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de former des mariages, où, de part et d'autre, on n'auroit rien à se reprocher.

Romulus n'apprit qu'avec un vif ressentiment une réponse si piquante; il résolut de s'en venger et d'enlever les filles de ses voisins. Il communiqua son dessein aux principaux du sénat'; et comme la plupart avoient été élevés dans le brigandage et dans la maxime d'emporter tout par la force (1), ils ne donnèrent que des louanges à un projet proportionné à leur audace. Il ne fut question que de choisir les moyens les plus propres pour le faire réussir; Romulus n'en trouva point de meilleur que de célébrer à Rome des jeux solennels en l'honneur de Neptune Chevalier. La religion entroit toujours dans ces fêtes, qui étoient précédées par des sacrifices, et qui se terminoient par des combats de lutteurs, et par différentes sortes de courses à pied et à cheval.

Les Sabins, les plus voisins de Rome, ne manquèrent pas d'y accourir au jour destiné à cette solennité, comme Romulus l'avoit bien prévu. On y vit aussi un grand nombre de Céniniens, de Crustuminiens, et d'Antemnates avec leurs femmes et leurs enfans. Les uns et les autres furent reçus par les Romains avec de

(1) Dionys. Halicarn. lib. II, p. 99.

An de Rome.

I..

An

grandes démonstrations de joie; chaque ci

de Rome. toyen se chargea de son hôte; et, après les avoir

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bien régalés, on les conduisit et on les plaça commodément dans l'endroit où se faisoient les jeux. Mais, pendant que ces étrangers étoient attachés à voir le spectacle, les Romains, par ordre de Romulus, se jetèrent l'épée à la main dans cette assemblée; ils enlevèrent toutes les filles, et mirent hors de Rome les pères et les mères, qui réclamoient en vain l'hospitalité violée. Leurs filles répandirent d'abord beaucoup de larmes, elles souffrirent ensuite qu'on les consolât; le temps à la fin adoucit l'aversion qu'elles avoient pour leurs ravisseurs, dont elles firent depuis des époux légitimes. Cependant l'enlèvement de ces filles causa une guerre qui dura plusieurs années. Les Céniniens furent les premiers qui firent éclater leur ressentiment. Ils entrèrent en armes sur les terres des Romains. Romulus marcha aussitôt contre eux, les défit, tua leur roi, ou leur chef, appelé Acron, prit leur ville, et en emmena tous les habitans, qu'il obligea de le suivre à Rome, où il leur donna les mêmes droits et les mêmes priviléges qu'aux autres citoyens. Ce prince rentra dans Rome, chargé des armes et des dépouilles de son ennemi dont il s'étoit fait une espèce de trophée, et il les consacra à Jupiter

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Férétrien, comme un monument de sa victoire: origine de la cérémonie du triomphe chez les de Rome. Romains. Les Antemnates et les Crustuminiens n'eurent pas un sort plus favorable que les Céniniens. Ils furent vaincus; Antemnes et Crustuménie furent prises. Romulus ne les voulut point détruire; mais comme le pays étoit gras et abondant, il y établit deux colonies qui lui servoient, de ce côté-là, comme de gardes avancées contre les incursions de ses autres ennemis. Tatius, roi de Cures dans le pays des Sabins, prit à la vérité les armes le dernier, mais il n'en fut pas moins redoutable; il surprit par trahison la ville de Rome, et pénétra jusques dans la place. Il y eut un combat sanglant et très opiniâtre, sans qu'on en pût prévoir le succès, lorsque ces Sabines, qui étoient devenues femmes des Romains, et dont la plupart en avoient déja eu des enfans, se jetèrent au milieu des combattans, et, par leurs prières et leurs larmes, suspendirent l'animosité réciproque. On en vint à un accommodement; les deux peuples firent la paix; et, pour s'unir encore plus étroitement, la plupart de ces Sabins, qui ne vivoient qu'à la campagne, ou dans des bourgades et de petites villes, vinrent s'établir à Rome. Ainsi ceux qui, le matin, avoient conjuré la perte de cette ville, en de

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vinrent, avant la fin du jour, les citoyens et les de Rome. défenseurs. Il est vrai qu'il en coûta d'abord à 747 Romulus une partie de sa souveraineté : il fut Av. J. C. obligé d'y associer Tatius, le roi des Sabins; et

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cent des plus nobles de cette nation furent admis en même temps dans le sénat. Mais Tatius ayant été tué depuis par des ennemis particuliers, on ne lui donna point de successeur; Romulus rentra dans tous ses droits, et réunit en sa personne toute l'autorité royale.

Les sénateurs Sabins et tous ceux qui les avoient suivis devinrent insensiblement Romains. Rome commença à être regardée comme la plus puissante ville de l'Italie; on y comptoit, avant la fin du règne de Romulus, jusqu'à quarante-sept mille habitans, tous soldats, tous animés du même esprit, et qui n'avoient pour objet que de conserver leur liberté, et de

se rendre maîtres de celle de leurs voisins. Mais cette humeur féroce et entreprenante les rendoit moins dociles pour les ordres du prince; d'un autre côté, l'autorité souveraine, qui ne cherche souvent qu'à s'étendre, devint suspecte et odieuse dans le fondateur même de l'État.

Romulus, victorieux de cette partie des Sabins, voulut régner trop impérieusement sur ses sujets et sur un peuple nouveau qui vou

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loit bien lui obéir, mais qui prétendoit qu'il dépendît lui-même des lois dont il étoit con- de Rome venu dans l'établissement de l'État. Ce prince, au contraire, rappeloit à lui seul toute l'autorité qu'il eût dû partager avec le sénat et l'assemblée du peuple. Il fit la guerre à ceux de Comerin, de Fidéne, et à ceux de Veïes, petites villes comprises entre les cinquante-trois peuples que Pline (1) dit qui habitoient l'ancien Latium, mais qui étoient si peu considérables qu'à peine avoient-ils un nom dans le temps même qu'ils subsistoient, si on en excepte Veïes (2), ville célèbre de la Toscane. Romulus vainquit ces peuples les uns après les autres, prit leurs villes, dont il ruina quelques unes, s'empara d'une partie du territoire des autres, dont il disposa depuis, de sa seule au torité. Le sénat en fut offensé, et il souffroit impatiemment que le gouvernement se tournât en pure monarchie. Il se défit d'un prince qui devenoit trop absolu. Romulus, âgé de cinquante-cinq ans, et après trente-sept de règne, disparut sans qu'on ait pu découvrir de quelle manière on l'avoit fait périr. Le sénat, qui ne vouloit pas qu'on crût qu'il y eût contribué, lui dressa des autels après sa mort, et

(1) Plin. l. III. c. 5. — (2) Virg. Æneid. lib. VI.

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