l'état où je vous vois me bleffe:
Ces restes de mifere offensent trop mes yeux,
Hola quelqu'un: Pharès n'eft-il pas dans ces lieux ?
L'ENFANT PRODIGUE.

Mon pere.

LE PERE.

Ici quelqu'un: ne viendra-t-il perfonne ?

SCENE

VIII.

LE PERE, L'ENFANT PRODIGUE, PHARE'S.

P

LE PERE.

Harès, voilà mon fils, le Ciel me le redonne. J'en defefperois prefque, & le croyois perdu Mais le voilà, Pharès, & Dieu me l'a rendu.

PHARE'S.

O jour trois fois heureux! ô moment plein de char

mes

Qui vous rend votre fils, & finit nos alarmes !
LE PERE.

N'arrête point, Pharès, & retourne au logis;

Qu'on prépare au plutôt des habits pour mon fils,
Et qu'un feftin mêlé de danfe & de mufique
Rende mon alegreffe éclatante & publique.
Sur-tout en arrivant fais tuer le veau gras.
Cours vîte, nous allons tous deux fuivre tes pas.
Et toi, dont le retour me comble enfin de joie,
Toi pour qui tout mon cœur aujourd'hui fe déploie,
O mon fils, fi long-tems l'objet de mes douleurs,
Mais qui dans ce moment as fait tarir mes pleurs;
Toi qui feul rends la paix à mon ame éperduë,
Vien reprendre chez moi la place qui t'est dûë
Partage mon bonheur, fur-tout fonge à bannir
De tes malheurs paffez le trifte fouvenir.

Vien, mon fils, par tes foins confoler ma vieillefle Vien goûter dans mon fein, pour toi plein de tendreffe,

Un bien que tu voulus en vain ailleurs chercher que rien deformais ne t'en puiffe arracher.

Et

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ACTE III

SCENE I.

LE FILS AISNE', ELÍA B.

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LE FILS.

Ui, c'est le beau deffein qu'il s'eft mis dans la
tête,

Ni crainte fur cela, ni raison ne l'arrête;
Il veut malgré nous tous de fon projet confus,
Aller chercher ce fils, qui peut-être n'eft plus.

ELIA B.

Ne vous alarmez point de ce nouvel orage,
Il m'a tenu tantôt un femblable langage,
Et dans les noirs transports d'une extrême douleur
De Pharès trop tardif accufant la lenteur,
Pour recouvrer ce fils, qu'il regrette & qu'il aime
Il parloit de tenter la chose par lui-même :
J'ai pris foin de calmer ces violens accès,
Et l'ai fait convenir d'attendre encor Pharès.
Il est enfin venu, m'avez-vous fait entendre?

LE

Oui.

LE FILS.

ELIA B.

Quoi de votre frere il n'a pû rien apprendre?
LE FILS.

A l'égard du malheur, il n'eft que trop certain ;
Mais de dire en quel lieu l'a conduit fon deftin,

On l'ignore.

ELIA B.

Je fens quelle alarme mortelle
Doit au tendre vieillard caufer cette nouvelle.
LE FILS.

Sa douleur deformais eft au dernier degré,
Et, pour un tel fujet, exceffive à mon gré.
ELIAB.

Je le plains, mais auffi je l'excufe, il eft pere.
Il voit que de fon fils il faut qu'il defefpere:
Helas, tout eft permis dans un fi triste sort,
De l'amour paternel c'est un dernier effort;
Prenons garde fur-tout d'irriter la bleffure,
Et dans ce tendre cœur ménageons la nature.
LE FILS.

Voyez-le, c'est en vous que je mets mon espoir.

ELIAB.

Repofez-vous fur moi, j'y ferai mon devoir.

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