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chie à leurs chef-d'œuvres en tous les genres, & nous les propofons pour modèles aux Artiftes qui veulent tendre à la perfection; mais nous ne remontons pas toujours à l'origine & à l'enfance de ces mêmes Arts dans la Grèce. Je me fuis fouvent livré à cet examen avec plaifir, & les recherches m'ont de plus en plus démontré, que la Grèce doit à l'Egypte fes principales connoiffances. Paufanias, qui m'a été fi fouvent utile, me fournit les preuves de cette opinion.

Il eft certain que la Sculpture des anciens Grecs tenoit à leur Religion. Il l'eft encore, qu'ils ont emprunté leur Religion de celle d'Egypte : « On voit dans le Temple de Jupiter Ammon des Autels & des Infcriptions, qui at> teftent que les Eléens fe font autrefois adreffés à l'Ora» cle de Lybie. »

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Ce fait prouve que très-anciennement les Grecs avoient eu une communication avec les Egyptiens: mais il feroit difficile de fixer l'époque de ce commerce Religieux, & de déterminer le temps auquel les Temples, les Chapelles, enfin tous les Monumens dédiés à Jupiter Ammon, ont été établis dans la Grèce. On y voyoit un très-grand nombre de Temples élevés en l'honneur des Dieux Egyptiens, felon le témoignage de tous les Auteurs de l'Antiquité, & de Paufanias en particulier; il dit, en parlant de la Chapelle d'Ifis qu'on trouvoit dans la Phocide:

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C'eft de tous les lieux confacrés à cette Divinité Egyptienne, le plus faint & le plus révéré dans la Grè

Paufanias Elide, Pag. 448. ( L. 1. edit. Kuhnii.

C. 15. pag. 416.

»ce. Il n'y a aucune maifon aux environs, & nul ne Pauf. pag. 390. peut entrer dans ce Temple, excepté ceux que la (Cap. 32. 880. Déesse y invite elle-même par les Songes qu'elle leur edit. Kuhnii. )

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» envoye."

Cette citation concourt à mon objet, en même temps qu'elle nous donne une idée du culte Egyptien. En effet, il est vraisemblable que l'on a voulu copier ce que obfervoit en Egypte, au moins pour l'arrangement du

l'on

Local. Carje croirois, avec peine, que la fuperftition des Egyptiens les portât, comme les Grecs, à fe déterminer par les Songes, du moins les Auteurs anciens ne nous en difent rien.

Il est donc certain qu'il y avoit une communication entre les Grecs & les Egyptiens. Les Monumens que j'examinerai bientôt, portent par leur fabrique & par leur forme, le caractère de la Nation qui leur donna naissance. Ces Ouvrages furent travaillés, fans doute, dans les commencemens par des Artiftes Egyptiens; car les Auteurs nous apprennent qu'il y en avoit beaucoup dans la Mcflenie, p. 395. Grèce, & citent leurs Ouvrages comme existans dans le Je crois, dit Paufanias, que dans ces temps fi anCorinthe, p. 191. „ ciens, toutes les Statues étoient de bois, particulièrefaifoient les Egyptiens. »

(c. 19. pag. 152. Ed. Kuhnii.)

pays.

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» ment celles

que

Je le crois avec lui, & j'ai déja développé cette opinion dans les Mémoires de l'Académie. En effet, on doit penfer que les hommes fortis des mains de la Nature, & foumis à des befoins, conftruifirent des inftrumens pour ces mêmes befoins, & qu'ils dûrent être de bois. La terre leur offroit des branches d'arbres diversement configurées, & propres à plufieurs ufages. Devenus industrieux par la néceffité, ils apprirent, fans doute, à corriger les formes irrégulières du bois qu'ils avoient deffein d'employer. L'habitude les rendit habiles. Ils imitèrent les objets qui se préfentoient à leur vûe, & lorsque la fuperftition fe fût introduite, cette matière plus douce & plus docile aux volontés de l'Artiste, que le marbre & les métaux, qui peut-être même leur étoient inconnus, fut mife en œuvre pour fabriquer les Statues des Dieux.

Lorfque j'avance fi affirmativement que tous les Peuples ont commencé par travailler le bois, on ne doit pas croire que je puiffe en apporter des preuves pour les Egyptiens. Cette Nation, la première parmi celles de

notre

notre connoiffance qui cultiva les Arts, fut auffi la
première à perfectionner fes opérations. Elle conçut les
Arts en grand, & fut plus attentive à donner aux Ou-
vrages de la folidité que de l'élégance. Elle vouloit laiffer
aux fiècles à venir une idée de fa grandeur par la maffe &
par l'étendue de fes Monumens. Elle dut par conféquent
abandonner bientôt le bois, matière peu durable, pour
choisir les pierres, le marbre, les métaux capables de
réfifter aux ravages du temps, & fur-tout aux fréquens
débordemens du Nil. Il faudroit donc remonter bien
avant dans fon Hiftoire,pour y trouver les commencemens
des Arts. Hérodote, qui a fait de fi grandes recherches,
nous apprend que les Egyptiens n'ont rien dit là-deffus.
Ce témoignage, loin de combattre mon fentiment, prou
ve, au contraire, le fyftême général que j'ai fuivi
la fucceffion des Arts.

pour

Mais revenons à notre examen: Paufanias cite deux Corinthe, p. 193, colonnes de bois, taillées en façon de Statues, pour re- (ibid. p. 154. Ed, Kuhnii.) préfenter Jupiter & Diane. Ces Monumens de Danaüs indiquent un travail fort groffier. Mais on n'en doit pas conclure, que les Ouvrages Egyptiens fuffent auffi impar faits dans le même tems. Danaiis étoit Prince, & pouvoit ignorer la pratique des Arts. Content d'inspirer à des Barbares un culte Religieux, il laiffoit à des Ouvriers malhabiles le foin de fabriquer les Statues des Dieux, & il ne pouvoit lui-même les conduire que par une réminifcence fort imparfaite, mais fuffifante pour une Nation dont les yeux n'étoient point encore ouverts.

On doit dire la même chofe de deux Statues de Jupiter Milichius & de Diane Patroa, toutes deux formées Corinthe, p. 167. (c. 9. p. 132. Ed. fans aucun Art. La première faite en forme de pyramide; Kuhnii.) l'autre, taillée comme une colonne.

Ces exemples rappellent en même-temps l'enfance des Arts dans la Grèce, & la fource d'où on les a tirés : mais fuivons les dans leurs commencemens. Examinons leur * P

Laconie, p. 298. (c. 18. p. 257. Ed. Kuhnii.)

marche, voyons par quels degrés ils font venus à leur perfection, en établiffant nos recherches fur les Monumens rapportés par un Auteur ami de la vérité, qui ne cherche point à en imposer par un style brillant, ni par des merveilles fuppofées.

Paufanias parle d'une Statue d'un goût fort ancien, qui, à la réserve du vifage, des mains, & du bout des pieds, eft toute femblable à une colonne d'airain. Elle a la tête dans un cafque, & tient dans fes mains une lance & un arc. Cette Statue qui a au moins trente coudées de hauteur, eft pofée fur une base en forme d'Autel.

Cet Ouvrage n'a de commun avec l'Egypte que la grandeur de l'idée, & cette grandeur fe trouve rarement dans les premières opérations de l'Art.

L'impreffion que les Monumens Egyptiens firent fur l'efprit des Grecs, donna naiffance, fans doute, à cette Statue, & à d'autres de même forme. Frappés d'admiration à la vue des Maffes énormes qu'ils voyoient élevées en Egypte, les Grecs cherchèrent à les imiter. Mais ce que je confidère principalement, c'eft une connoiffance déja avancée dans la fonte, & telle qu'un morceau de 45 pieds l'exige, fi l'on n'aime mieux croire qu'il fut compofé de plufieurs pièces. Ce fentiment eft même affez vraifemblable, fi l'on a égard au temps dont il s'agit. A la vérité, Paufanias ne le dit point au fujet de ce MonuArcadie, p. 162. ment; mais il parle ailleurs de cette façon de travailler, & j'en rendrai compte plus bas. Cet Auteur place l'épodes premières Statues de bronze au temps de Théo

237.)

p.

que

(Lacon. c. 12 ore de Samos. Cette époque n'est pas auffi ancienne que

celle-ci paroît le devoir être. Il faut cependant conve-
nir, que toutes les contrées de la Grèce ne marchoient
point
d'un pas égal dans la connoiffance des Arts, & que
le goût des Egyptiens, ou celui qui paffoit pour tel, étoit
véritablement fuivi dans quelques endroits, tandis
que le
bon goût commençoit à gagner & à s'établir dans d'autres.

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