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RECUEIL D'ANTIQUITÉS

ÉGYPTIENNES, E'TRUSQUES, GRECQUES, ET ROMAINES.

SECONDE PARTIE.

J

DES ETRUS QUE S

E n'ai jamais cru devoir pénétrer l'obscu rité répandue fur les premiers habitans de l'Italie. De femblables détails m'auroient entraîné dans des difcuffions étrangères à mon objet.

Je fçais que les Aborigènes, les Euganiens, les Pélafges & les Tyrrhéniens ont occupé cette partie du Monde: mais fans chercher à diftinguer ces Nations peu connues, ni quelques Monumens qui pourroient

Pag. 85.

leur appartenir en particulier, j'ai attribué tous les morceaux fuivans aux Etrufques.

On n'ignore pas combien il eft difficile de parler de ces derniers Peuples. Les Romains ont gardé à leur égard un filence, dont on ne peut deviner le motif. Ils femblent avoir voulu anéantir la mémoire de cette Nation, dont ils n'ont confervé que les Arufpices & d'autres pratiques fuperftitieufes.

Les Auteurs anciens, mais toujours étrangers aux Etrufques, n'ayant jamais eu ce Peuple pour objet, en ont fait une mention légère, & ne nous ont fourni aucun détail.

Burnarotti, Demfter, Gori & Pafferi ont travaillé fur cette matière ; ils ont très-heureusement assemblé les paffages épars, & par ce moyen ils ont taché de fixer nos idées fur les Etrufques. Malgré leurs foins ils n'ont pû nous donner que des notices générales, établies fur ces paffages, & fur des Monumens que l'on peut toujours vérifier. Mais il faut avouer que quand on veut expliquer ces mêmes Monumens, ou rendre compte de ceux qui ne font pas venus à la connoiffance de ces fçavans Antiquaires, on eft arrêté à chaque pas, & réduit à de pures conjectures: le temps de la fabrique, la repréfentation des objets, le motif des ouvrages, font autant de mystères & d'obfcurités pour nous. On eft donc forcé de fe renfermer dans le détail des Arts; c'est-à-dire, qu'il faut juger feulement de ce qu'on voit, & réfléchir fur la manière dont il a été exécuté. Cette voie eft d'autant plus fûre, que le degré de connoiffance dans les Arts, & les différentes pratiques fe démontrent par les Monumens mêmes.

Les Vafes & la Poterie de terre cuite, font un des genres d'Ouvrages par lefquels les Etrufques fe font le plus diftingués. J'en ai détaillé la pratique dans le premier Volume de ce Recueil, auquel je renvoie le Lecteur. Cepen

dant la prodigieufe quantité des morceaux de ce genre que l'on trouve, non-feulement en Italie, mais encore dans les différens Cabinets de l'Europe, mérite en particulier quelques réflexions. En effet, il eft étonnant qu'une matière aussi fragile fe foit confervée pendant un fi grand nombre de fiècles. L'abondance de ces fortes d'Ouvrages prouve la multiplicité des Manufactures établies en Etrurie. On peut par un calcul général & fimple, préfumer que cent Vases exiftans, en supposent dix mille détruits. Cette eftimation qui ne peut guères être contredite, furpend l'imagination, & devient vraisemblable par le grand usage qu'on faifoit de ces uftenciles, & par l'étendue de Pays que les Etrufques occupoient. Il paroît qu'ils étoient maîtres de prefque toute l'Italie, avant la fondation de Rome. Et fi l'on veut leur refufer le travail de tous les morceaux de ce genre qui fubfiftent, & croire que leurs Voifins en ont produit une partie, il réfultera toujours de ce que nous voyons, un avantage flatteur pour cette Nation, celui d'avoir inventé un genre particulier, & d'avoir fervi de modèle dans une manière de deffiner, qu'on ne leur a point contestée. Il eft cependant vrai que dans le grand nombre de ces Vases de terre, quelques-uns paroiffent Egyptiens, on peut même en imaginer de Grecs ; & l'on fçait de plus que dans l'Ifle de Samos, fur la côte de l'Afie mineure, il y avoit une fameuse Manufacture de Poterie, dont les Ouvrages fe font répandus dans l'Asie, & dans prefque toute l'Europe. Les Anciens parlent de ces Vafa Samia, comme d'une Vaiffelle de terre.

D'ailleurs les Tyrrhéniens qui se font transplantés dans l'Etrurie, étoient fortis du continent de l'Afie mineure, & de la partie de ce Continent, voifine de l'Ifle de Samos. Nous ne fommes point en état de diftinguer les productions de ces différens Peuples; nous n'avons point affez de morceaux de comparaison: on eft donc obligé de mettre ceux-mêmes qui peuvent caufer des doutes, dans la

Claffe des Etrufques. Leur travail nous eft plus connu, & leurs Manufactures paroiffent avoir joui pendant plufieurs fiècles d'une réputation égale à celle que nous ac cordons aux Porcelaines de la Chine, auxquelles on peut comparer quelques morceaux Etrufques par la légèreté de leur fabrique, & par la délicateffe de leurs ornemens. Le débit & la confommation de ces Ouvrages devoient être confidérables, puifque l'on en fabriquoit un fi grand nombre. On en a trouvé des amas à Volaterra, & dans plufieurs autres endroits de la Tofcane. Les ruines de Rome, & fur-tout les foüilles d'Herculanum en présentent tous les jours des morceaux entiers, & plus fouvent des fragmens fans nombre. Cette dernière Ville étoit, comme l'on fçait, une Colonie de Grecs, établie dans le temps de la fplendeur des Etrufques, & fur un terrein qui ne paroît pas avoir jamais fait partie de l'Etrurie.

Quoi qu'en dife le Pere Pancrace, page 83. à la fin de la feconde Partie du Tome premier des Antiquités de Sicile, le Vafe trouvé dans un Tombeau à Agrigente, est abfolument Etrufque; & la raifon qu'il donne, page 85. pour foutenir le contraire, en difant que la Nation Etrufque n'a jamais rien eu à démêler avec la Sicile, eft bien foible.

J'ai obfervé plufieurs fois que les Nations voisines avoient dû rechercher avec foin les Ouvrages des Etrufques, & principalement depuis que les Manufactures eurent été détruites, peut-être par les Romains mêmes. Il n'en eft fait aucune mention dans l'Hiftoire Romaine, & l'on y voit les Etrufques confondus avec leurs Vainqueurs, & devenus Guerriers comme eux. On ne parle plus de leurs Arts, mais feulement de leur bravoure, & de quelques fuperftitions qui leur étoient particu lières.

Je dois excufer ici la répétition des formes qu'on pour roit blâmer dans les Vafes Etrufques. En effet l'ignorance

où nous fommes de l'ufage auquel ils étoient defti nés, ne nous présente fouvent qu'une répétition; mais cette même monotonie eft infiniment variée par les fujets qui en font l'ornement. D'ailleurs, ce n'est pas feulement chez les Etrufques que l'on peut remarquer une forte de reffemblance & d'imitation dans les formes. Les raifons de néceffité, d'ufage, de convenance & d'habitude ont de tout temps engagé les hommes à pratiquer fans aucun changement, dans le cours de plus ou moins d'années, les meubles d'ufage, ou de pur agrément. Mais quand cette répétition feroit particulière aux Etrufques, ayant une fois trouvé la convenance & l'élégance en ce genre, ils mériteroient des éloges pour ne s'en être point écartés. J'ai lieu de croire qu'il fe trouve peu de ces formes que je n'aye eues en ma poffeffion, & qui par conféquent ne foient rapportées dans les deux Volumes de ce Recueil: ainfi le Lecteur eft en état d'en juger. Mais quand ces Vases feroient encore plus uniformes, il faudroit convenir qu'un Peuple indique fuffifamment fon génie pour les Arts, quand il exécute des différences dans la décoration des formes qu'il a reçues & adoptées. La diversité de cette espèce d'acceffoire eft en ce cas une preuve de talent. On s'apperçoit d'ailleurs que la manière d'orner n'a pas toujours été la même. Mais nous ne pouvons diftinguer aujourd'hui avec une efpèce de certitude celles qui ont précédé, d'avec celles qui ont fuivi: enfin, on voit dans ces compofitions des objets & des détails qui nous font inconnus, ainfi que des pratiques Civiles & Militaires. Toutes ces chofes bien examinées, & rendues familières, peuvent conduire tôt ou tard à de plus grands éclairciffemens.

Il y a plufieurs paffages dans les Auteurs anciens, dont on n'a point été frappé, & qui ont peut-être rapport à ces représentations. Un génie heureux, le hafard même peut produire cette découverte. Je ferois charmé de contri11

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