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A

SCYROS, COMÉDIE-HÉROÏQUE,

En cinq Actes, en Vers;

PAR M. GUYOT DE MERVILLE:

Représentée pour la premiere fois par les Comédiens François ordinaires du Roi, le 10 Octobre 1737.

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Chez DUCHESNE, Libraire, rue Saint Jacques, au-deffous de la Fontaine Saint Benoît au Temple du Goût.

M. DCC. LXIV.

AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE

LETTRE

A MONSIEUR

DE SERE,

CONSEILLER HONORAIRE AU PARLEMENT. (*)

L

MONSIEUR,

pren

'INTÉREST que vous avez bien voulu dre à ma Tragi comédie d'Achille à Scyros; l'honneur qu'elle a d'être née fous vos aufpices & dans votre aimable retraite, & l'obli gation que je vous ai des avis qui l'ont mise en état de ne pas déplaire, tout m'engage à vous faire part de la maniere dont elle a été reçue, des jugemens qu'on en a portés, & des réflexions que j'ai faites à cette occafion.

Le travestissement d'Achille, c'est-à-dire d'un Héros en femme, que nous avions regardé comme le point critique de l'Ouvrage, a été pris auffi favorablement que l'âge, la figure & le talent d'un jeune Acteur employé pour cette fiction ont pu le permettre. Mais un faux préjugé, qui fait envifager les Princes & les

(*) Cette Lettre fervoit de Préface à la premiere Édition.

A L

Rois de théâtre comme des perfonnages toujours enchaînés par leur gravité, a indifpofé la plupart des Spectateurs contre la liberté qu'Ulyffe & Lycomede ont prife de les faire rire, quoique ce fût avec nobleffe, & fans déroger à la dignité du caractere héroïque. La grandeur d'ame de Lycomede, la paffion touchante de Déïdamie, l'humeur guerriere & emportée d'Achille, les fentimens pathétiques d'Ulyffe, & même la verfification héroïque, ont beaucoup plus frappé que les rufes politiques de cet Ambaffadeur des Grecs, & que la fituation, quelquefois comique, du fils de Thétis. On a voulu abfolument que ce fût une Tragédie, & dans cette idée on a condamné des chofes plaifantes, qui font de l'effence de cet ouvrage, & qu'il n'étoit pas poffible de fupprimer. C'est une vérité qui paroît fur-tout à cet endroit du quatrieme Acte, dans la Scène des Statues, où Ulyffe, qui cherche à découvrir Achille, par l'impreffion que peuvent faire fur ce Héros déguifé les transports qu'il fent, ou qu'il feint de fentir lui-même, à la vûe des travaux d'Hercule, dit à fon Confident :

Tu vois comme elle écoute avec attention. Ce vers fait & doit faire rire, & cependant Ulyffe ne fauroit dire autre chofe.

Lorfqu'Achille, dans le même Acte, fort de la Scène, plutôt que de jouer de la lyre

Lycomede témoin d'un procédé fi fier, & qui déjà a dû remarquer l'humeur impérieufe de la fauffe Eucharis, n'en peut non plus marquer autrement fa furprife que par ces paroles :

Cette fille eft altiere.

Il en est de même de ce morceau du troifieme Acte, où fur les questions hautaines d'Eucharis au fujet de Théagene (*), Ulyffe qui veut appaiser une fille, qu'il voit irritée, lui dic d'un air flatteur & digne de lui:

Hé quoi! Beauté charmante,

Quel eft fur cet époux le foin qui vous tourmente? Ces deux endroits font rire comme le premier. Mais fi l'on y prend garde, ce n'eft ni l'expreffion, ni le ton, qui produisent cet effet; c'est uniquement le contrafte plaifant que la fitua tion porte avec foi; fituation à laquelle, encore une fois, on n'a pas fait une attention fuffifante.

Vous favez, Monfieur, qu'après quelques réflexions fur le caractere de mon Poëme, nous l'avions d'abord nommé Comédie-héroïque; & fi, dans le cours des représentations, je lui ai donné le titre de Tragi-Comédie, c'est parce qu'en effet le Tragique y dominant fur le Comique, ce terme me parut alors plus propre à en donner une jufte idée. Mais, au fond, c'eft

(*) Dans cette Edition, il s'agit-là du Pere de Théagene.

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