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Et fur le Parnaffe François
Ne fait jamais grande fortune,
Marot & fes contemporains,
Gens fur cela fans indulgence,
N'avoient rien de cette indigence
De tous nos Poëtes forains.
Chez eux de bonne intelligence
La rime avec le fens s'agence,
Le tour eft libre & dégagé,
Et dans leurs Vers l'air négligé
Ne tient rien de la négligence.
La facilité vous plaît fort
Cultivez-la, j'en fuis d'accord,
Mais loin de la prendre pour guide,
Tenez-lui toûjours bien la bride,
J'infifte beaucoup fur ce point;
Auffi c'est la grande maxime,
Dans nos Vers conduifons la rime
Et qu'elle ne nous mene point.
Quand rime fur rime on entasse,
On perd fouvent bien du papier;
Quatre vers tiffus avec grace,
Et bien polis fur le métier,
Valent mieux qu'un poëme entier.

D

févere

Ma Critique eft un peu
Mais elle vous eft néceffaire,

Et vous devez en faire cas;
C'est un flambeau qui vous éclaire
Et fert à diriger vos pas,

Je vous flaterois pour vous plaire,
Et ne vous critiquerois pas,

Si vous ne pouviez fort bien faire,

W

EPITRE IX

POUR MONSEIGNEUR

LE DAUPHIN,

Au fujet d'une avanture arrivée entre lui & le petit Marquis de Brancas.

Ufe, prenez vos plus brillans at ours, Vos patins neufs, vos habits des bons jours, Vos beaux pendants: foyez proprette & blanche, Telle qu'un jour de Fêre, ou de Dimanche. Il faut partir dès demain pour la Cour ; Un jeune Prince, auffi beau que l'Amour Enfant des Dieux, par fes graces éxige De tous les cœurs un jufte hommage lige: Chacun s'empreffe à lui rendre le fien Portez-lui vîte & le vôtre & le mien.

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C'est ce DAUPHIN, feul gage qui nous reste
D'un Pere, helas! que le courroux célefte
Malgré les cris des peuples gémiffans

*Aujourd'hui le Roi Louis XV.

Nous enleva dans la fleur de fes ans.
Faffe le Ciel appaifant fa colere,
Qu'un jour le Fils nous remplace le Pere
Nous ne pouvons fouhaiter aujourd'hui
Rien de plus doux, ni' pour nous ni pour lui.
Mais arrêtez que vois-je ici, ma Muse
Vous qui d'abord étonnée & confuse,
Et dans le cœur murmurant contre moi,
Vous défendiez d'accepter cet emploi,
Au tendre nom du DAUPHIN de la France
Vous reprenez toute votre affurance,
Et femblez même à votre air vif & gai
Ne demander qu'à partir fans délai.
Je vois le point, & je crois vous entendre:
Pour un Enfant dans l'âge le plus tendre,
Et qui ne compte encor que trois moissons,
Me dites-vous, faut-il tant de façons?

Muse, tout doux : qui vous laifferoit faire,
Vous me feriez à la Cour quelque affaire.
Je crois vous voir prompte à vous oublier,
D'un pas leger & d'un air familier,
Vers le DAUPHIN pour début d'ambassade
Les bras ouverts courir à l'embraffade.
Autant en fit dans un femblable cas

Jeune Marquis que vous ne valez pas,
Autant en fit, & compta fans fon hôte;
Retenez-en, Mufe, & n'y faites faute,
Toute l'hiftoire. Au Prince, certain jour,
Ce jeune Enfant alloit faire fa Cour,

Sa Cour, que dis-je ? Helas! C'est un langage
Dont à trois ans on ignore l'ufage.

Plus par

Sans tant tourner, difons qu'il l'alloit voir, instinct même que par devoir. Le cœur qui fut fon guide & fon génie, Ne connoît point tant de cérémonie. Depuis long-tems flatté de ce plaifir Le pauvre enfant brûloit d'un vrai défir De voir le Prince, & difoit à toute heure, Quand le verrai-je ? Il fe tourmente, il pleure, Il veut le voir. Soyez fage, & demain, Lui difoit-on, vous le verrez: foudain Il s'appaifoit; une telle promeffe Plus le touchoit que bonbons & caresse. Arrive enfin ce jour tánt souhaité, Long-tems promis, & fouvent acheté.

D'attendre au moins qu'un moment on l'inftruise, Point de nouvelle: il faut qu'on l'y conduifet

Sans différer, Enfin, pour faire court,

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