Moi-même je l'ai vu du fein de la victoire Renvoyer à Saül tout l'éclat de fa gloire. Ceffe encore une fois, ceffe de l'outrager : D'un injufte foupçon Dieu fçaura le venger. PHINE'E S.
Ainfi donc de Saül méprifant la colere, Vous prenez l'intérêt d'un ami contre un pere, Et l'objet de fa haine est celui de vos foins. JONATHAS.
Qu'il cherche un ennemi que je puiffe aimer moins. Laiffe-moi me livrer à mon inquiétude.
JONATHAS feul.
Le ne reviennent point. Cruelle incertitude! Mes Bergers vers David par mon ordre partis Seroient-ils dans la route égarés ou furpris! Ah David! je le vois, tu fuis de ville en ville, Et l'ingrat Ifraël te refuse un afyle.
Mon pere te poursuit, & pour comble d'effroi, Mes avis n'auront pu pénétrer jusqu'à toi. Trahi de tous côtés, forcé de me contraindre, On m'arrête; on me fait un crime de te plaindre. Jufte Ciel !... Mais que vois-je ? ah, Bergers, eft-ce vous ?
Que fait David? parlez.
EIGNEUR, pardonnez-nous Saul de fes foldats couvrant toute la plaine, A rendu fort longtems notre recherche vaine. Nous demandions David aux Echos d'alentour; Ils ont prefque trahi nos foins & votre amour: Des foldats attentifs ont penfé nous furprendre, Et perfonne d'abord n'a pu nous rien apprendre. JONATHAS.
Ah! que me dites-vous ?
II. BERGER.
Défefperés, confus, Nous pleurions votre zele & nos pas fuperflus, Quand un homme inconnu dans un bois folitaire, De tout notre voyage a percé le mysterc. Il nous a dit : Allez, dites à Jonathas
Que David pour reffource a le Dieu des combats Et qu'il vient fous fon nom bravant toute l'ar
Raffurer d'un ami la tendreffe allarmée.
Mais outre ce difcours que l'Inconnu nous fit,
D'un fait prefqu'incroyable écoutez le récit.
Saül paffoit, dit-il, près d'une grotte obfcure Du fein de ce rocher couloit une onde pure. Seul il entre: il s'affit fur le bord du ruiffeau; Il étanche fa foif dans le courant de l'eau. David caché dans l'antre admiroit en filence
Que le Ciel eût livré Saul à fa vengeance. Mais il retint fa troupe & dit en frémissant :
Gardez-vous d'attenter fur l'Oinat du Toutpuiffant.."
Toutefois il s'avance, & fans bruit il enleve Un ornement Royal qu'il coupe de fon glaive: Le Roi fort. David fuit; & tombant à fes pieds: Voyez, dit-il, Seigneur, l'état où vous étiez! Où pouvoit me porter une rage insensée ? Mais non, loin d'en former l'exécrable pensée, Je me reproche même une ombre d'attentat. Ce voile entre mes mains est un crime d'Etat : Le fort me rend coupable en m'offrant votre tête : Vous pouvez m'en punir; la mienne est toute prête. Puniffez un projet que je n'ai pas conçu ; Le peu qu'a fait mon bras montre ce qu'il a pu. Vengez-vous du hazard qui feul fait mon offenfe: Mon cœur avec ce fer n'eft point d'intelligence; Mais ce fer criminel tournez-le contre moi : Peut-on être innocent pouvant perdre fon Roi? JONATHA S.
Ainfi combat David, & telle est sa victoire.
II. BERGER.
Surpris, comme vous pouvez croire
Les armes à l'instant lui tomberent des mains Je fuis, s'écria-t-il, le dernier des humains. Viens, David, viens mon fils, confens que je t'embraffe,
Et qu'à mon tour enfin je te demande grace.
O victoire, ô fuccès ! ô Dieu maître des cœurs ! I. BERGER.
Il n'eft pas tems, Seigneur, de flatter vos douleurs.
Le Roi, (nous l'avons fçu d'une bouche fidéle S'eft bientôt repenti d'une action fi belle. Vainement fon courroux a paru fe calmer; Un Miniftre envieux a fçu le rallumer. Il revint fur fes pas, & par un prompt fupplice Il fit des Prêtres faints un cruel facrifice; Femmes, vieillards, enfans, il les immola tous, Monument éternel d'un horrible courroux, Leur ville fume encore, & fa faute secrette C'est d'avoir à David pu fervir de retraite. JONATHAS.
Dieu, quel pere, & quel Roi!
II. BERGER.
Pour furcroît de malheurs
David n'a plus d'afyle, & parmi tant d'hor
L'épouvante a glacé tous ceux qui dans la fuite
Auroient pu de Saül arrêter la poursuite. On fonge à le livrer, & peut-être demain Notre Héros verra terminer son destin.
Ne déliberons plus, prévenons la tempête. Mon ami va périr, & mon pere m'arrête ! Et j'obéis encore ! ah, grand Dieu, j'en frémi ; Eft-il rien qui ne céde au falut d'un ami ? D'un inique devoir l'amitié me dispense, Et tu me punirois de mon obéiffance. Aux fureurs de Saül courons jetter un frein : Ses coups avant David me perceront le fein.
EIGNEUR, un étranger erre dans ce bocage: il vous nomme.
JONATHAS.
David à d'autres foins m'engage.
Détourne des témoins les regards curieux,
Et dérobe mon trouble & ma fuite à leurs yeux.
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