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lité, parce que vous ignoriez fans doute qu'Eloïfe & Abailard n'en avoient pas tout l'honneur. Vous crûtes devoir profiter de ce moment, & vous me priâtes, je me fers de vos termes, de compofer une pièce de théâtre fur le fujet que nous venions de lire. Les priéres des perfonnes de votre fexe, & faites comme vous, font des ordres qu'il feroit dangereux de ne pas exécuter. Je promis de les remplir, fans trop fonger à quoi je m'engageois. La réflexion me fit voir des difficultés auxquelles je n'avois pas penfé d'abord. Comment mettre un pareil evénement fous les yeux d'une nation auffi delicate que la nôtre fur l'article des bienféances ? une jeune fille féduite par celui à qui on avoit confié le foin de fes études, une paffion fondée fur le crime, la peine honteufe & cruelle qui en fut le fruit; voilà, fans doute, des objets capables de revolter l'imagination, & de laiffer dans le cœur des impreffions dangereufes. Malgré toutes ces raifons, ma paFole étoit donnée. Il n'y avoit plus moyen de me dédire. Je connoiffois tout le péril qu'il y avoit à vous obéir; mais je craignois encore plus le malheur de vous déplaire, en ne vous obéiffant pas. L'intérêt du cœur l'emporta fur celui de l'amour propre. Je ne fongeai plus qu'à remplir mes engagemens. Sans

défigurer mon fujet, il fallut chercher à l'a doucir; & quoique je fentiffe bien qu'il n'étoit pas fait pour être joué fur le théâtre, j'avois cependant befoin des regles, pour conftruire un poëme qui reffemblât à ceux qu'on y repréfente. J'en ai négligé quelquesunes que je n'ai pas cru devoir observer fcrupuleusement dans un ouvrage qui ne devoir être que lu.

La piéce finie, je courus vous la communiquer. Je ne dirai point l'impreffion qu'elle fit fur vous. C'eft une circonftance qui n'a rien d'intéreffant pour les autres, auffi en aije recueilli feul tour le fruit. Si l'accueil que vous lui avez fait est flatteur pour moi, il eft indifférent pour les lecteurs. Ils ne reglent point leurs fuffrages ou leur critique fur les difpofitions des particuliers ; & cela doit être. Je me contenterai, Madame, d'ajouter ici, qu'après m'avoir engagé à compofer cet ouvrage ; vous avez voulu encore que je le miffe au jour. Je n'aurois pas manqué de bonnes raifons à vous oppofer, fi vous aviez été difpofée d'en recevoir; mais vous êtiez d'humeur de demander, & mai en train d'accorder. J'avoûrai cependant que ma complaifance, à cet égard, a été portée à l'extrême; & il feroit jufte que vous m'en sinffiez quelque compte pour mon dédomma

gement.Ne croyez pas que je cherche à me parer d'une fauffe modeftie. C'est une reffource ufée qui n'est plus qu'à pure perte pour celui qui la met en œuvre. Vous le fçavez, Madame, je fuis autant eloigné à chercher des éloges peu mérités, qu'à me refufer à ceux dont je me croirois digne. Les applaudiffemens du public, à prendre ce dernier mot dans fa véritable fignification, font pour un Auteur ce qu'étoient autrefois pour un Conquérant les honneurs du triomphe. La gloire litteraire ne fçauroit aller plus loin. Tout écrivain qui fait femblant de les envifager avec indifférence, en impofe; & celui qui eft parvenu à les mériter, eft monté auffi haut que fon état peut le permettre.

ACTEURS.

LE COMTE, Epoux destiné à Eloïse.

FULBERT, Oncle d'Eloïfe.

LA MARQUISE, Sœur de Fulbert.

ELOISE, Amante d'Abailard.

ABAILARD, Amant d'Eloïfe.

NERINE, Confidente de la Marquise & d'Eloïfe.

FRONTIN, Valet d'Abailard.

M. GRIF, Intendant.

La Scene eft dans un Château de Fulbert, aux environs de Paris.

ABAILARD,

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LA MARQUISE, NERINE.

LA MARQUISE.

BAILARD eft, dis-tu, dans fo

Oui.

appartement ?

NERINE

LA MARQUISE.

Scait-il que je veux lui parler?

NERINE.

Oui, Madame

A

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