Imágenes de páginas
PDF
EPUB

An

260.

droits et de sa liberté; qu'on ne pouvoit disconvenir que la plupart des plébéiens se voyoient de Rome. dépouillés de leurs héritages; qu'on enchaînoit les malheureux comme des criminels, et qu'ils se plaignoient peut-être avec justice que les nobles et les patriciens, au préjudice de la constitution originaire de l'État, ne travailloient qu'à se rendre seuls maîtres du gouvernement; que la création d'un dictateur, invention moderne du sénat, rendoit inutile la loi Valeria, le refuge du peuple; et l'asile de la liberté; que cette puissance absolue, confiée à un seul homme, en feroit quelque jour le tyran de sa patrie; que ces nouveautés, et ces changemens avoient leur source dans les maximes impérieuses d'Appius Claudius, et de ses semblables, qui ne paroissoient occupés que du dessein d'établir la domination des nobles sur les ruines de la liberté publique, et de réduire des citoyens libres à la vile condition de sujets et d'esclaves du sénat.

Appius se leva quand ce fut son tour à par ler, (1) et adressant la parole à M. Valerius: « Si vous vous étiez renfermé, lui dit-il, à dire «simplement votre avis sans m'attaquer si in<< justement, vous ne vous seriez pas exposé à

(1) Dionys. Halicarn. lib. VI, p. 386.

An

260.

[ocr errors]

<< entendre aujourd'hui des vérités peu agréa→ de Rome. «bles. Mais, avant que de les exposer à la vue « de cette compagnie, il est juste de répondre « à vos calomnies. Dites-moi, Valerius, quels << sont les Romains que j'ai poursuivis en justice, pour les obliger de me payer ce qu'ils << me devoient? Nommez les citoyens que j'ai << retenus dans les chaînes; allez jusqu'au mont Velie, et cherchez parmi cette foule de mé« contens, s'il y en a un seul qui se plaigne qu'il << n'a quitté la ville que par la crainte que je ne <«<le fisse arrêter. Tout le monde sçait, au con

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

traire, que j'ai traité mes débiteurs comme <<< mes cliens et mes amis; que, sans égard à d'an«< ciennes dettes, je les ai secourus gratuitement << dans leurs besoins, et qu'autant qu'il a été en moi, les citoyens ont toujours été libres. Ce « n'est pas que je prétende proposer ma conduite pour régle de celle des autres; je sou« tiendrai toujours l'autorité des lois en faveur << de ceux qui y auront recours. Je suis même persuadé qu'à l'égard de certains débiteurs, « et de ces gens qui passent leur vie dans la << mollesse et les débauches, il y a autant de

[ocr errors]
[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]

justice à s'en faire payer, qu'il est honnête et

généreux de remettre les dettes à des citoyens paisibles et laborieux, mais qui, par malheur,

* sont tombés dans une extrême indigence:

«telle a été ma conduite, et telles sont ces An << maximes impérieuses qu'on me reproche. Mais de Rome. « je me suis, dit-on, déclaré le partisan des

"

« grands, et c'est par mes conseils qu'ils se sont

"

"

r

[ocr errors]

« emparés du gouvernement. Ce crime, mes« sieurs, ajouta Appius en se tournant vers les « principaux du sénat, m'est commun avec vous; << le gouvernement vous appartient, et vous êtes << trop sages pour l'abandonner à une popu«< lace effrénée, à cette bête féroce qui n'écoute que ses flatteurs, mais dont les esclaves deviennent souvent les tyrans: et c'est, mes<< sieurs, ce que nous avons à craindre de M. Valerius, qui, n'ayant de considération dans la république que par les dignités dont nous «l'avons honoré, s'en sert aujourd'hui pour rui«ner nos lois, pour changer la forme de notre ❝ gouvernement, et pour se frayer, par ses bas«sesses, un chemin à la tyrannie. Vous l'avez entendu, et vous avez pu apercevoir, qu'étant • mieux instruit que nous des desseins perni« cieux des rebelles, il vous prépare à de nou« velles prétentions; et, sous prétexte de de«mander des garants de la liberté du peu«ple, il ne cherche qu'à opprimer celle du

[ocr errors]
[ocr errors]

"

« sénat.

<< Mais venons au principal sujet qui nous a «assemblés aujourd'hui. Je dis donc que c'est

260.

An

« ébranler les fondemens d'un État, que d'en de Rome. « changer les lois, et qu'on ne peut donner at

260.

« teinte aux contrats des particuliers, sans bles

«< ser la foi publique, et sans ruiner ce contrat

[ocr errors]

original qui a formé les premières sociétés « entre les hommes. Accorderez-vous aujourd'hui à des séditieux, qui sont à la veille de << tourner leurs armes contre leur patrie, ce « que vous avez sagement refusé plusieurs fois « à des citoyens soumis, et à des soldats qui << combattoient sous vos Enseignes? Songez que « vous ne pouvez vous relâcher sur l'article des << dettes, que vous n'ouvriez en même temps la « porte à de nouvelles prétentions. Bientôt les chefs de la sédition, de concert avec M. Valerius, voudront être admis aux premières dignités de l'État. Fassent les dieux tutélaires « de Rome, que son gouvernement ne tombe «pas, à la fin, entre les mains d'une vile populace, qui vous punisse de votre foiblesse, et «qui vous bannisse vous-mêmes de votre patrie! « On veut vous faire peur des armes des re<< belles : mais n'avez-vous pas, pour ôtages, leurs « femmes et leurs enfans? Viendront-ils atta

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

k

[ocr errors]

quer, à force ouverte, une ville qui renferme « ce qu'ils ont de plus cher? Mais je veux qu'ils * n'aient pas plus d'égards pour les liaisons du << sang que pour les lois du gouvernement: ont

[ocr errors]
[ocr errors]

An

260.

« ils des généraux, des vivres, et l'argent néces<< saire pour se soutenir dans une pareille en- de Rome. «treprise? Que deviendront-ils pendant l'hiver «qui est proche, sans pain, sans retraite, et « sans pouvoir s'écarter, qu'ils ne tombent entre << nos mains? S'ils se réfugient chez nos voisins, << n'y trouveront-ils pas, comme à Rome, le "gouvernement entre les mains des grands? «Des rebelles et des transfuges en peuvent-ils espérer d'autre condition que celle de mal<< heureux esclaves? Mais peut-être qu'on craint qu'ils ne joignent leurs armes, et qu'ils ne << viennent assiéger Rome destituée d'habitans « nécessaires pour sa défense, comme si les for«ces de la république consistoient dans les « seuls rebelles. Mais n'avez-vous pas, parmi les «patriciens, une jeunesse florissante et pleine << de courage? Nos cliens, qui forment la plus << saine partie de la république, ne sont-ils pas << attachés, comme nous, à ses intérêts? Armons « même, s'il le faut, nos esclaves: faisons-en « un peuple nouveau et un peuple soumis. Ils " ont appris à notre service, et par nos exemples, à faire la guerre. Avec quel courage ne combattront-ils pas, si la liberté est le prix « de leur valeur? Mais si tous ces secours ne « vous paroissent pas encore suffisans, rappe«<lez vos colonics. Vous sçavez, par le dernier

[ocr errors]
[ocr errors]
« AnteriorContinuar »