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leur serment, sous prétexte d'un avis qu'ils s'éde Rome. toient fait donner que les ennemis armoient de

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nouveau, se mirent en campagne, de concert avec le sénat. Le peuple, qui sentit l'artifice, ne sortit de Rome qu'avec fureur; les plus emportés proposèrent même, avant que d'aller plus loin, de poignarder les consuls, afin de se dégager tout d'un coup du serment qui les tenoit attachés sous leurs ordres. Mais les plus sages, et ceux qui avoient la crainte des dieux, leur ayant représenté qu'il n'y avoit point de serment dont on pût se dégager par un crime, ces soldats prirent un autre parti. Ils résolurent d'abandonner leur patrie, et de se faire, hors de Rome, un nouvel établissement. Ils lèvent aussitôt leurs Enseignes, changent leurs officiers, et par les conseils, et sous la conduite d'un plébéien, appelé Sicinius Bellutus, ils se retirent et vont camper sur une montagne, appelée depuis le Mont Sacré, située à trois milles de Rome, et proche de la rivière de Té

veron.

Une désertion si générale (1), et qui paroissoit être le commencement d'une guerre civile, causa beaucoup d'inquiétude au sénat. On mit d'abord des gardes aux portes de la ville, tant

(1) Dionys. Halicarn. lib. VI, pag. 376.

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pour sa sûreté, que pour empêcher le reste des plébéiens de se joindre aux mécontens. de Rome. Mais ceux qui étoient chargés de dettes, les plus mutins, et les plus séditieux, s'échappèrent malgré cette précaution; et Rome vit à ses portes une armée redoutable composée d'une partie de ses citoyens, et qui pouvoient faire craindre qu'ils ne tournassent à la fin leurs armes contre ceux qui étoient restés dans la ville.

Les patriciens se partagèrent aussitôt les uns à la tête de leurs cliens et des plébéiens qui n'avoient point voulu prendre de part à la sédition, occupent les postes les plus avancés; d'autres se fortifient à l'entrée de la ville; les vieillards se chargent de la défense des murailles, et tous montrent également du courage et de la fermeté.

Le sénat, après ces précautions, députe aux mécontens pour leur offrir une amnistie, et les exhorte à revenir dans la ville, ou sous leurs Enseignes. Mais cette démarche faite trop tôt, et dans la première chaleur de la sédition, ne servit qu'à faire éclater l'insolence du soldat. Les députés furent renvoyés avec mépris, et on leur donna pour toute réponse: Que les patriciens éprouveroient bientôt à quels ennemis ils avoient à faire.

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Le retour de ces envoyés augmenta le troude Rome. ble dans la ville. Les deux consuls, dont la

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magistrature expiroit, indiquèrent l'assemblée pour l'élection de leurs successeurs; personne, dans une conjoncture si fâcheuse, ne se présenta pour demander cette dignité; plusieurs même la refusèrent. Enfin on obligea Posthumius Cominius, et Spurius Cassius Viscellinus, personnages consulaires, de l'accepter, et le sénat fit tomber sur eux les suffrages, parcequ'ils étoient également agréables aux nobles et aux plébéiens, et que Cassius sur-tout s'étoit toujours ménagé, avec beaucoup d'art, entre les deux partis.

Les premiers soins des nouveaux consuls furent de convoquer le sénat, pour délibérer sur les moyens les plus prompts et les plus faciles de rétablir la paix et l'union entre les différens Ordres de l'État.

Menenius Agrippa, personnage consulaire, illustre par l'intégrité de ses mœurs, auquel on demanda le premier son avis, opina qu'il falloit renvoyer de nouveaux députés aux mécontens, avec un plein pouvoir de finir une affaire aussi fâcheuse, aux conditions que ces commissaires jugeroient les plus utiles à la république. Quelques sénateurs trouvoient que c'étoit commettre la dignité du sénat que de

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députer de nouveau à des rebelles qui avoient An reçu si indignement ses premiers envoyés. Mais de Rome. Menenius représenta qu'il n'étoit pas temps de s'arrêter à une vaine formalité; que le salut de la république, et une nécessité indispensable à laquelle les dieux même cédoient, obligeoient le sénat de rechercher le peuple; que Rome, la terreur de ses voisins, étoit comme assiégée par ses propres citoyens; qu'à la vérité ils n'avoient encore fait aucun acte d'hostilité, mais que c'étoit par cette même raison qu'il falloit empêcher le commencement d'une guerre qui ne pouvoit être que funeste à l'État, quel qu'en fût le succès.

Il ajouta que les Sabins, les Volsques, les Eques, et les Herniques, tous ennemis irréconciliables du nom Romain, se seroient déjà joints aux rebelles, s'ils n'avoient peut-être pas jugé plus à propos de laisser les Romains s'affoiblir, et se détruire par leurs propres divisions; qu'il ne falloit pas espérer de grands secours de leurs alliés; que les peuples de la Campanie et de la Toscane n'avoient qu'une foi douteuse, et toujours soumise aux événemens; qu'on n'étoit guères plus assuré des Latins, nation jalouse de la supériorité de Rome, et toujours avide de la nouveauté; que les patriciens se trompoient, s'ils se flattoient de

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pouvoir résister avec leurs cliens et leurs esde Rome. claves à tant d'ennemis domestiques et étrangers, qui s'uniroient pour détruire une puissance qui leur étoit odieuse.

M. Valerius, dont nous venons de parler, (1) et qui avoit l'esprit aigri contre le sénat, ajouta à l'avis de Menenius, qu'on devoit tout craindre des desseins des mécontens, dont la plupart avoient déjà abandonné le soin de leurs héritages et la culture des terres, comme des gens qui renonçoient à leur patrie, et qui songeoient à s'établir ailleurs; que Rome alloit être déserte, et que le sénat, pour être trop inflexible, ruinoit les principales forces de la république, par la retraite forcée et la désertion d'un si grand nombre de citoyens; que au contraire on eût suivi les conseils qu'il donna pendant sa dictature, on auroit pu, par l'abolition des dettes, conserver l'union et la paix entre les différens Ordres de l'État; mais qu'il ne falloit pas se flatter que le peuple, tant de fois trompé par les vaines promesses du sénat, se contentât, à présent, de cette abolition; qu'il craignoit bien que les mauvais traitemens qu'il avoit essuyés, ne l'engageassent à demander encore des sûretés pour la conservation de ses

(1) Dionys. Halicarn. 1. VI, p. 385.

si

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