Imágenes de páginas
PDF
EPUB

d'un côté, mais elle est tombée heureusement dans les mains de Connoiffeurs capables de fentir le mérite de la gravûre. La manière en eft grande, mais auftère; ce qui m'engage à faire remonter l'Ouvrage à une antiquité fort reculée. Il fe peut auffi que les mêmes connoiffeurs ayent connu le mérite d'un Portrait, que je crois pouvoir regarder comme celui de Platon.

[blocks in formation]

Lib. XXXIII. G 111.

LA double Tête que l'on trouve plus fréquemment fur les Monnoyes frappées dans les premiers temps des Romains, représente ordinairement Janus. Pline dit au fujet d'une Médaille de la famille Tituria: Fuit ex altera parte Janus Geminus, ex altera Roftrum Navis; & en expliquant des Monnoyes d'autres familles : Janus Geminus à Lib. XXXIV. c. Numa Rege dicatus, qui pacis bellique argumento colitur.

Mais cette Tête n'eft pas la feule que les Anciens ayent représentée avec deux vifages. La famille Tituria fit encore frapper une Médaille où les têtes de Tatius & de Romulus, étoient également adoffées l'une contre l'autre, pour signifier peut-être leur bonne intelligence dans le Gouvernement. On voit auffi le même Type fur des Monnoyes trèsanciennement fabriquées chez les Etrufques, qui n'ont fans doute aucun rapport avec ces Rois de Rome, mais qui peuvent auffi faire allufion à l'union de deux Princes, qui auront été attentifs au Commerce & à la Marine. Čette conjecture eft autorisée par la proue de Vaiffeau, que porte prefque toujours le revers de ces Médailles.

VII.

Il eft vrai qu'Ovide affûre qu'on a représenté un Navire Lib. 1. Fast. fur les Monnoyes, en mémoire de Saturne, arrivé par Mer en Italie, & reçu par Janus. Quoi qu'il en foit, cette Monnoye étoit fi commune, que les enfans jouoient aux Têtes & aux Navires, comme ils jouent aujourd'hui à croix & à pile. Je ne m'étendrai pas davantage fur ces doubles Têtes barbues, qu'on regarde comme celle de

Janus; mais je propoferai quelques réflexions fur les Têtes adoffées de femmes, que l'on trouve aufli fur les Médailles & fur d'autres Monumens particuliers, & tel eft le morceau gravé dans cette Planche.

M. Vaillant prend ces fortes de Têtes pour des Janus fans barbe, parce que les Romains fe faifoient rafer dans les premiers fiècles. Mais M. Baudelot, qui a fait une Differtation fur cette matière, affûre que ces doubles Têtes de femmes, dans les Médailles Romaines, ne fe reffemblent point, & ne font pas de même âge. Il les attribue aux deux Acca-Laurentia. L'une Nourrice de Romulus; l'autre célèbre Courtifanne, connue fur le nom de Flora, & en l'honneur de qui on célébra les Jeux appellés Floraux. Il cite enfuite quelques Médailles d'Attalie, de Rhége dans la Grande-Grèce, de Mefline, de Syracufe, en Sicile, fur lefquelles ces Têtes de femmes font représentées de la même manière. La feule différence que j'y trouve, dit-il, c'eft qu'elles font furmontées d'un boiffeau.

M. Baudelot prétend que les Villes conquises avoient fans doute adopté un ufage confacré par les Romains leurs Vainqueurs. Je ne combattrai pas quelques-unes des preuves que cet Auteur employe, ni les témoignages qu'il fait valoir pour appuyer fon fentiment; mais je fuis dans l'opinion que ces Têtes de femmes adoffées dans les Médailles, font antérieures à la fondation de Rome, & que les Romains, ainfi que les Grecs, les ont empruntées des Etrufques.

1°. Les doubles Têtes ne fe reffemblent pas fur les Médailles Romaines, mais cela n'eft pas vrai pour les Monumens indiqués par les Auteurs, & principalement celui que je rapporte. 2°. Le boiffeau que M. Baudelot apperçoit dans les Médailles de la Sicile, & de la Grande-Grèce, ne fe trouve que dans celles de Rhége. Celles de Syracufe, citées par Goltzius, n'en ont point.

pour

3°. Il avoue que Mirabelle penfe que ces dernières Médailles représentent Orthygie & Syracufe, fille d'Archias de Corinthe, Fondateur de la Ville de Syracuse; ce qui fait un préjugé contre fon fentiment.

Ajoûtons que Goltzius lui-même croit qu'elles repréfentent Alphée & Aréthufe; & il parle de deux autres Monnoyes de Lemnos & de Ténédos, chargées de pareilles Têtes. Il réfulte de ces deux témoignages, que les Romains les ont empruntées des Étrangers; & les paffages fuivans, en expliquant le Monument gravé dans cette Planche, confirmeront encore mon opinion.

Lib. IV.

Hérodien ne fpécifie rien, mais il décrit ces Têtes en général, lorfqu'il dit: In circuitu unius capitis duos dimidiatos vultus. Lucien éclaircit davantage la matière: Mercuriales imagunculæ duplices & utrimque fimiles, ad In Jove Tragade. quamcumque illarum partem te verteres. A la vérité il ne donne l'idée d'un jeu de l'Art; mais il prouve que que

les Anciens employoient plusieurs fortes de Têtes à ce badinage.

Enfin S. Grégoire de Nazianze s'étend plus fur ce fu- Chap. XVIII. jet: Videre eft quafdam effigies in quibus duplex eft expressa forma, fingentibus has artificibus atque uni capiti geminas vultùm formas infculpentibus, ut eas spectatores cum ftupore

intueantur.

Lucien & S. Grégoire de Nazianze, ne font aucune mention d'Acca ou Flora pour défigner mieux ce qu'ils décrivent. La raifon eft que ces Images n'avoient pas ces deux Romaines pour objets : ainfi ce ne font point les Villes conquifes de la Grèce qui ont emprunté des Romains, comme le prétend M. Baudelot, l'ufage des Têtes adoffées; mais ce font les Romains eux-mêmes qui ont pris ces fortes de Types des Etrufques, ou des Grecs.

Cependant M. l'Abbé Fraguier dit, que quelques Antiquaires croyent que les Têtes adoffées, que l'on

voit fur les Médailles de Ténédos, repésentent Ténés, qui en étoit le Fondateur, avec fa belle-mere, ou sa foeur, dont il étoit amoureux.

Il est vrai que Béger & Spanheim en ont parlé, de façon à perfuader que c'étoit leur avis. Mais quelle preuve pourroient-ils donner fur un fujet d'une antiquité fi reculée ? L'Hiftoire même, femble indiquer que ce Prince ne mourut pas fur le Trône. D'ailleurs les Médailles que ces deux Auteurs ont citées, & qui paroiffent avoir rapport à un mariage heureux, font d'un très-bon goût de Deffein, & conftamment beaucoup plus modernes Ténés.

que

Il réfulte de ces différens avis & de la variété de ces Monumens, que les Anciens n'ont pas toujours eu les mêmes motifs pour les confacrer à la poftérité, & qu'il eft prefque impoffible de déterminer aujourd'hui les raifons qui les ont fait agir. Mais il femble que S. Grégoire de Nazianze, dans le paffage cité plus haut, ait voulu décrire la belle tête rapportée fur cette Planche de face & de profil; rien n'eft plus reffemblant, en effet, que le double vifage de cette jeune perfonne; on diroit que l'Artiste a eu deffein de représenter la jeuneffe & la beauté mâle, & d'étonner par le rapport parfait de la reffemblance. En effet, ce doit être-là l'objet de cette Figure; car elle n'a aucun attribut qui la diftingue, & quelque attention que l'on apporte à l'examen, on ne peut y découvrir ce certain air de convention, que les hommes de toutes les Religions donnent à leurs Divinités. Peutêtre a-t-on voulu représenter une Mufe? La grandeur des maffes, la belle & noble fimplicité répandue fur les visages, n'eft point augmentée par le mouvement des cheveux ; ils font traités avec une égale fimplicité. La coëffure eft fingulière, mais elle eft fans art, & d'un goût qui s'accorde avec tout le refte.

Ce beau morceau eft de bronze, de la plus belle matière

« AnteriorContinuar »