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bois. Mais ce qui mérite, à mon avis, plus de confidération, & qui annonce la plus grande fécondité de génie, c'eft que parmi tant d'Ouvrages, il ne fe rencontre qu'une feule Copie (3). Paufanias parle même d'un Bouclier, dont le Deffein étoit emprunté d'une autre Figure. Ces deux exemples marqués avec foin prouvent l'originalité de tous les autres morceaux.

On ne peut affûrément pouffer l'exactitude plus loin, & donner en même-temps un témoignage plus certain de la rareté des Copies. Paufanias indique encore plus de cinquante Bas-reliefs, qui me paroiffent avoir été confidérables par leur grandeur & par la beauté de leurs fujets, mais fur-tour par le cizeau des Artiftes qui les ont exécutés. Je n'ai point relevé un nombre infini d'Ouvrages de ce même genre de Bas-relief, dont le volume, l'objet, ou l'Artiste n'étoient pas recommandables.

D'ailleurs leur espèce eft quelquefois difficile à démêler dans le récit de Paufanias; c'est-à-dire, que l'on auroit peine à décider fi l'Ouvrage eft de Bas-relief, ou de Ronde-boffe; mais on fe trouve rarement dans cet embarras.

Rien n'eft fi clair que la Defcription qu'il fait de vingt-quatre Chars de bronze, au moins grands comme le naturel, quelquefois à deux Chevaux, mais le plus fouvent à quatre, & remplis d'une ou de deux Figures. On en voit même qui font accompagnés de Coureurs, ou groupés avec des Hommes, qui les fuivent à pied. Enfin Paufanias cite plus de quarante Animaux de bronze d'une grandeur confidérable, & de toutes les espèces, Tigres, Lions, Chevaux, Boeufs, Chèvres, &c. parmi lefquels il est fait mention d'un Paon d'or, enrichi de pierres précieuses, & donné par l'Empereur Adrien. Il est aifé de

(a) Le Cupidon, dit-il, que l'on voit aujourd'hui à Thefpie, eft un Ouvrage de Ménodore, Athénien, qui a

imité celui de Praxitele. Paufanias de Gédoin, Beot. pag. 285. c. 27. (& pag. 762. Ed. Kuhn.)

reconnoître dans le détail de cette dernière Figure un goût étranger à la Grèce. Cette Nation fçavante préféra toujours les beautés réelles de l'Art; c'eft-à-dire, le deffein précis & l'exécution large, à la richeffe de la matière & des ornemens. Le luxe dans les Arts, prefque toujours ennemi du goût, éblouit les ames vulgaires; il ne fait qu'une médiocre impreffion fur les véritables connoiffeurs, à qui toutes les matières font indifférentes, & qui ne recherchent dans un Ouvrage que l'Ouvrage même. Enfin, fi l'on confidère que Paufanias n'a pas été dans toutes les Villes de la Grèce, & fi l'on joint à tous les grands morceaux, dont je viens de parler, fept cens treize Temples, également cités par le même Auteur, fans compter les Autels, les Chapelles, les Tréfors des Provinces les Portiques, lesTrophées, lesTombeaux, les Rotondes, & tous les Monumens, dont les Villes & les Campagnes étoient ornées avec profufion, on aura peine à croire que le temps auquel il a fait fes Voyages, ait été précédé de trois cens ans, employés par les Romains à dépouiller ce beau Pays de fes principaux Ornemens. Il nous apprend lui-même que Néron avoit emporté cinq cens Statues de la feule Ville de Delphes.

Je croirois cependant, que les Romains plus amateurs de la Peinture, avoient encore plus recherché les Tableaux que les Statues; c'est-à-dire toutefois, à proportion du petit nombre que la Grèce poffédoit de ces premiers: car Paufanias ne parle que d'environ quarante-trois Portraits, & de quatre-vingt-huit Tableaux, ou morceaux exécutés à frefque. Et quand on ajouteroit à ce nombre celui des Peintures, dont Pline fait mention, & qui faifoient l'ornement de la Ville de Rome, dans le temps qu'il écrivoit, il est conftant qu'on trouveroit un nombre peu proportionné entre les Ouvrages de Sculpture & ceux de Peinture, quoique ceux-ci ayent toujours été d'une exécution plus facile. Il n'en faut cependant pas conclure que les

Grecs méprifoient la Peinture; elle entroit dans les décorations des Temples, des Portiques, des Tombeaux: mais il me paroît prouvé qu'ils l'ont moins cultivée que les autres Arts. Car outre la rareté des morceaux de ce

genre que Paufanias rapporte, rapporte, il ne fait mention que de quinze Peintres, tandis qu'il diftingue de la manière la plus claire cent foixante & neuf Sculpteurs. Il faut cependant convenir que Pline fait mention de cent trentetrois Peintres Grecs, bons ou médiocres.

Je ne fais point entrer dans ce nombre les femmes de la même Nation qui paroiffent avoir excellé, ni le peu d'Artistes cités par le même Auteur, & que les Romains ont produits dans ce genre. On pourroit répondre pour concilier les deux Auteurs, que Pline a parlé de tous les Peintres de la Grèce, de l'Afie mineure, de la Sicile, & de ce qu'on appelloit la grande Grèce, &c. & que Paufanias n'a pas même visité toute la Grèce proprement dite, qu'il n'écrivoit point l'hiftoire desArtiftes, & qu'il parloit feulement de ceux dont il avoit vû les ouvrages; ouvra ges dont le nombre étoit encore diminué par l'avidité des Romains,qui dévastoient ce Pays depuis environ 80. ans ; à compter le temps qui s'étoit écoulé depuis Pline jufqu'à lui. Il réfultera toujours de ce calcul, qu'il y avoit plus de Statues que de Tableaux dans la Grèce.

Je reviens à Paufanias. Le détail que j'ai préfenté d'aque près lui, doit frapper l'imagination, & donner une idée bien relevée du génie des Grecs. On fera furpris de trouver dans un Pays, d'une étendue affez médiocre, tant de beautés réunies. On le fera encore plus en confidérant que ces Ouvrages étoient en général autant de chefs-d'oeuvres exécutés par le goût, par le génie, & dans la plus grande manière. Enfin, la Grèce étoit le Temple des Arts; & s'il eft permis de parler ainfi, elle préfentoit de tous côtés une galerie parfaitement difpofée, & d'autant plus fuperbe, que tous les Ouvrages imitant la belle Nature,

étoient placés avec une convenance qui redoubloit leur

mérite.

Aucune partie du monde n'a jamais offert un fpectacle pareil. Les Grecs fe font acquis une gloire, que le temps & l'envie ne pourront détruire. Heureux Peuple, qui faifoit marcher d'un pas égal les vertus guerrières & les talens de l'efprit, & qui fe diftinguoit dans tous les genres, qui peuvent affûrer aux hommes la véritable gloire! Ils méritoient l'admiration de la postérité par des actions de fageffe & de valeur. Ils éclairoient les fiècles à venir par des chefs-d'œuvres d'Eloquence & de Poëfie, tandis qu'ils élevoient des Monumens de leur goût dans des Ouvragres immortels de Peinture, de Sculpture & d'Architecture. Nous ne pouvons donc conferver avec trop de foin, & trop étudier le peu de Monumens qui nous font restés

de ces hommes rares & fupérieurs. La lecture de leur Hiftoire, celle-même de leurs Ouvrages d'agrément, élevera toujours le génie de nos Artistes; & les productions de leurs Artistes, en fervant de preuves ou d'époques aux Hiftoriens, échaufferont encore l'imagination des Poëtes & des Orateurs. Tout ce que j'ai rapporté de Paufanias, dans cet Ouvrage, eft d'après la traduction de M. l'Abbé Gédoin.

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JE place cette Statue, avant les Divinités adorées dans la Grèce, parce qu'elle autorife quelques réflexions fur les Arts, qui font un des objets principaux de cet Ouvrage. Je renverse en cela l'ordre que j'ai fuivi jufqu'à préfent, & que je crois très-convenable; mais les idées que je communique ici, m'ont paru devoir précéder toutes les explications de cette classe.

On ne nous préfente ordinairement les Grecs que dans cette époque brillante, où ils cultivèrent tous les talens avec fuccès. Nous donnons une admiration réflé

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