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dénombrement du cens (1), que la république

de Rome. «nourrit dans son sein cent trente mille chefs de

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famille; à peine en trouvera-t-on la septième << partie parmi les mécontens. Enfin, plutôt que « de recevoir la loi de ces rebelles, accordez « aux Latins le droit de citoyens de Rome, qu'ils « vous demandent depuis si long-temps. Vous les verrez accourir aussitôt à votre secours, « et vous ne manquerez ni de soldats, ni de citoyens. Pour réduire mon sentiment en peu « de paroles, je suis persuadé qu'il ne faut point envoyer de députés aux rebelles, ni rien faire «qui marque de la frayeur ou de l'empresse«ment. Que s'ils rentrent d'eux-mêmes dans << leur devoir, on doit les traiter avec modéra<«<tion; mais il faut les poursuivre les armes à « la main, s'ils persistent dans leur révolte.

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Un avis si plein de fermeté fut suivi, quoique par des vues différentes, par la faction des riches, et par tous les jeunes sénateurs. Les deux consuls, au contraire, plébéiens d'inclination, et qui vouloient gagner l'affection de la multitude, et les vieillards, naturellement timides, soutenoient que la civile étoit guerre le plus grand malheur qui pût arriver dans un

(1) Fait en l'an 246. — Dionys. Halicarn. 1. V, p. 293, et l. VI, p. 390.

État. Ils étoient appuyés par ceux du sénat, qui

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ne considéroient l'intérêt de la liberté de Rome.

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blique, et qui craignoient qu'il ne s'élevât, du corps même du sénat, quelque homme ambitieux et entreprenant, qui, à la faveur de ces divisions, se rendît seul maître du gouvernement. Mais à peine furent-ils écoutés; on n'entendoit, de tous côtés, que des cris et des menaces. Les plus jeunes sénateurs, fiers de leur naissance, et jaloux des prérogatives de leur dignité, s'emportèrent jusqu'à faire sentir aux consuls qu'ils leur étoient suspects. Ils leur remontrèrent qu'ils représentoient la personne des rois; qu'ils en avoient l'autorité, et celle du sénat à soutenir contre les entreprises du peuple; et les plus violens protestèrent que, si on y donnoit la moindre atteinte, ils prendroient les armes pour conserver, dans leur Ordre, une puissance qu'ils avoient reçue de leurs ancêtres.

Les deux consuls, qui vouloient favoriser le peuple, après avoir conféré en secret, résolurent de laisser calmer les esprits, et de remettre la décision de cette grande affaire à la première assemblée. Cependant, avant que de se séparer, et pour tenir en respect les jeunes sénateurs qui leur avoient parlé avec trop d'audace, ils leur déclarèrent que, s'ils ne se comportoient à l'avenir avec plus de modestie dans une assem

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blée si respectable, ils sauroient bien les en de Rome. exclure, en fixant l'âge que devoit avoir un sénateur. Comme il n'y avoit encore rien de décidé là-dessus, les jeunes sénateurs, plus attachés à leur dignité qu'à leur sentiment, plièrent sous cette menace, et sous la puissance des consuls, qui se servirent en même temps d'un autre prétexte contre les sénateurs plus âgés, qui s'opposoient à l'abolition des dettes: ils leur dirent qu'ils ne pouvoient souffrir cette division dans les avis du sénat, et que si les pères ne prenoient des résolutions plus uniformes, ils porteroient cette affaire devant le peuple, et qu'on ne pouvoit, sans injustice, lui en ôter la connoissance, suivant ce qui s'étoit pratiqué, même pendant le gouvernement des róis.

Les sénateurs qui avoient embrassé l'avis d'Appius avec le plus de chaleur, virent bien, par le tour que les consuls donnoient à cette affaire, qu'elle leur alloit échapper, s'ils persistoient dans leurs premiers sentimens. La crainte de tomber entre les mains du peuple les ébranla; les larmes et les cris des femmes et des enfans qui embrassoient leurs genoux, qui leur redemandoient leurs pères et leurs maris, achevèrent de les gagner: et le sénat s'étant rassemblé, la plus grande partie se déclara pour la réunion. Appius, toujours inébranlable

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dans ses sentimens, et incapable d'en changer, resta presque seul de son avis avec quelques de Rome. uns de ses parens, qui, par honneur, n'osèrent pas l'abandonner.

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Les consuls triomphoient d'avoir réduit le sénat, presque malgré lui, à suivre leur avis. Appius, persuadé que toute négociation avec les rebelles alloit à la diminution de l'autorité du sénat, adressant la parole aux deux consuls: «Quoique vous paroissiez résolus, leur dit-il, de traiter avec le peuple aux conditions « qu'il lui plaira de vous prescrire, et que même «< ceux qui étoient du sentiment contraire, en «aient changé par foiblesse ou par intérêt; « pour moi je déclare, encore une fois, qu'à la « vérité on ne peut avoir trop d'égard à la mi«< sère d'un peuple soumis et fidéle, mais je sou« tiens que toute négociation est dangereuse, « tant qu'il aura les armes à la main. »

Comme le sénat avoit pris son parti, ce discours ne fut écouté qu'avec peine, et on le regarda comme celui d'un homme zélé à la vérité pour la gloire du sénat, mais trop prévenu de son habileté, et incapable, soit par vanité, soit par la dureté de son humeur, de changer jamais de sentiment.

Le sénat, sans s'y arrêter, nomma dix commissaires pour traiter avec les mécontens, et

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il les choisit parmi ceux de son corps qui s'éde Rome. toient toujours déclarés en faveur du peuple. T. Largius, Menenius Agrippa, et M. Valerius, étoient à la tête de cette députation: tous trois consulaires, et dont deux avoient gouverné la république, et commandé ses armées en qualité de dictateurs; ils s'acheminèrent avec leurs collègues vers le camp. Cette grande nouvelle y étoit déjà passée : les soldats sortirent en foule pour recevoir ces anciens capitaines, sous lesquels ils avoient été tant de fois à la guerre. La honte et la colère étoient confondues sur le visage de ces rebelles, et on voyoit encore, au travers du mécontentement public, un reste de cet ancien respect que produit la dignité du commandement, sur-tout quand elle est soutenue par un grand mérite.

La présence seule de ces grands hommes eût été capable de faire rentrer les rebelles dans leur devoir, si des esprits dangereux n'eussent pris soin d'entretenir le feu de la division.

Sicinius Bellutus s'étoit emparé, comme nous l'avons dit, de la confiance de ces soldats: c'étoit un plébéien ambitieux, grand artisan de discordes, et qui vouloit trouver son élévation dans les troubles de l'État. Il étoit soutenu, dans ses vues, par un autre plébéien à-peu-près du même caractère, mais plus habile, appelé Lu

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