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nous bornerions à de simples titres. Nous ne parlerons que de ceux qu'il a fait imprimer séparément, et qui ne nous appartiennent pas moins, tant par la qualité d'académicien qu'il y a toujours prise, que parcequ'il ne les a jamais publiés, qu'après les avoir soumis à l'examen de la compagnie, et en avoir lû les morceaux les plus intéressans dans nos assemblées publiques ou particulières.

Le premier fut son traité de la Mouvance de la Bretagne, imprimé en 1710. M. l'abbé de Vertot, n'avoit pu voir, sans une douleur mêlée d'inquiétude, que le nouvel historien de cette province, enchérissant sur les idées de quelques uns de ses prédécesseurs, ne se contentoit pas de soutenir, comme eux, que nos rois de la première et de la seconde race n'avoient exercé aucun pouvoir légitime sur le pays des Bretons, et que la cession qu'on disoit qu'ils avoient faite de sa mouvance aux premiers ducs de Normandie, étoit une pure chimère; mais que, de plus, aux endroits où, accablé par la multitude des preuves, il ne pouvoit s'empêcher de reconnoître ces mêmes rois pour maîtres et souverains de la Bretagne, il affectoit d'exalter leur puissance et la supériorité de leurs armes, comme si c'eût été leur seul titre; et que, lorsqu'à la faveur de quelque

guerre civile, les Bretons refusoient, à nos rois, le service et les tributs ordinaires, il nommoit ces révoltes passagères, des temps de liberté, et parloit de leurs différens chefs, souvent nés dans la plus vile populace, comme d'autant de princes généreux qui exposoient leur vie pour rompre les chaînes de la nation.

Il y avoit déjà près d'un siècle que Nicolas Vignier, auteur célèbre, s'étoit élevé contre ce paradoxe historique; M. l'abbé de Vertot en fit encore mieux sentir l'illusion; et nous sommes obligés d'ajouter, comme un fait de notre connoissance particulière, qu'il auroit laissé ce point de critique dans l'intérieur de l'Académie, si une copie informe de son manuscrit n'avoit commencé à se répandre; et que ce lieu commun de tant et tant de préfaces étoit, à son égard, une vérité constante, quoique décréditée.

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Divers auteurs joignirent au traité de la Mouvance, des dissertations particulières en faveur du sentiment de M. l'abbé de Vertot. Ce n'étoit pas ce qu'il souhaitoit le plus, c'étoit une réponse, qui avoit d'abord été annoncée comme victorieuse, et qui ne parut point du tout, ou du moins qui se réduisit à deux brochures, dont la plus considérable, donnée sous le nom d'un ami de l'historien Breton, et toute

remplie de ses louanges, se trouva être son propre ouvrage. Le père Lelong en divulgua l'anecdote dans sa Bibliothèque des Historiens de France; et M. l'abbé de Vertot jouissoit tranquillement de ce dernier avantage, lorsque les mouvemens qui s'élevèrent en Bretagne, quoique heureusement arrêtés par la sagesse du gouvernement, l'échauffèrent de nouveau. Il se persuada que la prévention ou la mauvaise foi des historiens modernes de cette province, suffisoient pour y entretenir le germe de l'indépendance et de la rebellion. Et voulant y détruire des préjugés aussi funestes au repos des peuples, que contraires à la vérité de l'histoire, il composa un traité complet de l'Établissement des Bretons dans les Gaules, et n'y laissa rien à désirer, soit par rapport à la souveraineté primordiale de nos rois sur toute la Bretagne, soit par rapport à la vassalité originaire des premiers Bretons qui occupèrent une partie de l'Armorique. L'ouvrage fut imprimé en 1720; et il est resté sans réplique.

Dans l'intervalle du traité de la Mouvance à celui de l'Établissement des Bretons dans les Gaules, il s'occupa d'un travail, sinon plus utile, du moins plus étendu, plus conforme à son goût, et d'un bien plus grand usage dans la littérature; il écrivit l'His

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toire des Révolutions de la république Romaine, qui parut, en 3 volumes, au commencement de l'an

née 1719.

Le succès en est trop connu, et celui des ouvrages de M. l'abbé de Vertot étoit trop ordinaire, pour nous arrêter présentement à le décrire; nous pourrions seulement observer qu'il n'étoit pas dû à la nouveauté du sujet, et que ce fut principalement ce qui engagea l'Ordre de Malte, qui avoit déjà un grand nombre d'historiens, et dans presque toutes les langues vivantes, à jetter les yeux sur lui pour les rédiger en un corps, et donner une nouvelle forme à ses brillantes annales. Il s'en chargea; et aussitôt le grand-maître lui adressa un bref, plein de marques d'estime et de reconnoissance; il joignit, à ce bref, la croix de l'Ordre: l'ambassadeur, en personne, lui remit l'un et l'autre; et le grand-prieur de France lui conféra la commanderie de Santeny.

La composition de sa nouvelle Histoire de Malte, divisée en quinze livres, et partagée en quatre volumes in-4o, demandoit beaucoup de temps; et le public, prévenu, lui en accordoit peu; il auroit voulu sçavoir, à tout moment, où il en étoit, quand il finiroit, quand on commenceroit à imprimer : il le sçut enfin, et alors il ne se plaignit que de la lenteur de

l'édition; il est vrai que les libraires en firent deux à la fois, et que celle qu'ils avoient destinée aux pays étrangers, n'y suffit pas, toute nombreuse qu'elle

étoit.

Nous n'avons garde d'oublier que ce fut durant le cours de cette impression que M. le duc d'Orléans, dont on formoit la maison, y donna à M. l'abbé de Vertot une place d'interprète; qu'il le logea au Palais-Royal, et qu'immédiatement après son mariage, il le nomma encore secrétaire des commandemens de madame la duchesse d'Orléans.

Tels furent les agrémens et les avantages que lui valut le talent singulier de bien écrire l'histoire; nous ne disons pas la fortune, parce qu'après avoir fait à Dieu le sacrifice de son patrimoine même, il n'est pas à présumer qu'il ait jamais aspiré à rien de plus qu'une vie exempte de trouble et de la sollicitude des besoins: mais, pour les honneurs de l'esprit, qui sont de tous les états, et dont l'ambition ne peut être qu'utile aux hommes, loin de s'en défendre, il n'oublia rien de ce qui pouvoit les lui

assurer.

Jamais auteur ne fut plus attentif à choisir des sujets nobles, élevés, capables d'intéresser et d'é

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