Madame, & quelle est ma surprise! Quoi ! vous osez me refuser! Madame, il vous adore, & jamais tant d'ardeur Tout. ELOISE. Qui peut empêcher l'effet de vos promeffes? ELOISE. Quoi vous craignez.... ABAILAR D. Oui. Je crains mille revers; Je crains mon amour, mes foibleffes, Les rigueurs de Fulbert, enfin tout l'univers. Eft-ce là, dira-t-on, ce Philofophe auftere ? ELOISE. Tu crains les vains difcours d'un peuple témé. raire, Et de ton Eloïfe, & d'une amante en pleurs, Que fçais-je encor! peut-être mon trépas, Qui va fuivre de près la hon e où t. m'abbaisses, B Ingrat ne te toucheront pas ! A BAILAR D. Ah! cruelle ! ceffez de tenir ce langage. Venez, pourquoi balancez-vous ? Profitons des momens que le ciel nous envoye. Pour nous fauver n'eft-il que cette voye ? Dequoi pouvons-nous nous flatter? Efclave des grandeurs, plein de fon opulence, Fulbert voudra-t-il écouter Un amant, qui fans biens, fans titre, fans naiffance, Ne peut piquer fa vanité D'aucun de ces grands noms dont il est entêté ? Où l'on va deformais, à la honte des deux, Non, cher amant, fouffrez feulement que j'agiffe Eloïfe pour vous priera, preffera, A BAILAR D. Eh bien. Je veux tout ce que vous voulez. Je veux jufqu'au bout vous complaire. Voyez Fulbert, priez, preffez, parlez. Employez de vos yeux l'éloquence ordinaire. J'entends du bruit: changeons de ton & d'en ELOISE, ABAILARD, NERINE. NERINE, à part au fond du théatre. SUR le fait je m'en vais les prendre. Ecoutons leurs difcours, & retenons-les bien. A BAILAR D. La chofe eft aisée à comprendre, Et par l'expérience on peut la démontrer. On a grand tort de s'opiniâtrer Et contre la raifon, & contre l'évidence B sj ELOISE. Si l'air eft élastique, il eft conféquemment Pefant, compacte & plein de resistance. Or s'il eft tout cela, je ne vois pas comment Les hommes peuvent un moment Réfister à ce poids immense. Il doit les écraser indubitablement. ABAILAR D. Non. Car l'air du dedans tient l'autre air en ba lance. ELOISE. Cet air extérieur devroit les empêcher Au moins d'aller, de venir, de marcher. Je croyois me mouvoir, dans un immense vuide. Soûtenir le contraire, eft vraiment me fâcher. Il me faut deformais marcher d'un pas timide, Crainte de quelque chute, ou crainte de broncher Contre un atôme trop folide. ABAILAR D. Ne craignez rien. L'air eft fluide. ELOISE. Je commence à voir clair, mais pour m'éclaircir mieux, Recourons à l'expérience. Ils fortent SCENE V I. NERINE, feule. HELAS! qu'ils font fimples tous deux !. Ils ont peu de malice, encor moins de fcience, Car la premiere, à mon avis, Eft, quoique puiffe dire un docte & fes écrits, Comment me traite-tu, ma charmante Lutine Car on peut à bon droit t'appeller de ce nom. |