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AN. 620.

6.2.

haute Syrie, il fe retira chés un Perfan, Chré tien & ouvrier de monnoye, qui lui aprit fon métier. Il le prioit fouvent de le faire baptifer: mais celui-ci craignant les Perfes, différoit toûjours. Cependant il le menoit aux églifes, où Magundat voyant les hiftoires des martyrs, en demandoit l'explication, & admiroit leurs fouffrances & leurs miracles. Il ne demeura pas longtemps avec ce monnoyeur; & s'en alla à Jerufalem, touché d'un grand défir d'y recevoir le baptême.

Il s'y logea chés un autre monnoyeur, qui le mena à Elie prêtre du faint Sepulcre : & celui-ci l'ayant reçu comme envoyé de Dieu, le préfenta au prêtre Modefte, vicaire du fiége de Jerufalem, pendant la captivité du patriarche Zacharie. Modefte le fit baptifer avec un autre, converti de la même fuperftition, & dans les mêmes difpofitions. Magundat reçut au baptême le nom d'Anaftafe; & paffa les huit premiers jours chés le prêtre Elie, qui lui demanda quel genre de vie il vouloit embraffer. Anaftafe le pria de le faire moine. Ainfi dés qu'il eut quitté l'habit blanc, Elie le mena au monaftére de S. Anaftafe, à quatre milles de Jerufalem ; & le mit entre les mains de l'abbé Juftin, qui le reçut la dixiéme année d'Heraclius, indiction huitiéme ; c'est-àdire, l'an 620. Juftin lui dona pour maître un de fes difciples, qui lui aprit les lettres gréques & le pfeautier, luí coupa les cheveux, le revêtit de l'habit monaftique, & l'éleva comme son fils. Il rendoit divers fervices dans le monaftére, particuliérement à la cuifine & aux jardins. Il étoit fort apliqué à l'office, à la lecture de l'écriture fainte, & des vies des faints: mais celles des martyrs le touchoient le plus. Le démon lui ramenoit souvent en la mémoire les paroles des enchantemens, qu'il avoit apris de fon pere. Mais

ayant

ayant découvert cette peine à son abbé, il en fut AN. 610. délivré par fes prières, & par celles de la comu

nauté. C'eft ainfi qu'Anaftafe vivoit dans le mo- 3.p.427. naftére, où il paffa fept ans.

XXVI,

moine

En Occident, la difcipline monaftique fleuriffoit entre les difciples de S. Colomban, lorfque Agreftin leur paix fut troublée par l'inquiétude d'un moi- fchifmati ne nomé Agrefte ou Agreftin. Il avoit été secrétaire du roi Theodoric ; & touché de quelque mouvement de piété, il quitta tous fes biens, & vint à Luxeu, où il fe mit fous la conduite de

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cette

que.

S. Euftaf. n. 6.

To.2. Ad

S. Euftafe, qui en fut le fecond abbé. Quelque p.118. temps aprés, fous prétexte de zéle, il demanda congé d'aller prêcher l'évangile aux payens: car il y en avoit encore au voifinage du monaftére, dans les Sequanois, & plus avant en Baviere ; & S. Euftafe travailloit avec fuccés à leur conver- Ibid. n. 3 fion. Mais ne jugeant pas Agreftin propre œuvre, il le reprit de fa témérité, & lui repréfenta, qu'il n'étoit pas encore affés avancé dans la religion. Enfin ne pouvant le retenir, il le laiffa aller. Agreftin ayant été jufques en Bavie re, fans y faire aucun fruit, palla à Aquilée, où n. 7. il s'engagea dans le fchifme des trois chapitres, qu'il avoit auparavant condamné ; & écrivit une lettre pleine d'aigreur & de reproches, à S. Attale, fecond abbe de Bobio. Enfuite il revint à Luxeu, & s'efforça d'attirer dans le schisme faint Euftafe, qui au contraire eflaya de le convertir; & le voyant opiniâtre, le chafla de fa communauté.

Agreftin ainfi rejetté, fe tourna de divers cô- n. 9. tés, pour groffir fon parti, & n'avançant rien, il inventa diverfes calomnies contre la régle de S. Colomban, étant apuyé par Abellen évêque de Geneve fon parent. Celui-ci s'efforça d'enga•ger les évêques voifins à protéger Agreftin, & voulut gagner même le roi Clotaire; mais ce

AN. 620. prince conoiffant par lui-même la fainteté de faint Colomban, & de fes difciples; aprés avoir effayé en vain de ramener Agreftin à la raison, convo

qua

un concile, ne doutant point que S. Euftafe n'y fçût bien défendre fa régle. Plufieurs évêques de Bourgogne s'affemblerent donc par ordre du roi au fauxbourg de Mâcon. Agrestin parut au milieu du concile, & on l'obligea à proposer fes reproches contre la régle de S. Colomban. Il dit qu'elle contenoit des obfervances fuperfluës, & contraires aux canons. De faire en mangeant le figne de la croix fur la cuillere: de demander la bénédiction toutes les fois que l'on entroit, ou que l'on fortoit d'une maison, dans l'enceinte du monaftére. C'eft que ces monaftéres étoient si nombreux, que tous les moines ne pouvoient loger fous un même toit. Les évêques ne jugeant pas ces reproches dignes de l'examen d'un concile, demanderent fi Agreftin avoit autre chose à objecter. Il dit que S. Colomban avoit multiplié à la meffe le nombre des oraifons: qu'il avoit des ufages finguliers ; & il l'accufa même d'héréfie. Alors S. Euftafe s'adreffa aux évéques, & dit. C'eft à vous à juger ceux qui enfeignent la vérité dans l'églife, ou qui s'en éloignent. Ils lui dirent: Nous voulons aprendre vos réponses de vôtre bouche. Il répondit: Je ne croi point contraire à la religion, qu'un Chrérien falle le figne de la croix fur sa cuillere, ou fur tel autre vaiffeau dont il fe fert pour boire ou manger : puifque ce figne détourne les attaques de l'ennemi. De s'armer de la bénédiction du Seigneur en entrant Pf. cxx. 3. & en fortant, le pfeaume l'autorife, en disant : Le Seigneur garde ton entrée & ta fortie. Quant à la multiplication des oraifons dans les offices divins, je croi qu'elle eft utile à toutes les églises: puifque plus on cherche Dieu, plus on le trouve; & qu'il nous eft ordoné de prier fans ceffe. Agrel

32.12.

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in confondu par ces réponses, ajoûta que les
difciples de faint Colomban fe coupoient les che-
veux d'une maniere finguliere. C'est qu'ils por
toient la tonfure Hibernoife, qui confiftoit en
une demie courone: ayant les cheveux coupés
fur le front, & plus longs d'une oreille à l'autre
au derriere de là tête. Alors S. Eustase lui dit
en préfence de ces évêques: Moi qui fuis le dif-
ciple & le fucceffeur de celui dont tu condamnes
l'inftitut, je te cite au jugement de Dieu dans
cette année, pour plaider ta caufe avec lui. Ces
paroles fraperert quelques-uns des parrilans d'A-
greftin, & tous exhorterent les deux partis à la
paix. Ils prefferent tant Agreftin, qu'il la de-
manda; & S. Euftafe le reçut au baifer, quoique
perfuadé qu'il n'agiffoit pas fincérement.

En effet il recomença à troubler les monafté-
res, pour s'attirer des partifans. Il s'adreffa à
Romaric, qui aprés avoir été des premiers de la
cour du roi Theodebert, s'étoit rendu moine à
Luxeu puis du confentement de S. Euftafe, il
avoit bâti un monaftére de filles dans une de fes
terres, nomée Habende, au diocéfe de Toul. Ce
monaftére a depuis gardé fon nom, en Allemand
Roberg, en François Remiremont. On croit
qu'il étoit double, d'hommes & de filles: on y
gardoit la régle de S. Colomban ; & S. Euftase
Y V. to. 2
avoit mis pour premier abbé Amart ou Amé, A. B. p.
qu'il avoit amené à Luxeu, aprés avoir été quel- 129.
que temps moine à Agaune, & depuis anacoréte. Ibid. n 18.
La premiere abbeffe des filles, fut fainte Macte- P133·
flede. Agreftin s'adresla donc à ces deux faints
perfonages Amé & Romaric, qu'il trouva irrités
contre S. Euftafe, parce qu'il les avoit repris de
quelque négligence. Il les porta à mépriser la
régle de S. Colomban, & à introduire une nou-
velle obfervance. Il alla auffi trouver fainte Fare,
qui le repouffa vigoureusement: ainfi il revint
Tome VIII.

M

AN. 625.

XXVII.

à Remiremont., Mais la vangeance divine s'y fit: fentir fur ceux qui, favorifolent fon parti. Deux furent déchirés par des loups enragés, qui entrerent de nuit dans le monaftére. Un autre nomé Plaurelius, fe pendit. La foudre tomba fur la maifon, & en tua vingt d'abord; il en mourut d'autres de frayeur; & en tout plus de cinquante. Enfin Agreftin lui-même fut tué d'un coup de hache par fon valet, à caufe qu'il abufoit de fa femme. I périt ainfi un mois avant la fin de l'année, dans laquelle S. Euftafe l'avoit cité au ju gement de Dieu. Alors Amé & Romaric fe ré concilierent avec S. Euftafe; Abellen de Geneve, & les autres évêques des Gaules devinrent les protecteurs de la régle de S. Colomban ; & on fonda dans la fuite plufieurs nouveaux monafté. res, où elle fut établie.

Saint Euftafe mourut quelque temps aprés; Disciples fçavoir, l'an 625. le vingt-neuvième de Mars, de S. Co1 omban. jour auquel l'églife honore fa mémoire. Aprés fa Martyr. R. mort, les moines de Luxeu réfolurent de rapeller 29. Mart. S. Gal, & fe foumettre à fa conduite. Pour cet V. S. Gal. effet, ils lui envoyerent fix de leurs freres, auc. 38. A. trefois venus d'Hibernie; mais ils ne purent lui perfuader de quitter fa folitude prés le lac de Conftance. On élut donc pour troifiéme abbé de Luxeu, faint Valdebert difciple de faint Eustase, connu fous le nom de S. Gaubert; & il gouverna ce monaftére pendant quarante ans.

B

to. 2.

P.245.

A. B. to.

2. p. 503.

De l'abbaye de Luxeu, & de la difcipline de 5. Colomban, fortirent plufieurs autres faints abbés ou fondateurs de monaftéres, & plufieurs Ad. to. 2. faints évêques. Saint Deïcole n'ayant pû fuivre p. 103. S. Colomban dans fon voyage d'Italie, demeura

en Bourgogne, & fonda le monaftére de Luttre ou Lure, dans le diocéfe de Befançon. Il mouMartyr. R. fut vers l'an 625. le 18. de Janvier, jour auquel l'églife honore fa mémoire. Il est connu du

18, Jann.

peuple

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