Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AN. 654. quelle gloire vous avés été, & en quel état vous êtes réduit. C'eft vous feul, qui vous y êtes mis. Le pape répondit feulement: Dieu foit loué de tout. Demofthene dit : L'empereur veut favoir de vous, ce qui s'eft paffé ici & à Rome à l'égard de Pyrrus, ci-devant patriarche. Pourquoi alla-t-il à Rome Fut-ce par ordre de quelqu'un, ou de fon mouvement? De fon propre mouvement, répondit le pape. Demofthene dit: Comment fit-il ce libelle? Y fut-il contraint ? Le pape répondit : Non, il le fit de luimême. Demofthene dit : Quand Pyrrus vint à Rome, comment le pape Theodore, vôtre prédéceffeur, le reçut-il; comme un évêque ? Le pape répondit: Et comment donc ? Puiiqu'avant que Pyrrus vînt à Rome, Theodore avoit écrit nettement à Paul, qu'il n'avoit pas bien fait d'ufurper le fiége d'un autre. Pyrrus venant enfuite de lui-même aux pieds de laint Pierre, comment pouvoit-il s'empêcher de le recevoir, & de l'honorer comme évêque? Il eft vrai, dit Demofthene. Mais d'où tiroit-il fa fubfiftance ? Le pape répondit: Sans doute du palais patriarcal de Rome. Demofthene dit: Quel pain lui !donoit-on ? Le pape répondit : Vous ne conoifles pas l'églife Romaine. Je vous dis, que quiconque y vient demander l'hofpitalité, quelque miferable qu'il foit, on lui done toutes is chofes Réceffaires : S. Pierre ne refufe perfone. On lui done du pain tres-blanc, & des vins de diverses fortes: non feulement à lui, mais aux fiens. Jugés par là comme on doit traiter un évéque.

Demofthene dit: On nous a dit que Pyrrus a fait ce libelle par force, qu'on lui a mis des entraves & fait fouffrir beaucoup de maux. Le pape répondit: On n'a rien fait de femblable. Vous avés à C P. plufieurs perfones, qui étoient alors à Rome, & qui favent ce qui s'y eft paffé

fi la crainte ne les empêche de dire la vérité. An. 655, Vous avés entre autres le patrice Platon, qui étoit exarque, & qui envoya fes gens à Pyrrus. Mais à quoi bon tant de queftions? Me voilà entre vos mains, faites de moi ce qu'il vous plaira. Quand vous me feriés hacher en piéces comme vous aves ordoné au préfet, je ne comunique point à l'églife de Ĉ P. Eft-il encore queftion de Pyrrus, tant de fois dépofé & anathématifé Demofthene & ceux qui l'accompagnoient, étonés de la conftance du pape, fe retirerent aprés avoir mis par écrit toutes les réponses.

mort

IX.

Le pape S. Martin demeura donc dans la prifon de Diomede quatre-vingts-cinq jours, qui Exil du pafont prés de trois mois, & avec les trois mois pe S Marde la premiere prifon, prés de fix: c'eft-à-dire, tin & fa depuis le dix-feptiéme de Septembre 654. jufques au dixiéme de Mars 655. Alors le fcribe Sagoleve lui vint dire : J'ai ordre de vous transférer chés moi, & de vous envoyer dans deux jours où le facellaire comandera. Le pape demanda où on le vouloit mener : mais il ne voulut pas lui dire, ni lui permettre de demeurer dans la même prifon, jufques à fon exil. Vers le foir, le pape dit à ceux qui étoient auprés de lui: Venés, mes freres, dilons-nous adieu, on va m'enlever d'ici. Alors ils bûrent chacun un coup; & le pape fe levant avec une grande conftance, dit à un des affiftans, qu'il aimoit : Venés, mon frere, donés-moi la paix. Celuici, qui avoit déja le cœur ferré, ne put retenir fa douleur, & fit un grand cri; les autres s'écrierent auffi. Le faint pape les regardant d'un visage ferein, les en reprit ; & mettant les mains fur la tête du premier, il dit en foûriast: Tout ceci eft bon mon frere, il eft avantageux: faut-il en ufer ainfi ? Vous devriés plûtôt vous

[ocr errors]

I vj

[ocr errors]

AN. 655.

Epift. 16.

réjouir de mon état. Celui-ci lui répondit: Dieu le fçait, ferviteur de JESUS-CHRIST, je me réjouis de la gloire qu'il vous prépare, mais je m'afflige de la perte de tant d'autres. Aprés donc l'avoir falué tous, ils fe retirerent. Auffitôt vint le fcribe, qui l'emmena dans fa maifon : & il fut dit, qu'on l'envoyoit en exil à Cherfone.

&

En effet, on le fit embarquer fecretement le jeudi faint, qui cette année 655. étoit le vingtfixiéine de Mars ; & aprés avoir paffé en divers lieux, il arriva à Cherfone le quinziéme de Mai. C'eft lui-même qui le dit ainfi, dans une lettre qu'il écrivit à un de fes plus chers amis à C P. où il ajoûte: Le porteur de cette lettre eft arrivé un mois aprés nous de Byzanze à Cherfone. Je me fuis réjoui de fon arrivée, croyant que l'on m'auroit envoyé d'Italie quelque fecours, pour ma fubfiftance. Je le lui ai demandé, ayant apris qu'il n'aportoit rien, je m'en fuis étoné, mais j'en ai loué Dieu, qui mefure nos fouffrances comme il lui plaît. Vû principalement, que la famine & la difette eft telle en ce païs, que l'on y parle de pain, mais fans en voir. Si on ne nous envoye du fecours d'Italie ou de Pont nous ne pouvons abfolument vivre ici. Car on ne peut y rien trouver. Si donc il nous vient de là du bled, du vin, de l'huile, ou quelque autre chofe, envoyés-les nous promptement, comme vous pourrés. Je ne croi pas avoir fi maltraité les faints qui font à Rome, ou les eccléfiaftiques, qu'ils doivent ainfi méprifer à mon égard le comandement du Seigneur. Si faim Pierre y nourrit fi bien les étrangers, que diraije de nous, qui fommes fes ferviteurs propres, qui l'avons fervi du moins quelque peu, & qui

fommes dans un tel exil & une telle affliction? Je vous ai fpécifié certaines chofes, que l'on peut

peut acheter par de là, & que je vous prie de AN 6550 m'envoyer avec vôtre foin ordinaire : à cause

de mes grands befoins & de mes fréquentes maladies.

Il écrivit encore une lettre au mois de Sep- Epift. 174 tembre, où il dit : Nous fommes non feulement féparés de tout le refte du monde, mais privés même de la vie. Les habitans du païs font tous payens ; & ceux qui y viennent d'ailleurs en prennent les mœurs n'ayant aucune charité, pas même la compaffion naturelle, qui fe trouve entre les barbares. Il ne nous vient rien que Commem. de dehors, par les barques qui arrivent pour P. 75. D. charger du fel, & je n'ai pû acheter autre chofe, qu'un boiffeau de bled pour quatre fous d'or. J'admire le peu de fenfibilité de tous ceux qui avoient autrefois quelque raport avec moi ; & qui m'ont fi abfolument oublié, qu'ils ne veulent pas feulement favoir fi je fuis encore au monde. J'admire encore plus ceux qui apartiennent à l'églife de S. Pierre, du peu de foin qu'ils ont d'un homme, qui eft de leur corps. Si cette églife n'a point d'argent, elle ne manque pas, Dieu merci, de bled, de vin & d'autres provifions: pour nous doner au moins quelque petit fecours. Avec quelle confcience paroi trons-nous au tribunal de JESUS-CHRIST, nons qui fommes tous formés de la même terre? Quelle crainte a faifi tous les hommes, pour les empêcher d'accomplir les comandemens de Dieu ? Ai-je-paru fi ennemi de toute l'église & d'eux en particulier ? Je prie Dieu toutefois par l'interceffion de faint Pierre, de les conferver inébranlables dans la foi orthodoxe, principalement le pafteur, qui les gouverne à préfent: c'eft-à-dire, le pape Eugene. Pour ce miférable. Philip. 17. corps, le Seigneur en aura foin. Il eft proche, 6. de quoi fuis-je en peine Car j'efpere en fa mi

AN. 655. féricorde, qu'il ne tardera pas

Commem.

p.74. B.

Anaft. in

Mart.

carriere.

terminer ma

Le pape S. Martin ne fut pas fruftré de fon efpérance; car il mourut le jour de fainte Euphemie, feizième du même mois de Septembre, indiction quatorziéme, l'an 655. Il avoit tenu le faint fiége, à compter depuis fon ordination jufques à fa mort, fix ans, un mois & vingt-fix jours. En deux ordinations, au mois de Décembre, il fit onze prêtres & cinq diacres; & d'ailleurs trente-trois évêques. Il fut enterré dans une églife de la Vierge, à une stade de la ville de Cherfone ; & il y eut depuis un grand concours de peuple à fon tombeau. L'églife Grél'honore comme confeffeur le quatorziéme conp 19 E. jour d'Avril, & l'église Latine, comme martyr, Martyr. R. le douziéme de Novembre. On prétend que fes 12. Nov. reliques ont été depuis raportées à Rome, dans l'églife dédiée long-temps auparavant à S. Mar

Epift. Greg.

II. to. 7.

X.

Tolede.

To. 5. conc.

P.394.

que

tin de Tours.

[ocr errors]

y eut vers le même temps deux conciles à Huitiéme Tolede, que l'on compte pour le huitiéme & le concile de neuviéme. Le huitiéme fut tenu dans l'églife des Apôtres, par l'ordre du roi Recefuinte, la cinquiéme année de fon regne, ere 691. c'est-àdire l'an 653. Le roi étoit préfent, & il fit lire un écrit daté du feiziéme de Décembre de la même année, contenant fa profeffion de foi, ou il reçoit les quatre conciles généraux. Enfuite il prie les évêques d'abolir le ferment, que toute la nation avoit fait au quatriéme concile de Tolede, de condamner fans efpérance de pardon, ceux qui auroient confpiré contre le roi ou contre l'état comme étant la fource d'un grand nombre de parjures. Il exhorte les grands, qui étoient préfens au concile, de confentir à ce que les évêques ordoneroient, & de l'exécuter foigneufement.

Sup. liv.
XXXVII. n.

49.

· Les

« AnteriorContinuar »