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Difpofe de ma foi, difpofe de mon cœur.
J'obéis. Il n'eft rien deformais qui m'étonne
Et je fuis parvenue au comble du malheur.

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elles fortent.

SCENE VII.

FULBERT, ABAILARD.

FULBERT.

MONSIEUR, je donne enfin un époux à ma niéce

Le haut rang, les biens, la noblefte,

Se trouvent en celui que j'ai fçu lui choifir.
Je ne fçais cependant par quelle repugnance,
Ma uiéce à cet hymen ne veut point confentir.
Il est plus d'un moyen de me faire obéir.
Mais avant que d'ufer d'aucune violence,
Je veux employer la douceur.

Je fçais que vous avez, Monfieur,
Sur fon efprit une entiére puiffance.
Voyez-là, parlez-lui. Vous toucherez son cœur
A BAILARD.

Qui! moi, Monfieur ?

FULBERT.

Oui. Vous.

A BAILAR D.

Peut-être votre niece

Ne fent pour cet époux cftime, ni tendresse.

N'importe.

FULBERT.

ABAILARD.

Voulez-vous forcer fon naturel ?
Et l'engager dans un état cruel

Qui feroit fon malheur peut-être, & son supplice ?

FULBERT.

J'ai donné ma parole.

ABAILAR D.

Au prix de fon repos;

Devez-vous la tenir ? Dans quel gouffre de maux Va la plonger votre injustice ?

FULBERT.

N'y penfons plus. Il faut qu'elle obéisse,
Et dès ce foir.

ABAILAR D.

Non, Monfieur, croyez-moi,

Daignez me difpenser d'un fi fâcheux emploi. Je m'en acquiterois fort mal, je vous affûre. FULBERT.

De grace! je vous en conjure.

Agiffez avec moi, veuillez me feconder.
Eh! qui fçait mieux que vous l'art de persuader ?

ABAILAR D.

Mais fi par hafard Eloïse

D'un autre objet étoit éprife,
Youdriez-vous alors, Monfieur...

FULBERT.

Et qui vous a dit que fon cœur

ABAILARD.

Je n'en fçais rien, mais la chofe peut être
FULBERT.

Vous auroit-elle fait connoître....
ABAILAR D.

Non. Suppofons pourtant...

...

FULBERT.

La fuppofition

Me plaît affez. Sur quoi fondez-vous....

ABAILAR.D.

Pure idée

Mais fi de quelque amour elle étoit poffedée ?

FULBERT.

Il faudroit, s'il lui plaît, qu'elle changeât de ton A BAILARD.

On n'aime point au gré des autres. Eloïfe a des droits indépendans des vôtres,

FULBERT.

Ah! nous verrons.

ABAILARD.

. Si malgré mes avis

Elle refufe de fe rendre,

Que ferez-vous ?

FULBERT.

Ah! j'en frémis !

Dans mon jufte courroux je puis tout entreprendre

SCENE. VIII.

ABAILARD feul.

QUAI-JE entendu ! quel funeste embarras !

On veut que je travaille à me trahir moi-même,
Que renonçant à ce que j'aime,

Je figne de ma main l'arrêt de mon trépas.
Ce dernier trait manquoit à ma misere.
Eprouva-t'on jamais un deftin plus contraire
Quel trifte enchaînement, ô ciel!
De difgraces qui fe fuccedent!
Les plus fermes courages cédent.

Aux horreurs d'un fort fi cruel.

J'ai tout perdu dès ma plus tendre enfance,
Fortune, parens, espérance.

Un feul bien me reftoit plus cher à mon amour,
Plus digne de mes vœux, & plus digne d'envie.
Un barbare 'deftin me l'arrache en ce jour.
Chere Eloïfe, hélas ! quand vous m'êtes ravie,
Mon bonheur, mon repos, le charme de ma vie,
Tout m'eft ôté ! fans vous, cet univers n'est rien,
Et du jour à regret la lumière m'éclaire.
Effayons toutes fois fi par quelque moyen
Je pourrois de Fulbert adoucir la colere,
Et d'un rival qu'on me préfére
Tromper Telpoir & couronner le mien,

Fin du troifiéme Acte.

ACTE IV.

000

SCENE PREMIERE.

FULBERT feul.

ABAILARD

BAILARD tarde bien à venir me parler!
J'augure mal de sa paresse.

Sans doute il aura vu ma niéce,

Et fes raifons n'auront pu l'ébranler.
Pour agir j'attens fa réponse....

Mais quel eft ce foupçon qui me vient accabler,
Ce foupçon que mon cœur en ce moment m'an-

nonce,

Et qu'il fçait fi mal démêler.

Ciel qui m'entens! diffipe cette crainte. J'ai cru lire tantôt dans les yeux d'Abailard'. Que d'un ennui fecret fon ame étoit atteinte. Des foupirs lui font même échappés au hafard. Et quand je le priois de convaincre Eloïfe Et de la ramener, à force de feçons,

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