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SCENE VIII.

ALCIBIADE, AMICLES.

AMICLES.

HE bien, Seigneur?

ALCIBIADE.

Socrate enfin s'est découvert.

A peine je me fuis à fes regards offert,

...

Qu'un trouble, un embarras.. Mais je fçaurai
(t'inftruire,
Dans une autre faifon, de ce qu'il m'a fçû dire.
Cette Timandre eft belle, il n'en faut point douter;
Pour la voir, Amicles, je prétends tout tenter.
Dans Athénes rentrons, fans tarder davantage
Je ne veux point donner à Socrate d'ombrage
Et dans l'efpoir flatteur dont je fuis agité,
Sui-moi, je te dirai ce que j'ai projetté.

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Fin du premier A&te.

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A

CEPHISE.

Voüzz, n'en déplaise à la Philofophie,

Qu'en ce lieu nous menons une bien
trifte vie,.

Et qu'il n'eft pas befoin de confulter les Cieux
Pour voir que ce féjour eft des plus ennuyeux.
Cette affreuse prifon, Socrate, & fon Ecole,
Me feroient à la fin, je croy, devenir fole.
Hé quoi! Devant les yeux n'avoir à tous momens
Qu'un horrible fatras de Livres, d'Inftrumens,
Ne parler que de Globe, ou de Pole, ou de Zone,
Et, le monde à la main, ne voir jamais personne!

TIMANDRE.

Socrate n'exaltant qu'un auftere devoir,
Dit que l'on doit donner tout fon tems au fçavoir,

CEPHIS E.

On ne pourra jamais me mettre dans la tête
Que, pour être fçavante, il faille vivre en bête :
Et la nature en vous n'a point mis des attraits,
Pour être confinez dans le fond des forêts.
Ceci vous embaraffe ; & vous êtes surprise
De m'entendre parler avec tant de franchise :
Mais quand je mets pour vous toute reserve à part,
De même il faut auffi me répondre fans fard.
On me croit fille fimple; & fous cette apparence,
J'attire d'Aglaunice ici la confiance.
Quels que foient, entre nous, les fçavans entretiens,
Je croy que mes confeils yaudront mieux que les

(fiens: N'imaginez-vous point qu'il peut être, en la vie, Des paffe-temps plus doux, & plus dignes d'envie, Que ceux que nous menons? Vous pouvez hardiVous confier à (ment

moy.

TIMANDRE.

J'avourai franchement,

Quels que foient du fçavoir les beautez admirables Que je conçois qu'il eft des chofes plus aimables.

CEPHISE.

Moi y qui n'ai jamais lû de Livres, ni d'Ecrits,
Je le conçois auffi, fans qu'on me l'ait appris,

TIMANDRE.

Ah! Cephife, avec toi je m'explique fans crainte C'est pour moi, je l'avoue, une dure contrainte

Que celle où je me trouve.

CEPHISE.

Eh! je le croirois bien.

Mais à quoi nous fert donc votre efprit & le mien?
Que ne profitons-nous, felon notre caprice,
De cette liberté, que nous laiffe Aglaunice;
Il nous feroit aifé d'abandonner ces lieux,
Et de faire au defert quelque jour nos adieux.

TIMANDRE.

Tu te mocques!

CEPHISE.

Ma foi, je tenterois fortune :

Et loin d'aller chercher des hommes dans la Lu

(ne, D'un autre monde, enfin, fans me mettre en fouci, J'irois voir file nótre eft mieux peuplé qu'ici.

TIMANDRE.

De prendre un tel parti, que le Ciel me préfer

(ve! Je ne fçai quel fera le fort qu'il me referve; Mais malgré tout l'ennui que mon cœur peut (avoir,

Je ne fuivrai jamais que les loix du devoir.
Je conçois, & je fens à quoi l'honneur m'enga-
(ge;

Et dûffai-je toujours me voir dans l'esclavage,
A d'impuiffans defirs je fçaurai préferer
La raison, qui déja commence à m'éclairer.

CEPHISE.

Quand la raifon devient fi forte en fa naissance,
Je la regarde, moi, comme un refte d'enfance.
Pour moi, j'en ai paffé, Madame, la saison;
Et j'ai depuis long-temps fait mon cours de raison:
J'en puis avoir fort peu; mais, ma foi, je me flatte
D'en avoir encor plus qu'Aglaunice, & Socrate.
Pour elle, fon efprit eft tout-à-fait tourné ;
Et de quelque fçavoir dont il puiffe être orné,
On voit facilement qu'en tout il fe déregle ;
Il veut regler la Lune, & la Lune le regle.
Elle croit que chaque Aftre au firmament planté,
N’eft-là que pour agir felon fa volonté ;
Qu'avec fon grand compas, & fa longue lunette,
Elle fera parler là haut chaque Planette;
Qu'elle fçait dans l'inftant tout ce qu'il s'y réfout,
Et que le Ciel enfin lui rend compte de tout.
Mais venons à Socrate. Ou je fuis fort trompée,
Ou fon ame en fecret de vous eft occupée :
L'extrême foin qu'il prend de vous cacher à tous,
Me le fait croire Amant, & même Amant jaloux,

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