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Sa douleur m'envier fes trompeufes careffes?
Et pourrois-je goûter quelques contentemens,
Si je n'en jouiffois qu'au prix de fes tourmens.
Non, qu'au lieu d'éprouver un plaifir fi barbare,
L'un de l'autre à jamais le Deftin nous fépare.
Il me feroit plus doux de defcendre au tombeau,
Que d'être fon tyran, ou plutôt fon bourreau....
Ah! fuyons; étouffons, loin de Déïdamie,
Dans le fang des Troyens une flâme ennemie.
Oui, partons; fauvons-nous de ces bords dangereux,
Où je fus le jouet d'un amour malheureux;

Et pour aller à Troye y chercher du remede,
Courons prendre à l'inftant congé de Lycomede.

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ACTE III.

SCENE PREMIERE.

DÉÏDAMIE, DORIS.

DEÏDAMIE.

FAIS-TU venir Néarque ?

DORIS.

Il venoit de fortir,

Madame. De votre ordre on le doit avertir.
DEÏDA MI E.

Achille à fon courroux fe livre-t-il encore?
DORIS.

Dans fon appartement, Madame, il le dévore.
Il croit que Théagene alloit aux pieds du Roi,
Après votre parole, exiger votre foi ;

Et ce Prince, au contraire, en partant les délie.
De-là ce feu jaloux, où votre amiant s'oublie.
Puiffe-t-il en fon cœur fe tenir renfermé !

DEÏDAMIE.

Néarque va le voir, & l'orage eft calmé,
Doris. Sur fon efprit Néarque a plus d'empire,
Que n'en a fur fon coeur la flâme qu'il m'infpire.
Achille me dédaigne, & fuit mon entretien.

DORIS.

Hé! que peut l'amitié, quand l'amour ne peut rien? Ceflez de vous flatter, & d'un péril extrême Sauvez Achille, vous, & Néarque, & moi-même. Notre état chaque inftant me fait frémir d'effroi. Dieux ! que penferoit-on ? & que diroit le Roi,

S'il pénétroit qu'Achille, au fein de fa famille,
Eft caché fous le nom & l'habit d'une fille ?
Prévenons ce malheur, qui va nous accabler.
Avant qu'on le découvre, ofons le déceler.
S'il faut qu'à la vertu l'amour fe facrifie,
C'eft en fe trahiffant que l'on fe juftifie.

DEÏDA MIE.

Ah! ne dois-tu pas voir, ainfi que je le voi,
Que s'il eft découvert, il eft perdu pour moi?
Bientôt les Grecs, flattés des prodiges de gloire,
Que dans les champs Troyens lui promet la Victoire,
Inonderoient Scyros, & viendroient l'arracher
De l'afyle où Thétis prit foin de le cacher.
Quels feroient les tourmens d'une mere affligée!
Et dans quel défespoir je me verrois plongée!
Ma Doris, fi tu plains ta Maitreffe & Thétis,
Attends, pour éclater, que les Grecs foient partis.
Alors, de mon amour, qu'à préfent je dois taire,
Mon pere par ma bouche apprendra le myftere.
Pourrois-je redouter & mon pere & mon Roi,
Lorfque j'ai pour appui mon innocence & toi?
Tu fais comme à ma fuite Eucharis fut reçue.
Quelle autre, comme moi, n'eût pas été déçue?
Et quel cœur foupçonneux fe feroit défié
D'un amour revétu du nom de l'amitié ?.

Depuis qu'au fein d'Achille un feu, que j'ai fait naître,
Devant toi l'a contraint à fe faire connoître,
J'ai voulu que, témoin de tous nos entretiens,
Tout, jufqu'à nos regards, fût éclairé des tiens;
Et que, pour foutenir le rang où je fuis née
Ma vertu ne fût pas feulement foupçonnée.

DORIS.

J'entends du bruit. Lui-même il porte ici fes pas.

SCENE II.

SCENE I I.

ACHILLE, DÉÏDAMIE, DORIS.

DEIDA MIE.

He quoi! votre courroux ne se diffipe pas ?

E

A CHILLE.

Quoi! j'apprends que toujours, méditant ma ruine,
A Théagene encore un pere vous destine!
Et vous voulez qu'Achille, en vain faifi d'horreur,
Dans un lâche fisence éteigne fa fureur!

DEÏDAMIE.

Hé! que prétend enfin votre aveugle colere?
Voulez-vous révéler notre amour à mon pere?
Eft-ce contre un rival qu'éclate ce transport?
Peut-être il eft parti.

A CHILL E.

S'il paroît, il eft mort.
DEÏDAMI E.

Il ne paroîtra point; diffipez vos allarmes.
Mon pere accordera cette grace à mes larmes,
Et mon cœur même encor n'y borne point fes vœux.
Il faudra qu'il renonce à ces funeftes noeuds.
C'est vous qui, le premier, fites naître ma flâme;
C'est vous qui, le dernier, régnerez fur mon ame.
Seul vous aurez ma foi.

A CHILL E.

Que cet aveu m'eft doux!

Ah! Princeffe, comment m'acquitter envers vous?

Quel prix...

C

DEIDA MIE.

Cachez-vous mieux : le moyen eft facile.

A CHILL E.

Sous cet habillement, qui connoîtroit Achille ?
DEÏDA MI E.

Vaine précaution, fi vos moindres difcours,
Vos geftes, vos regards vous trahissent toujours.
Sans ceffe à s'allumer votre colere eft prompte.
L'habit que vous portez, excite votre honte.
Voyez-vous une lance, un cafque, un bouclier;
Parle-t-on devant vous de quelque exploit guerrier;
Votre œil étincelant montre un courage extrême.
Eucharis difparoît; c'eft Achille lui-même.

A CHILL E.

Puis-je de la Nature étouffer le pouvoir ?
DEÏDA MIE.

Puis-je l'étouffer, moi, lorfqu'un jufte devoir
M'ordonne d'accepter la main de Théagene?

A CHILL E.

Il faut vous obéir. Une éternelle gêne
Doit à tout l'Univers cacher ce que je fuis;
Et moi-même je vais m'oublier, fi je puis.

DEÏDAMIE.

Ces promeffes déjà me rendent plus tranquille.
On voit deux vaiffeaux dans le lointain.

DORIS.

Madame, deux vaiffeaux s'approchent de cette ifle.

DEÏDAMIE.

O ciel! que me dis-tu?

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