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bâtir une cellule prés de l'églife. Il y demeura
environ quinze ans, couvert d'un cilice & de
cendre, jeûnant & vivant feulement d'un pain
d'orge & d'eau.

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Enfuite il alla à Rome, où voulant paffer la nuit en prieres dans l'églife de S. Pierre, les officiers qui la gardoient l'en chafferent avec injures ; & comme il étoit affis en dehors fur les dégrés, S. Pierre lui aparut & l'exhorta à retourner dans les Gaules pour prêcher. Il obéït, & quelque temps aprés vers l'an 626. le roi Clotaire & les évêques le contraignirent d'accepter l'épifcopat, mais fans réfidence déterminée. Etant fainfi ordoné évêque, il comença à prêcher la foi aux infidéles, dans les territoires de Tournai & de Gand, & dans le Brabant il rachetoit autant qu'il pouvoit de jeunes captifs, & aprés les avoir baptifés, il les laiffoit en divers églifes: & plufieurs devinrent depuis, prêtres, abbés ou évêques.

Jufques-là perfone n'avoit ofé prêcher dans c.11. le païs de Gand, tant à caufe de la ftérilité de la terre, que de la férocité des habitans, qui adoroient des arbres & des idoles. Saint Amand touché de compaffion pour eux alla trouver saint Acaire de Noyon, comme l'évêque le plus proche ; & le pria d'aller au plûtôt vers le roi Dagobert, & de prendre fes ordres par écrit, pour contraindre à recevoir le baptême ceux qui le refuseroient. Ce qui fut exécuté: & c'eft le mier exemple de pareille conduite, que j'aye re marqué à l'égard des payens. Car j'en ai déja Sup. xxxv. raporté quelques-uns pour les Juifs; & Dago- n. 21. 22. bert lui-même ordona, que tous ceux de fon Fredez. royaume fe feroient baptifer. Ce qui femble dif- 650 ficile à accorder avec la maxime raportée par faint Gregoire, que les converfions doivent être volontaires. Saint Amand ayant reçu cet ordre

pre

du

du roi, & la bénédiction de l'évêque, marcha hardiment chés les Gantois: mais il ne laiffa pas d'y fouffrir des peines incroyables. Il fut fouvent repouffé avec injures par les femmes ou les païfans: fouvent battu, ou jetté dans la riviere. Ceux même qui l'avoient accompagné l'abandonerent pour la ftérilité du lieu : mais il continuoit de prêcher, vivant du travail de fes mains. Un miracle rendit les barbares plus traitables. Totton comte François rendant la justice à Tournai, S. Amand lui demanda la grace d'un voleur, qu'il avoit condamné à mort: mais il ne laiffa pas de le faire exécuter & attacher au gibet, où il expira. S. Amand fit aporter le corps dans la chambre, où il avoit accoûtumé de prier. Le matin il demanda de l'eau, & les freres qui croyoient que c'étoit pour laver le corps avant que de l'enfevelir, furent bien furpris de trouver un homme vivant, affis & parlant avec le faint. Il fit laver le résuscité, & referma tellement fes playes, qu'il n'y paroiffoit plus, puis il le renvoya chés lui. Baudemont qui raporte ce fait, dit l'avoir apris du prêtre Bon, qui difoit y avoir été préfent. Le bruit de ce miracle s'étant répandu, les habitans accoururent en foule, priant humblement le faint évêque de les faire Chrétiens. Ils détruifirent leurs temples de leurs propres mains, & à la place S. Amand bâtiffoit des églifes & des monafteres, par les libéralités du roi & des perfones de piété. Le faint évêque voyant que la foi començoit à s'établir en ces quartiers, alla prêcher aux Sclaves, qui nouvellement venus du Nord, faifoient de grands progrés en Germanie. A yant donc paffé le Danube, il anonça l'évangile à ces barbares avec grande liberté : efpérant même remporter la courone du martyre; mais voyant qu'il y faisoit fruit, il revint à fon troupeau.

peu

de

Parlons

2

Eloi.

Parlons maintenant de ces deux vertueux laï- xxxvII. ques, Dadon & Eloi, qui tenoient un fi grand Coniencerang à la cour du roi Dagobert. Le plus âgé ment de S. étoit Eloi, né prés de Limoges, d'une famille vita ar. qui comptoit une longue fuite de Chrétiens, & Sur. 1. Dec. qui fans doute étoit Romaine: comme fait voir to. 5. fon nom Latin Eligius, & celui de fon pere Eu- Spic.p.17. cher. Celui-ci l'ayant bien inftruit dans la religion, & lui voyant une induftrie finguliére, le dona à un homme confidérable, nomé Albon, orfévre, & maître de la monnoye à Limoges, dont il aprit l'art en peu de temps. Ayant eu quelque occafion de venir en France, c'est-à-dire, au-deçà de la Loire, il fut connu de Bobbon tréforier du roi Clotaire II. & fe mit fous fa conduite. Le roi voulant faire faire un fiége magnifique orné d'or & de pierreries, ne trouvoit point d'ouvrier dans fon palais qui pût exécuter fa penfée. Le tréforier lui indiqua Eloi, que le roi accepta avec joye, & remit au tréforier une grande quantité d'or pour l'exécution de fon deffein. Eloi travailla diligemment, & aporta au roi la chaife qu'il lui avoit donée à orner, dont le roi fut tres-content; & ayant loué hautement l'élégance de l'ouvrage, il ordona que l'ouvrier fût dignement récompenfe. Alors E oi découvrit une feconde chaife toute femblable à la premiére, & dit qu'il l'avoit faite de l'or qui étoit resté. Le roi admira fa fidélité & fon induftrie ; & par fes réponses, lui trouvant beaucoup d'esprit, lui dona grande part à la confiance. Depuis il fut lui- Le Blanc、 même monetaire: & l'on voit encore fon nom en hift. mon. plufieurs monnoyes d'or frapées à Paris fous Da- p. 50. 5+0 gobert & fon fils Clovis.

Eloi étant venu en âge meur, & voulant met- Vita 6. 7. tre fa confcience en repos, confeflant devant un prêtre tout ce qu'il avoit fait depuis fa jeuneffe, il s'impofa une lévére pénitence. C'eft le premier

"Tome VIII.

N exemple

€. 9.

C. 10.

fi

exemple que je fçache de confeffion générale, Aprés la mort de Clotaire, il fut en grand crédit auprés du roi Dagobert, qu'il attira l'envie des méchans, aufquels il s'opofoit. Cependant il continuoit toûjours à travailler de fon art, à divers ouvrages d'or & de pierreries, pour le roi. Acta Ben. Il avoit prés de lui un efclave Saxon, nomé Til0.2.p.994. lon, qu'il forma dans la vertu ; en forte qu'il de

vint un grand perfonage, connu fous le nom de S. Theau, & honoré le fept de Janvier. En travaillant, S. Eloi avoit devant les yeux un livre ouvert, pour s'inftruire en même-temps dans la étoient 8.12. loi de Dieu. Autour de fa chambre,

6.8.

6. 12.

quantité de livres fur les planches, principalement la fainte écriture, qu'il lifoit aprés la pfalmodie & l'oraifon : & plufieurs de les domesti ques chantoient avec lui l'office canonial le jour & la nuit. On nome entre eux Bauderic fon affranchi, Tituen fon valet de chambre, de la nation des Sueves, qui fut martyr; Buchin, qui avoit été payen, & devint abbé de Ferrieres; André, Martin & Jean, qui par fes foins devinrent clercs. Au haut de fa chambre, étoient fufpendues plufieurs reliques des faints, fous lefquelles il fe profternoit fur un cilice, pour prier; & paffoit quelquefois ainfi toute la nuit. Aprés l'oraifon, il chantoir des pleaumes, pour fe foulager; puis il prenoit la lecture, qu'il interrompoit fouvent, en levant les yeux au ciel, en foupirant, & en pleurant abondament: car il ayoit un grand don de larmes. Quoique le roi le mandât, & lui envoyât meffage fur meffage, il n'al loit point, qu'il n'eût achevé fes exercices de piété. Il ne fortoit jamais de chés lui, fans prier & faire le figne de la croix ; & en rentrant, mençoit toûjours par la priere.

il co

Il étoit de grande taille, avoit la tête belle, les cheveux frifés, le teint rouge: la fimplicité

&

& la prudence éclatoient dans fes regards. Du
comencement, il portoit des habits magnifiques,
& quelquefois tout de foye, quoi qu'encore rare:
des chemifes brodées d'or, des ceintures & des
bourfes garnies d'or & de pierreries. Mais ayant
fait un plus grand progrés dans la vertu, il dona
tous ces ornemens aux pauvres : & s'habilloit fi
négligemment, qu'on le voyoit fouvent ceint
d'une corde. Le roi le voyant ainfi, lui donoit
quelquefois fon habit & fa ceinture. Les aumônes
d'Eloi étoient immenfes : il donoit aux pauvres
tout ce qu'il recevoit des bienfaits du roi. Și c18d
quelque étranger demandoit fon logis, on lui di-
foit Allés à une telle rue, à l'endroit où vous
trouverés quantité de pauvres affemblés. Ils le
fuivoient toujours en foule, & il leur donoit ou
de fa main, ou par un domestique, de la nourri-
ture & de l'argent. Tous les jours il en nourrif-
foit chés lui un grand nombre, qu'il fervoit de
fes propres mains, & mangeoit leurs reftes. Il
leur donoit du vin & de la chair, quoi qu'il n'en
ufat point lui-même ; & il jeûnoit quelquefois
deux ou trois jours de fuite. Quelquefois l'heure c. 22.
étant venue, & la table mise, il n'avoit rien à
doner à fes pauvres, ayant tout diftribué aupa-
ravant : mais il fe confioit en la providence, qui
jamais ne lui manqua, par la libéralité du roi,
ou d'autres perfones pieufes. Il prenoit soin de c. 31.
faire enterrer les corps des fupliciés.

Il avoit une dévotion particuliére à racheter c. 10. les captifs. Quand il fçavoit que l'on alloit vendre quelque part un efclave, il y couroit ; & il en rachetoit des cinquante & cent à la fois, principalement des Saxons, que l'on vendoit à grandes troupes. Il les mettoit en liberté ; puis il leur donoit le choix de retourner chés eux, de demeurer avec lui, òu d'entrer dans des monastéres ; & prenoit un grand foin de ces derniers. Il fonda c. 15. 16. Nij deux

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