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le peuple romain. On ne sçait pas bien quelle étoit la forme du culte de ces temps si éloi- de Rome. gnés; on voit seulement par l'histoire, que la religion des premiers Romains avoit beaucoup de rapport avec leur origine. Ils célébroient la fête de la déesse Palès, une des divinités tutélaires des bergers. Pan, dieu des forêts, avoit aussi ses autels; il étoit révéré dans les fêtes Lupercales ou des Louves: on lui sacrifioit un chien (1). Plutarque nous parle d'un dieu Consus qui présidoit aux conseils; il n'avoit pour temple qu'une grotte pratiquée sous terre. On a donné depuis un air de mystère à ce qui n'étoit peut-être alors qu'un pur effet du hasard ou de la nécessité; et on nous a débité que ce temple n'avoit été ménagé sous terre que pour apprendre aux hommes que les délibérations des conseils devoient être secrètes.

Mais la principale religion de ces temps grossiers consistoit dans les augures et dans les aruspices, c'est-à-dire dans les pronostics qu'on tiroit du vol des oiseaux, ou des entrailles des bêtes. Les prêtres et les sacrificateurs faisoient croire au peuple qu'ils y lisoient distinctement les destinées des hommes. Cette pieuse fraude, qui ne devoit son établissement qu'à l'igno

(1) Plut. in Rom.

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rance de ces premiers siècles, devint depuis un de Rome. des mystères du gouvernement, comme nous aurons lieu de le faire observer dans la suite : et on prétend que Romulus même voulut être le premier Augure de Rome, de peur qu'un autre, à la faveur de ces superstitions, ne s'emparât de la confiance de la multitude (1). Il défendit par une loi expresse, qu'on ne fît aucune élection, soit pour la dignité royale, le sacerdoce ou les magistratures publiques, et qu'on n'entreprît même aucune guerre, qu'on n'eût pris auparavant les auspices. (2) Ce fut par le même esprit de religion et par une sage politique, qu'il interdit tout culte des divinités étrangères, comme capable d'introduire de la division entre ses nouveaux sujets. Le sacerdoce, par la même loi, devoit être à vie: les prêtres ne pouvoient être élus avant l'âge de cinquante ans. Romulus leur défendit de mêler des fables aux mystères de la religion, et d'y répandre un faux merveilleux sous prétexte de les rendre plus vénérables au peuple. Ils devoient être instruits des lois et des coutumes du pays, et ils étoient obligés d'écrire les principaux événemens qui arrivoient dans l'État;

(1) Cicer. I. III, c. 3 de Legibus. Idem, lib. III de naturâ deorum. —(2) D. H. l. 2, p. 91.

ainsi ils en furent les premiers historiens et les premiers jurisconsultes.

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Il nous reste, dans l'histoire, quelques fragmens des lois civiles qu'établit Romulus (1). La première regarde les femmes mariées : elle leur défend de se séparer de leurs maris sous quelque prétexte que ce soit, en même temps qu'elle permet aux hommes de les répudier, et même de les faire mourir, en y appelant leurs parens, si elles sont convaincues d'adultère, de poison, d'avoir fait fabriquer de fausses clefs, ou seulement d'avoir bu du vin. Romulus crut devoir établir une loi si sévère pour prévenir l'adultère, qu'il regarda comme une seconde ivresse, et comme le premier effet de cette dangereuse liqueur. Mais rien n'approche de la dureté des lois qu'il établit à l'égard des enfans (2). Il donna à leurs pères un empire absolu sur leurs biens et sur leurs vies: ils pouvoient, de leur autorité privée, les enfermer, et même les vendre pour esclaves jusqu'à trois fois, quelque âge qu'ils eussent, et à quelque dignité qu'ils fussent parvenus. Un père étoit le premier magistrat de ses enfans. On pouvoit se défaire de ceux qui étoient nés avec des diffor

(1) Gellius, lib. 10, c. 23. — (2) Dionys. Hal. lib. II, pag. 97. Plutarq. Justiniani Instit. lib. I, tit. 9, 12.

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de Rome. avant que

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mités monstrueuses; mais le père étoit obligé, de les exposer, de prendre l'avis de cinq de ses plus proches voisins: la loi lui laissoit plus de liberté à l'égard de ses filles, pourvu que ce ne fût pas l'aînée; et s'il violoit ces réglemens, la moitié de son bien étoit confisquée au profit du trésor public. Romulus, qui n'ignoroit pas que la puissance l'un État consiste moins dans son étendue, que dans le nombre de ses habitans, défendit par la même loi de tuer un ennemi qui se rendroit, ou même de le vendre. Il ne fit la guerre que pour conquérir des hommes, sûr de ne pas manquer de terres, quand il auroit des troupes suffisantes pour s'en emparer.

Ce fut pour reconnoître ses forces, qu'il fit faire un dénombrement de tous les citoyens de Rome. Il ne s'y trouva que trois mille hom mes de pied, et environ trois cents cavaliers. Romulus les divisa tous en trois tribus égales, et il assigna à chacune un quartier de la ville pour habiter. Chaque tribu fut ensuite subdivisée en dix curies ou compagnies de cent hommes, qui avoient chacune un centurion pour les commander. Un prêtre, sous le nom de curion, étoit chargé du soin des sacrifices; et deux des principaux habitans, appelés Duumvirs, rendoient la justice à tous les particuliers.

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Romulus, occupé d'un aussi grand dessein An que celui de fonder un État, songea à assurer de Rome. la subsistance de ce nouveau peuple. Rome, bâtie sur un fond étranger, et qui dépendoit originairement de la ville d'Albe, n'avoit qu'un territoire fort borné: on prétend qu'il ne comprenoit au plus que cinq ou six milles d'étendue. Cependant le prince en fit trois parts (1), quoique inégales. La première fut consacrée au culte des dieux; on en réserva une autre pour le domaine du roi et les besoins de l'État; la plus considérable (2) partie fut divisée en trente portions par rapport aux trente curies, et chaque particulier n'en eut pas plus de deux arpens pour sa subsistance.

L'établissement du sénat succéda à ce partage (3). Romulus le composa de cent des principaux citoyens: on en augmenta le nombre depuis, comme nous le dirons dans la suite. Le roi nomma le premier sénateur, et il ordonna qu'en son absence il auroit le gouvernement de la ville; chaque tribu en élut trois, et les trente curies en fournirent chacune trois autres: ce qui composa le nombre de cent sénateurs, qui devoient tenir lieu en même temps de ministres pour le roi, et de protecteurs à l'égard du

(1) Strab. lib. V. — (2) D. H. l. II, p. 82. —

(3) Id. ib.

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