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quelques fautes en petit nombre & peu confidérables qui fe font gliffées dans l'impreffion, quoiqu'on fe foit appliqué dans cette nouvelle édition à les corriger avec foin. On y a encore réformé beaucoup de phrases louches, & dont la conftruction n'étoit pas exacte; l'on y a augmenté quelques faits, & l'on en a éclairci plufieurs autres, & afin de rendre cette continuation plus conforme à l'histoire de M. l'abbé Fleury, l'on a divifé l'ouvrage par livres, en commençant au cent-uniéme; parce que les vingt volumes de ce fçavant historien contiennent cent livres.

DISCOURS

·LS

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE

SERVANT D'INTRODUCTION A l'Hiftoire Ecclefiaftique du Quinziéme Siecle.

OMME la réfidence des papes à Avignon depuis Clement V. jufqu'à Gregoire XI. donna occafion au fchifme connu fous le nom de grand fchifme d'Occident, qui fut cause de la convocation des conciles de Pife & de Conftance, il eft à propos de remonter jufqu'à l'origine de ce fchifme pour mieux entendre cette partie de l'Hiftoire Ecclefiaftique, qui renferme un des plus

qui

grands évenemens du quinziéme fiecle.

Boniface VIII qui avoit eu de fi grands démélés avec le roi de France Philippe le Bel, étant mort, on lui donna pour fucceffeur Benoît XI. qui mourut à Peroufe apres avoir tenu le faint fiege environ dix mois. Les mêmes cardinaux qui s'étoient trouvés à fon élection, s'affemblerent pour remplir la place qu'il venoit de laiffer vacante. Comme les mêmes intrigues qui avoient regné pendant les huit années du Pontificat de Boniface VIII. duroient encore, les efprits fe trouverent partagés. La plus grande partie des cardinaux qui compofoient ce conclave, n'avoient à la vérité d'au re vûë que de choifir un fujet tel qu'il falloit pour le bien de l'églife; mais ils n'avoient pas tous des intentions fi pures; il ne s'en trouvoit que trop qui par des voïes peu légitimes, tâchoient de s'élever à un rang fi capable de foutenir leur ambition. Dans ce partage des cardinaux, qu'il étoit prefque impoffible de rame

ner à l'anité, le cardinal Nicolas de Prat religieux de l'ordre de Saint Dominique chef du parti des François, & le cardinal Cajetan, chef de celui des Italiens, convinrent enfemble que le parti Italien nommeroit trois archevêques François, parmi lefquels l'autre parti en choifiroit un pour pape. Cajetan en nomma trois, dont le premier fut Bertrand d'Agouft, archevêque de Bourdeaux, que M. Fleury appelle Bertrand de Got. Il avoit été fait évêque de Cominge en 1295. par Boniface VIII. qui peu avant Noël en 1299. le transfera à l'Archevêché de Bourdeaux. Quoiqu'il fût ennemi du roi de France, de Prat ne laiffa pas de jetter les yeux fur lui, & d'en donner avis à Philippe le Bel, afin que ce prince engageât l'archevêque dans les interêts de la France, par l'efperance du pontificat: ce qui réuffit comme de Prat fe l'étoit propofé.

L'archevêque de Bourdeaux accepta l'offre du pontificat, & promit à Philippe le Bel tout ce qu'il lui demanda, pourvu qu'il devint pape. Les hiftoriens difent que ce prince exigea de lui fix chofes, & qu'il lui en déclara feulement cinq, fe réfervant à s'expliquer fur la fixiéme en temps & lieu. Aucun auteur ne s'eft expliqué fur cet article fecret; ceux qui veulent deviner croïent qu'il confiftoit à engager l'archevêque à établir fon fiege en France, où le roi efperoit de venir mieux à bout des papes, qu'il ne l'avoit pu faire de Boniface VIII. & de fon fucceffeur à Rome. Quoiqu'il en foit, il fut élû à Peroufe fous le nom de Clement V. & il réfida à Avignon qui appartenoit alors à Charles roi de Sicile. Après lui fix papes tinrent leur fiége dans la même ville durant l'efpace de foixante & quatorze ans felon la fupputation de Platina de vitis Platine; Jean XXII. Benoît XII. Clement VI. Innocent VI. Urbain V. & Pontificum. Gregoire XI. tous François.

CI. #. 22.

Les Italiens qui fe voioient exclus de la papauté par les François pendant' une poffeffion de près de quatre-vingt ans, firent tous leurs efforts pour ramener le pape en Italie, vû que pendant fon abfence la ville de Rome' fut réduite à une affreufe défolation par les factions des Guelphes & des GibeHift. ecclef. liv. lins, & le patrimoine de faint Pierre entierement pillé. De l'état ecclefiaftique une partie s'étoit révoltée, l'autre étoit occupée par des feigneurs particuliers qui en avoient ufurpé le domaine, & le peu qui reftoit étoit ravagé par la guerre que les Florentins faifoient au faint fiege. Gregoire perfuadé par des raifons fi plaufibles, & fur-tout par les preffantes & continuelles follicitations de fainte Catherine de Sienne, fe réfolut enfin de rétablir fon fiege à Rome: ce qu'il fit en effet, malgré le confeil de fes amis & de la plupart des cardinaux, qui lui prédirent qu'il alloit donner lieu à un fchifme après fa mort & plonger l'églife dans un profond abîme de malheurs & de défordres.

1.

du ichime.

Ce qu'on lui avoit prédit arriva. Gregoire étant mort en 1378. les cardi Commencement naux penferent à lui donner un fucceffeur. De feize qui étoient alors à Rome, il n'y en avoit que quatre Italiens, tous les autres étoient François, à la réserve de Pierre de Lune, qui étoit d'Arragon. Ceux-ci euffent bien voulu élire un homme de leur nation; mais le peuple Romain perfuadé qu'un pape François retourneroit tenir fon frege en France, contraignit les armes à la main, & avec de grandes menaces, le college des cardinaux d'éBaluf. wit. pap. lire un pape Italien. Le peuple environnant le conclave, crioit fans ceffe,

Romano lo volemo lo papa, nous voulons un pape Romain, & menaçoit les cardinaux de leur ôter la vie s'ils faifoient le contraire. L'on choifit donc, parce & qu'il le fallut & affez tumultuairement, Barthelemi de Prenagno archevêque de Bari, originaire de Naples. Le bruit s'étant enfuite répandu que l'archevêque de Bari étoit élu pape, le peuple le confondant avec Jean de Bar, François & Chambellan du défunt pape, recommença fes violences.

Le cardinal de S. Pierre ayant paru à la fenêtre, quelques-uns qui étoient éloignés demanderent qui c'étoit, on leur répondit: c'eft le cardinal de S. Pierre. Là-deffus le peuple s'imaginant qu'on avoit dit que ce cardinal étoit élú pape, s'écria d'une commune voix par toute la ville: Nous avons le cardinal de faint Pierre pour pape, vive faint Pierre, Viva Santo Pietro. Cette erreur donna quelques momens de répit aux cardinaux; mais des Romains voyant qu'on n'ouvroit point le conclave, retournerent avec plus de tumulte, rompirent les portes du conclave, fe faifirent des cardinaux, pillerent leurs meubles, infiftant toujours qu'ils vouloient un pape Romain ou Italien. Quelqu'un des doineftiques des cardinaux leur ayant répondu, n'avez-vous

Avenion. p. 398. in noris. p. 1076. 1215.

II. Election tumul

tueufe d'UrbainVI.

Theod. Niem. de

pas le cardinal de faint Pierre? Ils prirent auffi-tôt ce cardinal, le revêtirent fchifm. lib. 1. c. i. des habits pontificaux, le poferent fur l'autel & l'adorerent; mais ce prélat &. leur criant toujours qu'il n'étoit point pape & qu'il ne vouloit pas l'être, ils le laifferent en lui difant des injures.

Cependant les cardinaux eurent beaucoup de peine à fe fauver. Quelques-uns furent arrêtés & maltraités; d'autres furent obligés de fe déguifer. Les uns fe retirerent dans leurs maisons, & les autres fortirent de la ville, ou fe jerterent dans le château faint Ange. Le lendemain l'archevêque de Bari élû, comme nous venons de le dire, voulut fe faire proclamer, & fe voyant abandonné des cardinaux, il dit aux magiftrars qu'ils n'avoient encore rien fait s'ils ne raffembloient les cardinaux, afin qu'ils pro clamaffent fon élection, & le miffent en poffeffion du faint fiége. Les magiftrats firent donc venir douze ou treize cardinaux reftés dans la ville, qui proclame:ent affez triftement l'archevêque de Bari fous le nom d'Urbain VI. & le mirent en poffeffion du faint fiege le neuviéme d'Avril, & le dixfeptiéme du même mois, qui étoit le jour de Pâques, il fut couronné en leur préfence par le Cardinal des Ufins. Le lendemain de ce couronnement les cardinaux qui étoient à Rome, écrivirent aux cardinaux d'Avignon qu'ils avoient élû l'archevêque de Bari d'une commune voix, & d'une maniere parfaitement libre, en forre qu'on pouvoit y acquiefcer en toute sûreté; tom. 10. mais la conduite qu'ils tinrent peu de temps après fit bien voir que cette élection n'étoit pas libre.

Dachery Spicileg.

III.
Les cardinaux fe

C'eft ce que le cardinal d'Aigrefeuille & quelques autres manderent au roi de France, en lui écrivant de ne faire aucun fonds fur ce qu'écriroient les cardinaux pendant qu'ils feroient à Rome, parce qu'ils y étoient dans retirent à Anagnie. une entiere contrainte de la part du peuple Romain. En effet, Urbain VI. qui étoit d'un naturel auftere ayant indifpofé les cardinaux contre lui, treize Baluf. vit. pap. d'entr'eux qui étoient François, fe retirerent d'abord à Agnanie ville de Aven. 10. 2. p. 81. l'état ecclefiaftique, où ils curent permiflion d'aller, fous prétexte d'éviter les grandes chaleurs de Rome; & de-là ils écrivirent une lettre à Urbain

VI. fui-même, ou, bien loin de lui donner le titre de pape, comme ils faifoient auparavant, ils le traitent d'apoftat, d'antechrift & d'ufurpateur, lui déclarent que le danger d'être maflacrés par le peuple qui obfédoit le conclave & qui les menaçoit de mort s'ils n'élifoient un Romain ou un Italien, les avoit forcés de l'élire précipitamment contre leur gré, contre leur intention; qu'ils ne le reconnoiffent que comme un intrus, & qu'ils lui défen dent d'agir en qualité de pape, parce qu'il s'étoit fait élire par violence: de plus, ils publierent un manifefte où ils expofoient en détail tout ce qui s'étoit paffé dans l'élection. His firent fçavoir la même chofe à toutes les puiffances de l'Europe, aux univerfités, & entr'autres à celle de Paris, à qui ils écrivirent une lettre datée du vingt-uniéme d'Août.

Cette difpofition fi peu favorable où l'on étoit à l'égard d'Urbain, devint encore plus fâcheufe par la conduite tout-à-fait imprudente & trop emportée de ce Pontife, qui fe laiffant aller à fon temperament atrabilaire, au lieu d'adoucir les efprits pour les faire entrer peu à peu dans fes interêts & les mettre en état de le reconnoître de bon gré pour pape légitime, les aigrit tellement qu'on fe réfolut enfin de porter les chofes aux dernieres extrémités. Thend. Niem. de Il reprit aigrement les mœurs des cardinaux en plein confiftoire; il fit des refchif.6.7.8. proches à quelques-uns en particulier fur leur conduite; il s'attira encore par fes hauteurs l'indignation d'Othon duc de Brunfvick, qui avoit épousé Jeanne reine de Naples & de Sicile après la mort dn prince de Tarente; Urbain ayant menacé de la détrôner, comme il le frt en effet depuis, & ayant voulu dépouiller Cajetan comte de Fondi, de fon gouvernement de la Čampagne de Rome, auffi bien que les Roftaings dn gouvernement du château faint Ange, dont ils étoient en poffeffion.

Niem. c. 9.

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Une conduite fi peu mefurée fit prendre aux cardinaux la réfolution fecrete d'élire un autre pape. Retirés à Anagnie ville de l'état ecclefiaftique, ils penserent férieusement à exécuter leur deffein. Ils s'affurerent de la protection du comte de Fondi, & gagnerent les troupes etrangeres qui étoient au service du faint fiege: c'étoient les gens de guerre que Gregoire XI. avoit fait lever en Bretagne au nombre de cinq à fix mille chevaux, & environ quatre mille fantaffins, qui étoient paffés trois ans auparavant en Italie fous la conduite du cardinal de Geneve contre les Florentins & les villes rebelles au faint fiege. Ces troupes paffant auprès de Rome pour se rendre à Anagnie, furent attaquées par les Romains qui les voulurent arrêter; mais ceux-ci furent défaits, & elles pafferent librement. Les cardinaux traiterent enfuite avec Jeanne reine de Naples, pour l'engager dans leurs interêts & fe procurer une retraite où ils puffent élire un pape en sûreté. Pour cela ils choifirent Fondi ville du royaume de Naples, où ils fe rendirent.

Dès que les cardinaux y furent arrivés, ils prirent des mefures pour y attirer les trois Italiens attachés à Urbain, qui étoient reftés à Paleftrine dans la Campagne de Rome. Ils en vinrent à bout en faifant rendre à chacun de ces trois cardinaux en particulier une lettre fecrete, par laquelle on promettoit de le faire pape auffi-tôt qu il feroit arrivé à Fondi, & en même temps on avertiffoit chacun d'eux de tenir la chofe fecrete, afin que les deux autres n'en euffent point de jaloufie, & ne traverfaffent point le deffein qu'on avoit. Ces

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