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AN. 1406. avocat du roi, prononça que la lettre de l'université de Toulouse feroit lacerée comme ridicule, paffionnée & injurieuse au roi, & que les auteurs feroient punis comme criminels de leze-Majefté. Il demanda enfuite qu'on fe retirât de l'obedience de Benoît, parce qu'il n'avoit pas tenu la parole qu'il avoit donnée de céder, quand on la lui avoit rendue. Après beaucoup de délibérations, on ne prononça que fur la lettre de l'université de Touloufe, qui fut condamnée à être déchirée publiquement à Toulouse &à Avignon, par Arrêt du dixfeptiéme de Juillet, réservant au procureur général d'en poursuivre les auteurs. Le cardinal légat jugeant bien par-là que le bureau n'étoit pas favorable à fon maître, se retira, & l'alla trouver au plus vîte à Marfeille.

LIII:

Autre arrêt touchant la fouftraction.

L'autre arrêt touchant la fouftraction, ne fut rendu que l'onziéme Septembre. Il eft rapporté tout au long Le Moine de S. dans le tome cinquiéme de l'hiftoire de l'université de Denis 1. 26. 6. 2. Paris. Il porte défense de rien payer à l'avenir aux col

lecteurs du pape, ni de transporter ni or, ni argent en fa cour; que Benoît ne pourroit plus exiger les premieres années des fruits & émolumens des prélatures, & autres bénéfices vacans, ou qui ont vacqué, ou qui `viendront à vacquer; & enfin que ceux qui à l'occafion de ce que deffus, auroient été excommuniés, feroient abfous, jufqu'à ce qu'autrement en fût ordonné. Et pour ce qui regarde la fouftraction générale d'obedience, il fut dit par le même arrêt, que le jugement en feroit remis jufqu'après la Touffaint, pour être rendu par l'assemblée générale du clergé, où tous les prélats de France feroient appellés. Cette alfemblée fut rale à Paris, où la convoquée par le roi pour le jour de faint Martin,& fouftraction est pu- fe tint en effet au palais en présence de Charles VI. du

LIV.

Affemblée géné

Jahin, des Princes, des Officiers de la Couronne,& AN. 1406. de tout le parlement; outre tous les prélats qui s'étoient déja rendus à Paris.

On nomma douze docteurs pour plaider de part & d'autre; fix pour Benoît contre la fouftraction, & fix autres pour l'université contre Benoît. Les avocats de ce pape étoient Amelie du Breuil, archevêque de Tours, Pierre d'Ailly, évêque de Cambrai, Guillaume de Fillaftre, doyen de Reims, & depuis cardinal. Ceux qui parlerent pour l'univerfité, furent Simon de Cramaud, patriarche d'Alexandrie, Pierre Regis ou le Roi, abbé du Mont-faint Michel, Pierre-aux-Boeufs, Cordelier & docteur en théologie, Pierre Plaoul & Jean Petit, auffi docteurs. On trouve à la fin de l'hiftoire du concile de Constance par M. Bourgeois du Châtenet, imprimée à Paris en 1718. la plûpart des difcours qui fe firent en François de ce temps-là, dans lefquels ceux qui auront la patience de les lire, trouveront qu'ils ne font remplis que de mots, de comparaisons fades & éloignées du fujet qu'en un mot, dit M. l'abbé Fleury, ces harangues contiennent peu de raisons en beaucoup de paroles. En voici un échantillon. Pierreaux-Bœufs fut le premier qui parla en ces termes. Je ne changerai rien au langage ni à l'ortographe.

«

LV.

Difcours de Pierre aux-Bœufs dans cet

te affemblée.

Hift. univerf.Pa

» Je vous dirai, mes chers feigneurs, pourquoi « j'ai cecimis en avant. Par ce cercle nommé Halo, que « l'on voit entour le corps du chiel, je entends ce fcifme; car pour la grande fimilitude que je voy qu'ils « rif. tom. v. p. 120. ont l'un à l'autre, & en la fourme de leur figure qui eft fpherique & circulaire..... Helas! le fcifme pre- « sent n'a-t-il pas bien fourme d'un cercle, ou l'on ne «< trouve ne fin ne iffuë? Plufieurs ont été autres fcif- «< mes; mais ce ne furent que demi cercles : ce n'étoient <<

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A N. 1406. " que lignes droites où on trouvoit tantôt le bout, & » les mettoit-on en leur affin. Mais en ce fcifme prefent nous ne trouvons ne fonds ne rive.... Si les parties » de la circonference touchoient au point du milieu, » le cercle feroit defpecié. Ainfy femble-t-il des deux feigneurs defquels dépend cette befogne. Trop bien » demeurent entour le milieu de la raifon, entour le »point de union. Qui eft le milieu de la raison? Qui » eft le point de union? C'est le point de ceffion. C'est » le moien plus raisonnable, & le point plus expedient » pour venir toft à union. Entour le point trop bien tournent, querents alibiforains. Ambition de préfider & convoitife de poffeder, c'est le vent figuré en » Job, &c. » Tels furent les raifonnemens vagues & figurés de ce docteur, qui conclut en accufant nommément Benoît & Innocent, en termes très-forts & très-piquans, d'être les auteurs des maux dont il avoit fait la description. Jean Petit parla après lui dans cette féance, auffi-bien que le jour fuivant.

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Simon de Cramaud parla après les docteurs que je viens de nommer. Ce fut le famedi veille du premier dimanche de l'Avent. Il prouva que les papes étant établis pour conferver l'unité de l'églife, il falloit rejetter ceux qui bien loin de la procurer, la troublent & la détruifent, comme font les deux concurrens ; & que pour leur faire fouftraction, il falloit affembler un concile œcumenique des deux obediences. Il proposa enfuite les moïens de gouverner l'églife pendant la fouftraction; fçavoir les conciles provinciaux & les ordinaires, que les évêques appelleront aux archevêques, & les archevêques aux primats. Et à l'égard des dispenfes, il juge que l'on feroit beaucoup mieux d'en accorder moins. Après que ce prélat eut fini fon difcours, le

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chancelier demanda à ceux qui devoient parler pour AN. 1455. Benoît, s'ils étoient difpofés à le faire; mais ceux-ci aïant demandé encore quelque temps, ils furent ajournés pour le mercredi fuivant.

LVI.

Difcours de Guil

pour Benoit.

Guillaume Fillaftre, doïen de Reims, parla ce jourlà en faveur de Benoît, en presence du roi & des Prin- laume Fillaftre ces. Il remontra que toutes les nations affemblées, ne peuvent juger ni condamner un pape; & exaltant la noblesse de Benoît, sa piété, ses bonnes mœurs avant fon cardinalat, fa vie exemplaire depuis qu'il avoit été revétu de cette dignité, & fur-tout l'ardeur qu'il avoit fait paroître dans ce pofte pour procurer l'union; il conclut que Benoît aïant plus fait qu'on ne lui avoit demandé, il seroit d'autant plus injufte de se souftraire de fon obedience, que l'on la lui avoit reftituée fans condition, comme il le prétend. Il trouve que la fouftraction eft non feulement injufte & de mauvaise foi, mais qu'elle eft inutile, fcandaleuse, impoffible & dangereufe, parce qu'elle n'ôte pas au pape le pouvoir des clefs. Mais comme ce docteur avoit avancé dans fon difcours, ou du moins infinué que le roi de France tenoit fa couronne du pape; & que pour exalter l'autorité pontificale, il avoit abaiffé celle du roi, qu'il avoit même indirectement menacé de lépre, à l'exemple d'Ofias, il fut obligé d'en faire réparation, & d'en demander pardon, en confeffant fon crime, & fe retractant dans la féance du quatriéme Décembre, dans laquelle l'archevêque de Tours parla auffi pour le pape Benoît; mais avec plus de modération & moins de vehemence que n'avoit fait Fillaftre.

Huit jours après, c'est-à-dire, le onzième du même mois de Décembre, Pierre d'Ailly évêque de Cambrai & depuis cardinal, fe mit fur les rangs en faveur de

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Pierre d'Ailly. veur de Benit.

parle auffi en fa

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rif.som. V. p. 133.

1

-Benoît. Il infinue qu'il auroit été à lounaiter que cetA N. 1406. te matiere eût été traitée dans une affemblée de moins de personnes, & par députés : il declare qu'il ne prétend rien dire contre la voie de ceffion, qu'il appelle bonne & fainte, & qu'il dit avoir toujours approuvée. Hift. univerf. pa- Il éleve beaucoup l'univerfité; mais il accufe quelquesuns de fes membres d'emportement contre le pape dans leurs fermons. Après ces préliminaires, il conclut qu'il eft néceffaire d'affembler un concile de l'obedience de Benoît, afin d'y prendre des mefures pour un concile des deux obediences, où l'on travailleroit à l'union & à la réformation de l'églife, & non un concile general des deux obediences, ce qui ne fe pouvoit faire quant à préfent. Et comme l'univerfité avoit declaré Benoît fchifmatique, & que le patriarche d'Alexandrie l'avoit traité d'herefiarque, Pierre d'Ailly emploie le refte de fon difcours à réfuter ces deux accufations, en concluant qu'il ne faut point fe fouftraire de fon obedience, quelques raifons qu'on ait alleguées pour foutenir cette voie. L'université fut tellement irritée de ce dif cours, qu'elle s'affembla pour prendre des réfolutions contre lui; de fon côté il en appella au roi. Jean Petit parla pour l'université, mais l'appel de Pierre d'Ailly fubfifta.

LVIII.

Difcours de l'abbé

chel.

Après qu'on eut entendu les avocats qui parlerent du Mont-Saint Mi- pour Benoît, on laiffa parler ceux de l'univerfité. Pierre Regis ou le Roi, abbé du Mont-faint-Michel, harangua le premier. Il s'étendit beaucoup sur la superiorité des conciles generaux au-deffus des papes, furla justice des collations par les ordinaires, fur les exactions des fouverains pontifes. Et s'adreffant enfuite au roi, il l'exhorta à s'opposer à cet excès, & à resister à l'ufurpateur, qui dépouilloit l'église de ses biens. Enfin,

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