Imágenes de páginas
PDF
EPUB

STANCES

A Madame la Princeffe de Conty, (1) pour M. le Duc de Bellegarde. 1608.

DURE contrainte de partir,

A quoi je ne puis confentir,
Et dont je ne m'ofe défendre,
Que ta rigueur a de pouvoir;
Et que tu me fais bien apprendre
Quel tyran c'eft que le devoir!

J'aurai donc nommé ces beaux yeux
Tant de fois mes Rois & mes Dieux,
Pour aujourd'hui n'en tenir compte;
Et permettre qu'à l'avenir

On leur impute cette honte
De n'avoir fçû me retenir?

Ils auront donc ce déplaifir,
Que je meurs après un defir
Où la vanité me convie;
Et qu'ayant juré si souvent
D'être auprès d'eux toute ma vie,

Mes fermens s'en aillent au vent?

(1) Fille de Henry Duc de Guife, dit le Balafré.

Vraiment

Vraiment je puis bien avouer

Que j'aurois tort de me louer
Par deffus le refte des hommes;
Je n'ai point d'autre qualité

Que celle du fiécle où nous fommes,
La fraude & l'infidélité.

Mais, à quoi tendent ces difcours,
O Beauté, qui de mes amours
Etes le port & le naufrage?
Ce que je dis contre ma foi,
N'est-ce pas un vrai témoignage
Que je fuis déja hors de moi?

Votre esprit, de qui la beauté
Dans la plus fombre obfcurité
Se fait une infenfible voie,
Ne vous laiffe pas ignorer
Que c'est le comble de ma joie
Que l'honneur de vous adorer.

Mais pourrois-je n'obéïr pas
Au Deftin, de qui le compas
Marque à chacun fon avanture;
Puifqu'en leur propre adverfité

Les Dieux, tout-puiffans de nature,
Cedent à fa néceffité?

I

Pour le moins j'ai ce reconfort,
Que les derniers traits de la mort
Sont peints en mon vifage blême,
Et font voir affez clait à tous,
Que c'eft m'arracher à moi-même
Que de me féparer de vous.

Un lâche espoir de revenit
Tâche en vain de m'entretenir,
Ce qu'il me propofe m'irrite;

Et mes vœux n'auront point de licu,

Si par le trépas je n'évite

La douleur de vous dire adieu.

・Papillon

SONNET

A l'occafion de la Goutte dont Henri le Grand fut attaqué, au mois de Janvier 1609.

[ocr errors]

voi donc c'eft un arrêt qui n'épargne personne Que rien n'eft ici-bas heureux parfaitement ; Et qu'on ne peut au monde avoir contentement, Qu'un funefte malheur auffi-tôt n'empoisonne ?

La fanté de mon Prince en la guerre étoit bonne, Il vivoit aux combats comme en fon élément; Depuis que dans la paix il regne absolument, Tous les jours la douleur quelque atteinte lui donne.

DIEUX, à qui nous devons će miracle des Rois, Qui du bruit de fa gloire & de fes juftes loix Invite à l'adorer tous les yeux de la terre;

Puifque feul, après vous, il eft notre foutien, Quelques malheureux fruits que produise la guerre, N'ayons jamais la paix, & qu'il se porte bien?

[ocr errors]

STANCES

De la Renommée au Roi Henri le Grand, dans le Ballet de la Reine, danfé au mois de Mars 1609.

PLEINE de langues & de voix,

O Roi, le miracle des Rois,
Je viens de voir toute la terre,
Et publier en fes deux bouts,
Que pour la paix ni pour la guerre
Il n'est rien de pareil à vous.

Par ce bruit je vous ai donne.
Un renom, qui n'est terminé
Ni de fleuve, ni de montagne ;
Et par lui j'ai fait defirer
A la troupe que j'accompagne
De vous voir & vous adorer.

Ce font douze rares Beautés,
Qui de fi dignes qualités

Tirent un cœur à leur fervice,
Que leur fouhaiter plus d'appas,
C'est vouloir avec injustice

Ce que les cieux ne peuvent pas.

« AnteriorContinuar »