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non-feulement les époques confidérables, mais les mois les jours, quelquefois les heures mêmes où les faits fe font paffés, fans les approfondir, & fe contente feulement de les marquer. Ainfi elle ne donne qu'une connoiffance fort obfcure du paffé, & fi féche, qu'on ne peut en tirer aucun fuc qui puiffe donner une véritable nourriture à l'efprit. Mon deffein tient donc de l'hiftoire & de la chronologie, je les ai tellement conciliées l'une avec l'autre, qu'on y découvre une efpece de détail de faits les plus importans; d'un ftyle plus étendu que la chronologie, & de la même maniere dont on écrit l'hiftoire. J'ai marqué, autant qu'il m'a été poffible, le temps précis des faits établis par des preuves chronologiques, & par tout ce qu'il y a d'auteurs plus célèbres & plus dignes de foi, dont j'ai rapporté fouvent les propres expreffions traduites en notre langue. J'ai joint à l'hiftoire de l'églife celle des états de l'europe, aux affaires defquels elle a eu part, afin que par la connoiffance de l'une, on puiffe aifément parvenir à être inftruit de l'autre. Peut-être paroîtra-t-il aux lecteurs, que je l'ai fait d'une maniere trop étendue en quelques endroits; mais je n'ai ufé de cette liberté que quand l'hiftoire ecclefiaftique ne m'a prefque rien fourni en certaines années, ou quand les papes par des motifs particuliers fe font mêlés des affaires des princes, ou par eux-mêmes, ou par les négociations de leurs légats. On trouvera, par exemple, dans le vingt-troisiéme volume l'hiftoire des differends entre Louis XI. & Charles duc de Bourgogne, expofée affez au long, parce que Sixte IV. y voulut entrer, & que pour réconcilier ces deux princes, il envoya en France & en Flandres le cardinal de faintPierre-aux-liens fon neveu. Je dis la même chofe de la grande affaire de Naples, qu'on verra dans le vingt-quatriéme tome. Ces détails ne peuvent que faire plaifir, ils inftruisent & apprennent un grand nombre de faits qu'on ne pourroit fçavoir qu'en confultant différens auteurs, que fouvent on n'a pas, ou qu'on pas le temps de lire.

n'a

Au refte, on ne trouvera ici, ni de ces abregés où l'on n'apprend rien, ni de ces volumes multipliés, pleins de chofes inutiles à fçavoir, où tout eft long, jufqu'au détail des plus petites minuties, où les defcriptions, les portraits trop détaillés, les harangues, la politique & les reflexions morales abforbent les faits, confondent la mémoire & occupent trop l'efprit. L'on a donné à cet ouvrage une étendue proportionnée à chaque ma

abfolument ignorer; l'on y découvre à fond ce qu'il faut fçavoir. L on n'en n'a banni, ni les descriptions, ni les portraits, ni les raifonnemens politiques, ni même les réflexions morales; mais on a tâché que tout cela fût plus conforme au goût des anciens, qu'à l'abus qu'en font quelques modernes, où toutes ces choses font d'ordinaire trop longues, trop fréquentes, trop négligéess & par-là même, fouvent ennuieufes & dénuées de ce fel qui les fait goûter. Sur-tout on a obfervé de ne les pas amener de loin, & de n'en ufer que quand elles fe préfentent naturellement d'elles-mêmes, ou comme causes, ou comme fuites, ou conme circonftances des faits qu'elles fervent à mettre dans leur jour, au lieu de les offufquer & de les confondre. C'est pour cette raifon que les reflexions y font rares, afin de laiffer au lecteur le plaifir de les faire lui-même, & d'égayer par-là fon imagination.

Comme la verité eft l'ame de l'hiftoire, il femble qu'un écrivain doit mettre toute fa gloire à s'y borner, afin de ne pas tomber dans le défaut de ceux qui ont cru rendre leurs ouvrages plus agréables par des épisodes fabuleux, & par des faits liés exprès enfemble, pour faire un effet plus furprenant. Combien d'ouvrages avons-nous vû tomber de nos jours par ce seul endroit, même dans l'efprit de gens d'une capacité médiocre, & qu'on ne lit, s'ils trouvent encore aujourd'hui des lecteurs, que comme un roman, & non pas comme une véritable hiftoire? Tant il eft vrai qu'il faut toujours préférer l'exacte vérité à tous ces agrémens qu'on ne peut employer fans l'intéreffer, & que ce qui ne paroît pas véritable, de quelque côté qu'on le regarde, ne doit point trouver de place dans une hiftoire. Il fe peut faire que dans les chofes douteufes & conteftées, ce qui aura paru le plus vrai à un écrivain, le paroîtra moins à un autre, & peut-être auffi le fera-t-il moins; mais c'est-là une nature de faute de laquelle on ne s'excufe point, tous les hommes y étant fujets, & n'y ayant que Dieu qui fçache tout.

Je n'ai rien avancé fans garans ; & afin de les mettre, pour ainíì dire, fous les yeux du lecteur, j'ai reftitué en marge les citations que j'avois omifes dans le tome vingt-uniéme de la premiere édition in-douze, & j'y en ai ajouté un grand nombre dans le vingt-deuxiéme tome. Je n'y avois manqué que parce que j'avois penfé d'abord que les fçavans reconnoîtroient aifément, les fources d'où j'ai puifé ce que je ponte, & que les autres ne les confulteroient pas. Mais on m'a fait appercevoir

que

M. l'abbé de Vila

que ce fentiment n'étoit pas du goût de tout le monde, & que
l'on vouloit qu'un historien n'avançât aucuns faits fans autorité.
Je dois principalement cette remarque à l'ingénieux & poli cen-
feur chargé d'examiner cet ouvrage, & très-capable d'en juger; liers.
& j'ai déféré d'autant plus volontiers à fon avis, que cet obli-
geant abbé n'eft pas moins eftimable par la jufteffe d'efprit & le
bon goût qu'on voit dans tout ce qu'il a donné au public, que
par fon exacte érudition, & fes manieres toujours accompa-
gnées de politeffes & d'honnêtetés.

Cette méthode a été fuivie prefque par tout ce que nous avons d'excellens auteurs dans ces derniers fiecles Sponde, M. de Tillemont, M. l'abbé Fleury, le pere Daniel, M. Lenfant, M. de Marfolier, & tant d'autres. C'eft pour fuivre ces grands modèles que j'ai pris le parti de citer même jufqu'aux ouvrages les plus communs & qui font entre les mains de tout le monde, afin que les lecteurs puiffent plus aifément vérifier ce que j'avance, & s'inftruire à fonds. Si on ne les renvoyoit qu'à des auteurs rares & anciens, ou à des manufcrits que prefque perfonne ne peut confulter, de quoi leur ferviroient les citations? Si l'on m'objecte que la citation d'un livre vulgaire ne fait pas beaucoup d'honneur à un écrivain, n'eft-ce pas affez qu'un lecteur y trouve fa commodité & fon avantage? Un auteur qui cherche fa propre gloire préférablement à l'utilité de fes lecteurs, eft un homme vain dont on doit appréhender les fupercheries, & il ne faut fe fier à lui qu'à bonnes enseignes. On verra donc par les citations placées à la marge, que je me fuis indifféremment fervi, & des auteurs contemporains, & de ceux qui ont écrit dans ces derniers temps. J'ai fait usage du travail de ceux qui m'ont précédé, j'ai employé leurs paroles, fans toute fois les fuivre aveuglément, & j'ai marqué les dates qui m'ont paru folidement établies.

Ce n'eft pas le feul avantage que les Lecteurs trouveront dans cette édition; j'ai relu ces deux volumes avec attention, & je me fuis appliqué à y corriger les fautes qui m'étoient échappées, ou aux imprimeurs; j'ai profité des avis que l'on m'a donnés, & l'on verra par quelques changemens qui font dans cette nouyelle édition, que je ne les ai pas reçus inutilement.

Pour rendre plus claire & plus intelligible l'hiftoire du quinzième siècle par laquelle je commence, j'ai cru qu'il étoit à propos de prendre' nofes de plus haut. Jai donc mis à la tête de cet ouvrage un difcours préliminaire qui renferme toute l'hif

toire depuis le commencement du fchifme en 1378. à l'élection de l'archevêque de Bari fous le nom d'Urbain VI. fucceffeur de Grégoire XI. & à celle de Clement VII. à Fondi, environ cinq mois après, d'où fuivit dans l'église un fchifme qui dura plus de cinquante ans, & qui ne fut éteint que par le concile de Conf tance. M. Lenfant nous a donné l'hiftoire de ce concile fur les mémoires de M. Vonder-Hardt, qui m'a fourni beaucoup de chofes dont j'ai fçu profiter. Il eft vrai que M. Fleury a déja traité de la même matiere jufqu'à ce concile ; mais outre que cet auteur renferme dans un feul tome près de quatre-vingt ans, & que fon grand âge ne lui permettoit pas d'examiner les faits de telle maniere qu'aucun n'échappât à fa mémoire, on trouvera dans l'abregé que j'en fais, beaucoup de circonftances qu'il a omifes, & c'eft ce qui m'a obligé de commencer l'histoire du fiecle que je donne dès l'an 1401.

J'ai auffi confulté pour tous les évenemens du même fiecle, Thierri de Niem, S. Antonin, Onuphre, Tritheme, Bzovius, Mariana, Platine, Ciaconius, Leunclavius, le cardinal d'Ailly, Gerfon, Clemangis, Sguropulus traduit du Grec par Kreigton, & beaucoup d'autres qu'on verra cités. Mais le fonds des chofes qui regardent l'hiftoire eccléfiaftique a été pris de la collection des conciles du pere Labbe Jéfuite, qui m'a toujours fervi de guide pour ce qui concerne le dogme, outre les actes de Juftiniani & d'Auguftin Patrice rapportés dans cette collection, & qui donne beaucoup de lumieres pour l'éclairciffement des faits qui concernent les conciles de Ferrare & de Florence. A l'égard du concile de Bâle, j'ai marqué avec tout l'exactitude qui m'a été poffible, toutes fes différentes feffions tenues pendant plus de neuf ans. J'ai confulté les mêmes actes de Patrice, j'ai fait un jufte précis de ce qu'en ont écrit Æneas Sylvius, & l'archevêque de Palerme connu fous le nom de Panorme: le premier dans fes lettres, dans fon hiftoire de Boheme & dans fes commentaires, & dans l'ouvrage intitulé: Desfaits du concile de Bâle, qu'on voit à la tête du Fafciculus donné par Orthuinus Gratius, & imprimé à Londres en 1690. fans parler de l'ancienne édition de 1535. qui m'a auffi été communiquée. J'ai lu les deux lettres du cardinal Julien au pape Eugene IV. pour le diffuader de rompre le concile de Bâle, & qu'on trouve dans le même recueil de Gratius avec la lettre d'Eneas Sylvius à Jean de Segovie, touchant le couronnement de Felix V. & le concordat avec les Bohemiens, le second auteur, je veux dire Panorme

dans fon traité du concile de Bâle, où il traite la question de la fupériorité du concile d'une maniere très-folide, en répondant aux objections fuivant les principes des canoniftes mêmes, & n'oubliant rien dans la question du fait & du droit, de ce qui peut fervir à fortifier la caufe qu'il défend. M. Gerbais, docteur de Sorbonne en a fait une traduction très-fidèle qu'on lit avec autant de plaifir que d'utilité.

Quand j'ai joint l'hiftoire civile à celle de l'églife, j'ai tâché de même de ne fuivre que des guides sûrs. Phranzès m'a fourni ce qui regarde l'hiftoire de Conftantinople, & Chalcondyle ce qui concerne les Turcs. J'ai confulté Eneas Sylvius pour l'hif toire de Boheme; Mariana pour l'hiftoire d'Espagne; Othon de Friffingue, Cochlée, & M. Heiff pour l'Allemagne; Gaillaume Camdem, Polydore-Virgile, M. de Larrey, M. de Rapin Toyras, & le pere d'Orléans Jéfuite pour l'Angleterre ; Jean Juvenal des Urfins, le moine anonyme de S. Denis, Jean Chartier & Mathieu de Coucy pour la France fous les regnes de Charles VI. & de Charles VII. Philippes de Comines, de la derniere édition imprimée à Bruxelles en 17 2 3. en cinq volumes,& donnée par M Godeffroy, pour le regne Louis XI. & de Charles VIII. fans pourtant rien omettre de ce qu'il y a de plus recherché dans Mezerai, dans l'hiftoire de France par le pere Daniel, & dans les auteurs qui ont donné les vies de quelques rois en particulier. Enfin, quand l'occasion s'eft préfentée de parler de quelque Saint, j'ai eu recours à M. Baillet.

Voilà quelles ont été les fources dans lefquelles j'ai puifé; trop payé de mes peines, fi mon travail peut être de quelque utilité à ceux qui aiment l'hiftoire & qui fe plaifent à ce fpectacle de révolutions perpétuelles dans les affaires humaines, de mœurs, de coutumes, d'opinions qui fe fuccedent inceffamment, & cette fuite d'évenemens fi bifarres, qui ne font que des effets irréguliers des paffions: fur tout dans les derniers fiecles où la charité n'a plus eu cette ardeur & cette vivacité qu'on admiroit dans les premiers chrétiens.

Il est temps de laiffer au lecteur la liberté de juger par luimême, si j'ai executé mon deffein. Je n'en aurois pas hafardé l'entreprise, fi je ne m'étois flatté qu'il fera affez équitable, pour ne pas attendre de moi un ouvrage auffi recherché, auffi judicieux, auffi exact que celui dont je donne la continuation. Quelque favorable qu'il me foit, je fuis perfuadé que j'aurai toujours

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