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Je crois parfaitement

Que tout cela n'eft bon que pour l'amusement;
Je fçai jufqu'où cet art, entre nous, peut s'éten-
(dre;
Mais laiffons ce difcours. Revenons à Timandre;
Et fçachez les motifs des foins que j'en ai pris.
Elle eft fille de l'un de mes plus chers amis :
Il étoit de Phrigie; & pour moi fa tendreffe
Lui fit quitter ce lieu pour s'établir en Gréce:
La Parque un peu trop tôt disposa de fon fort.
Il me dit, m'embraffant, une heure avant la mort,
En vos mains, cher ami, je dépose ma fille,
» Unique refte, hélas ! de toute ma famille ;
» Et puifque du deftin je vais fubir la loi,
Donnez-lui l'amitié que vous aviez
moi.
Il mourut. Jugez donc fi Timandre m'eft chere,
Et fi je ne dois pas lui tenir lieu de pere.

وو

pour

Pour la fouftraire mieux aux regards des humains,
Et l'inftruire aux vertus, je l'ai mise en vos mains,
La garde de Timandre, au centre d'une Ville,
Où regnent les plaifirs, étoit trop difficile ;
Je n'étois occupé que du pénible emploi

De la cacher à ceux qui s'affembloient chez moi:
Avec eux fort fouvent, il falloit me contraindre:
TousDifciples enfin me donnoient lieu de craindre;
Mais fçachez plus encor. De ma femme toujours
J'effuyois à regret mille fâcheux discours.
Jaloufe fans raifon de la jeune Timandre,
Sur elle fa fureur étoit prête à s'étendre ;

C'eft un petit efprit, foupçonneux, inquiet,
Et qui cent fois le jour s'irrite fans fujet.

Mais enfin là-deffus c'eft affez vous en dire,
A prefent que Timandre eft chez vous, je ref-
(pire.
Je veux que le fçavoir faffe fes feuls plaisirs,
Qu'il foit uniquement le but de fes defirs;
Et qu'ignorant enfin toutes paffions vaines,
Elle ne tienne rien de nos Athéniennes.

AGLA UNICE.

Vous pouvez là-deffus avoir l'efprit en paix,
Tout ira, je vous jure, au gré de vos fou
(haits;
Je me le perfuade, ou du moins je l'efpere,
J'ai mis près de Timandre une Efclave étrangere,
Dont l'efprit me paroît naturel & fans art;
Ainfi, nous n'avons rien à craindre de sa part.

SOCRATE.

Vous avez fort bien fait. Une compagne ha

D'une fille fouvent rend la garde inutile.

A GLAUNICE.

(bile,

Sans ceffe je m'applique à lui vanter le prix
De vos fages leçons, de vos doctes écrits ;
Elle en fait tous les jours devant moi la lecture.

SOCRATE.

Les foins que vous prenez me charment, je vous

( jure,

AGLAUNICE.

Puis, pour nous recréer en ces champêtres lieux,
Nous raifonnons ufi peu fur le Globe des Cieux:
Mes obfervations devant elle font faites,
Nous regardons le cours des Aftres, des Planetes ;
Et leurs divers afpects, leurs révolutions,
Font prefque tous les foirs nos récréations.
J'adaire fon efprit & comme elle raisonne.

SOCRATE.

Vous ne me direz rien là-deffus qui m'étonne,
Dès fes plus jeunes ans j'ai toujours auguré.
Appercevant Amicles.

Quel deifein fait venir en ce lieu retiré ?

AGLAUNICE.

C'eft quelque voyageur qui ne fçait pas la route, Et qui dans la Foret s'eft égaré fans doute.

SOCRATE.

Il pourroit me connoître. Evitons ce hazard, Et cherchons à finir l'entretien autre part.

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Alcibiade eft fou, je n'en puis plus douter:
Dans quel entêtement je le vois perfifter!
Il veut qu'une Timandre, en beauté magnifique,
Habite abfolument dans ce féjour ruftique :
Il prétend que Socrate eft fort myftérieux,
Que c'est lui qui retient cette belle en ces lieux.
D'une jeune beauté ceci n'eft point l'afile;
Et ce feroit plûtôt l'Antre d'une Sybile.

Il n'en démordra point, je connois son humeur.
Dans l'efpoir de brûler d'une nouvelle ardeur,
Quelque foit une belle, en un mot brune ou
(blonde,
Il iroit, pour la voir, jufques au bout du Monde.
Le prêcher là-deffus, ne ferviroit de rien.
Ma morale le choque, il ne la prend pas bien,
D'autres Docteurs que moi ne pourroient le fou-
( mettre.
A fes bouillants tranfports il ofe tout permettre :
Et parce qu'il eft jeune, & né pour commander,
Ce n'eft qu'à fes defirs qu'il croit qu'il faut ceder.
Lui, dans cette forêt, au gré de son caprice,
Va, court, cherche, revient, & fait de l'exercice.
Pour moi, je fuis trop las ; & je vais dans ce Bois
Repofer...

ALCIBIADE, derriere le Theatre.

Amicles!

AMICLES.

J'entens, je crois, sa voix ?

SCENE III.

ALCIBIADE, AMICLES.

ALCIBIADE.

U m'as inquieté. Dans ces lieux folitaires
Je t'ai crufous la dent des Loups, ou des

Panthéres.

AMICLE S.

A cet air effrayé, que vous me faites voir,
Je conçois quel étoit tout votre defespoir.
Hé bien, Seigneur, vos foins pour découvrir Ti-

Me femblent fuperflus.

ALCIBIADE.

(mandre

Je n'y puis rien comprendre,

'AMICLES.

Ah! fi j'ofois parler, je vous répondrois bien,
Que c'est à vos defirs où l'on ne comprend rien.
Quoi, vous vous embrafez d'abord pour une belle,
Sur un fimple recit que l'on vous a fait d'elle ;
Je ne vous conçois point.

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ALCIBIADE.

Je n'ai jufqu'à ce jour Senti pour cet objet aucun trait de l'amour,

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