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Mais il n'en étoit rien. Je ferois infenfée
D'en avoir eu feulement la pensée.

ELOISE.

Tantôt vous en parliez fur un tout autre ton
Et ....

LA MARQUISE

Tantôt j'avois tort, maintenant j'ai raison.
Croyez ce dernier mot. Je fuis vraie & fincere.
Abailard a très-fort l'honneur de me déplaire.
Il n'eft, au pis aller, digne que de pitié.

Ciel!

ELOISE.

Comment donc !

LA MARQUISE.

Il est marié

ELOISE à part.

LA MARQUISE.

Obfervez-le bien. Il a toute l'allure

D'un mari très-honteux & très-humilié.

Qu'en dites-vous ?

ELOISE.

Mais.... Oui.

LA MARQUISE

Je conjecture.

Qu'il n'est pas fort content de sa chere moitié.
Tout me le dit, & même je fuis fùre

Que l'Epouse, à fon tour, ne l'eft pas trop de luž
Je ne vois des deux parts que dégoût & qu'ennui,

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Cela divertit fort, convenez-en, ma niéce.

ELOISE fe contraignant.

Sans doute.

LA MARQUISE.

Il faut que l'on confeffe

Qu'un quelqu'un, qui pouvoit ailleurs Trouver une fortune & des deftins meilleurs, Fait une figure bien fote,

Lorfqu'il eft hors d'état de pouvoir s'en fervir.

ELOISE.

Vous dites vrai.

LA MARQUISE.

Mais c'eft fa faute

Pourquoi fe preffoit-il? Il peut, tout à loisir, En enrager, s'il veut. Moi je vais l'en punir, Offrir ma main au Comte, & rire de fa peine

SCENE V.

ELOISE feule.

CIEL !

IEL! Abailard eft marié!

Quoi! jufques-là l'ingrat s'eft oublié ! Malheureuse!... rompons une funeste chaîne.... Hélas! dans l'état où je fuis,

Sans doute je le dois.... Sçais-je fi je

D'une coupable ardeur j'étois donc 1:

Quand la bouche attestoit & la terre & les cieux C'étoit donc pour couvrir de ce voile pieux Un feu que je crus légitime!

Pour creufer fous mes pas un précipice affreux; Et rendre mon amour complice de son crime! J'en mourrai de douleur.

SCENE VI.

ELOISE, NERINE.

ELOISE continue.

AH Nerine! fçais - tự

Ce que je viens d'apprendre en mon malheur extrême ?

Cet homme, qui paffoit pour la fageffe même, Qu'on croyoit plein de foi, d'honneur & de vertu, Abailard enfin m'a trahie.

Et comment ?

NERINE.

ELOISE.

Je l'aimois, & l'ingrat, chaque jour, Me juroit un ardeur égale à mon amour. Je le crus, & j'ai fait le malheur de ma vie. Mon cœur d'un nœud fecret à fon cœur s'est lié; Et j'apprends aujourd'hui qu'il étoit marié.

NERINE.

Vous me faites trembler, Madame !

ELOISE

ELOISE.

Nerine, je veux bien m'en fier à ta foi.
Mon funefte fecret n'eft connu que de toi.
A ta fincerité j'ai découvert mon ame.
Mes malheurs font affreux. Prens pitié de mon fort
Tu vois le piége où je fuis engagée,

Tu vois l'abime ou l'amour m'a plongée
Il faut m'en retirer, ou me donner la mort.

NERINE.

Vous n'avez qu'à parler, vous ferez obéic,

ELOISE.

Allons. Je veux avec éclat

Me féparer de cet ingrat.

Je veux lui reprocher fa noire perfidie.

Il verra mes douleurs, mes larmes, mon ennui,
Et les remords d'un cœur qui ne vit plus pour lui,
NERINE.

Non. Il faut le punir en époufant le Comte.
Par là vous vous vengez d'un lâche qui vous perd
Vous prévenez le courroux de Fulbert,
Et vous reparez votre honte.

Mais hâtez-vous. Il faut une vengeance prompte
ELOISE.

Je fçais qu'à mon devoir je dois tout immoler. Que la raifon le veut, que l'honneur me l'infpire Mais au fonds de mon cœur fi tes yeux pouvoient lire,

Mon état te feroit trembler.

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Un amour malheureux fans ceffe me confume.
Le devoir le combat, la paffion l'allume.
La honte, le dépit m'affiégent tour à tour.
Je féche dans l'ennui, je vis dans l'amertume,
Et je fens tous les maux que fait fentir l'amour
NERINE.

i

Madame, armez-vous de courage;

Et fi ce n'eft par choix, mariez-vous de rage.
Le goût viendra peut-être quelque jour.
ELOISE.

Eh bien n'écoutons plus un aveugle caprice.
Je romps l'indigne nœud dont mon cœur est lié,
Et vais.... Est-il bien vrai qu'Abailard me tra-
hiffe?

Ah! s'il n'étoit point marié!.......

Mais la Marquife enfin m'a confirmé fa honte. Sans doute ce rapport lui vient de bonne part, Je fais qu'elle aimoit Abailard,

Elle veut cependant offrir fa main au Comte.

NERINE.

Preuve complette. A quoi bon balancer?
Son hymen & fa perfidie,

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Fulbert que vos refus commencent de laffer
Votre repos enfin, tout vous convic

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Allons. Il n'y faut plus penfer.

A tes confeils je m'abandonne.

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