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AN. 675.

LIV.

Martyre de S. Ai

gulfe.

Vita to. 2. act. Ren. p.656 Sup. liv.

XXXVIII. n. 60.

d'offrir autre chofe au facrifice, que du pain & du vin mêlé d'eau, fuivant la décifion des anciens conciles. Celui-ci fut foufcrit par huit évêques.

On raporte à ce même temps le martyre de S. Aigulfe abbé de Lerins. Il étoit natif de Blois, & avoit eu pour maître dans la vie monaftique, S. Mommol abbé de Fleury fur Loire. Ce fut lui qui y aporta, comme j'ai dit, les reliques de S. Benoît. Le monaftére de Lérins étant tombé dans un grand relâchement, aprés la mort de l'abbé Vincent, les moines demanderent au roi un abbé, pour le réformer. Il leur dona Aigulfe, qui y fut bien reçu, & y travailla utilement: les efprits fe réunirent, les moines qui étoient fortis, revinrent, le peuple fut édifié. Mais deux moines només Arcade & Colomb, prirent en haine le nouvel abbé ; & ayant formé un parti, tenterent de l'affaffiner, & avec lui les plus vertueux du monaftére. Ceux-ci se réfugierent dans l'églife de S. Jean ; & S. Aigulfe ayant représenté aux rebéles la grandeur de leur crime, ils demanderent pardon, & demeurerent un an

en repos.

Mais ils craignirent que le bruit de leur confpiration, n'allât jufques au roi, & qu'il ne les fit punir: c'eft pourquoi Arcade fortit du moraftére, pour chercher de la protection au dehors, & Colomb y demeura pour cabaler au dedans. Arcade voulut rentrer, feignant de fe repentir : mais le faint abbé lui fit fermer la porte. Il eut donc recours à un feigneur voifin nomé Mommol, & lui perfuada d'aller à Lerins, l'affùrant qu'il y trouveroit de grands tréfors: il y fut bien reçu par l'abbé, qui le conoiffoit : un évêque nomé Ouen, fit avertir S. Aigulfe, que l'on conjuroit contre lui. On croit que c'est S. Ouen de Rouen: car il fit le voyage de Rome, la qua

triéme

trieme année du pape Adeodat, qui eft l'an 677. AN. 677. L'avis n'étoit que trop vrai : comme S. Aigulfe étoit à table avec Mommol, Arcade entra bien accompagné, prit l'abbé, le chargea de coups de bâton, & le mit en prifon avec les moines qui lui étoient les plus foûmis.

Le lendemain Arcade les alla voir ; & feignant qu'il n'étoit point l'auteur de cette violence, leur fit aporter manger: mais comme il n'étoit que l'heure de tierce, ils le refuserent, parce qu'il étoit jeûne ; & ils ne devoient manger qu'à none. Mommol, qui s'étoit retiré, revint trois jours aprés ; & demanda à chaque moine, où étoit fon argent. Ils répondirent tous, que l'abbé ne leur permettoit d'avoir rien en propre, pas même leur volonté : il emporta ce qu'il put des biens comuns du monaftére. Aprés que faint Aigulfe & fes difciples, eurent été dix jours en prifon, Arcade & Colomb les mirent dans un vaiffeau, pendant un grand orage, leur firent couper la langue, & crever les yeux, & les revê~ tirent de méchans habits. Enfuite on les mena dans une petite ifle vers la Sardaigne, où on acheva de les maffacrer. Leurs corps furent depuis raportés à Lerins, par les foins de l'abbé Rigomer, fucceffeur de faint Aigulfe: la réforme continua, & le monaftére fut plus peuplé & plus floriffant que jamais. L'église honore faint Martyr, R. Aigulfe, & fes compagnons, comme martyrs, 3. Sept. le troifiéme de Septembre, & le peuple le nome

Laint A you!.

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Agiric prêtre & abbé de S. Martin de Tours LV. étant allé à Rome vifiter les faints lieux, pré- Privilege fenta au pape Adeodat, le privilége que Chro- de S. Mardobert ou Robert archevêque de Tours, avoit accordé à ce monaftére, & en demanda la confirmation. Le pape en fit quelque difficulté, parce que l'églife Romaine n'avoit pas accoûtumé

de

Tours

p.523.

Coïnt, an.

AN, 677. de fouftraire les monaftéres à la conduite de évêques. Mais voyant que ce privilege étoit nonfeulement accordé par l'archevêque, mais fouf crit par plufieurs autres évêques des Gaules, il To. 6. conc. l'autorifa auffi par fes lettres. Il ne contient que les claufes ordinaires en ce temps-là, que l'on voit dans Marculfe: pour conferver aux moines Sup. n. 28. la liberté de vivre fuivant leur régle, fans préju dice du droit de l'évêque diocelain, pour les ordinations. Mais on y voit clairement, que la comunauté établie au fépulcre de faint Martin, étoit un véritable monaftére, où la difcipline étoit en vigueur.

674.n.99.

pe.

LVI. Le pape Adeodat mourut l'an 677. En une Mort d'Aordination, au mois de Decembre, il fit quatorze deodat.. Donus pa prêtres, & deux diacres; & d'ailleurs, quarante fix évêques pour divers lieux. Il fut enterré à Anaftaf. faint Pierre, le vingt-fixiéme de Juin ; & le faint fiége vaqua quatre mois & demi: aprés lefquels on lui dona pour fucceffeur Donus ou Domnus, Romain de naiffance, fils de Maurice, qui tint le fiége un an, cinq mois & fix jours. Il fit paver de grandes piéces de marbre, la cour qui étoit devant l'églife de S. Pierre, environée de quatre galeries. Il répara auffi l'églife des apôtres, fur le chemin d'Oftie, & la dédia, auffi-bien que celle de fainte Euphemie, en la voye Appienne. Il trouva à Rome, dans le monaftére nomé de Boëce des moines Syriens, Neftoriens, qu'il diftribua en divers monaftéres ; & mit à leur place des moines Romains. De fon temps l'églife de Ravenne, qui s'étoit féparée de l'églife Romaine, fe prétendant indépendante, revint à l'obéïs fance du faint fiége; & l'évêqne Reparat mourut auffi-tôt. A C P. le patriarche Jean étant mort la même année 677. Conftantin diacre, trésorier & œconome, lui succéda,& tint le fiége un an & huit mois,

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LVII.

En France, les troubles continuoient. Ebroïn AN. 677. voyant Leudefie reconnu maire du palais en S. Leger Neuftrie, ne le put fouffrir. Il quitta l'habit perfécuté monaftique, reprit fa femme, amaffa des trou

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Act. Ben

p. 686

pes, & marcha contre le roi Theodoric. Il Vita fan furprit Leudefie, fous prétexte d'une conféren- Lead, per & le fit tuer: puis il s'affocia avec deux Anon.to. - évêques déposés pour leurs crimes, Defiré furnomé Diddon, de Challon fur Saone, & Abbon C& ou Bobon de Valence. Ils firent paroître de concert un prétendu fils du roi Clotaire III. qu'ils nomerent Clovis ; publiant que Thierri étoit mort: & fous prétexte de le faire reconoître Ebroïn marcha en Neuftrie, & envoya en Bourgogne les deux évêques, avec Vaimer duc de Champagne. Ils marcherent à Autun, pour prendre faint Leger, qui y travailloit à rétablir fon peuple, aprés les défordres que fon abfence avoit caufés. Ses amis & fon clergé lui confeillerent de fe retirer, & d'emporter avec lui les tréfors qu'il avoit amafés: pour détourner les ennemis, en leur faifant perdre l'eípérance d'en profiter. Mais il leur dit A quoi bon traîner avec moi honteufement ce que je n'empor terai pas au ciel Il vaut mieux le doner aux pauvres. Il fit donc tirer fa vaiffelle d'argent qui étoit nombreuse, & la fit mettre en piéces à coups de marteau, pour la diftribuer par les mains de perfones fidéles, réfervant ce qui étoit à l'ufage des églifes ; & cet argent fervit au foulagement de plufieurs monaftéres d'hommes & de filles. Enfuite il ordona un jeûne de trois jours, & une proceffion générale, où l'on portoit la croix & les reliques des faints autour des murailles de la ville à chaque porte, il fe profternoit, & demandoit à Dieu avec larmes, que s'il l'apelloit au martyre, il ne permît pas que fon troupeau fût réduit en captivité. La

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crainte

AN. 677. crainte des ennemis avoit fait accourir le peuple de toutes parts dans la ville, dont on avoit fermé les portes, & mis tout en état de défense. Alors le faint évêque apella tout le monde à l'églife, & demanda pardon à ceux qu'il pouvoit avoir offenfes, par des réprimandes trop vives.

Peu de temps aprés, les ennemis approcherent. Ceux de la ville firent une vigoureuse défenfe, & l'on combatit jufques au foir. Mais faint Leger voyant le peril où ils s'expofoient, leur dit: Ne combattés pas davantage; fi c'eft pour moi qu'ils font venus, je fuis prêt à les fatisfaire: envoyons un de nos freres fçavoir ce qu'ils demandent. Un abbé nomé Meroalde, fortit, & s'adreffa à Diddon: qui répondit, qu'ils ne cefferoient d'attaquer la ville, fi on ne leur livroit Leger, & s'il ne promettoit fidélité au roi Clovis: affùrant avec ferment Theodoric étoit que > mort. Saint Leger ayant apris cette réponse, déclara publiquement, qu'il fouffriroit plûtôt la mort, que de manquer de fidélité à fon prince; & comme les ennemis preffoient la ville par le fer & par le feu, il dit adieu à tous les freres; & aprés avoir pris la fainte comunion, il marcha hardiment vers la porte, la fit ouvrir, & s'offrit aux ennemis. Ils lui firent arracher les yeux : : ce qu'il fouffrit fans fe laiffer lier les mains, & fans pouffer aucun gémiffement; ne faifant cependant que chanter des pfeaumes. Vaimer & Diddon donerent à Bobon l'évêché d'Autun, pour le récompenser de Valence, dont il avoit été chaffé; & le peuple le reçut, pour éviter la captivité. Ainfi on n'emmena perfone: mais on prit cinq mille fous d'or de l'argent de l'église, outre ce que donerent les citoyens.

Vaimer emmena S. Leger chés lui en Champagne. Diddon & Bobon marcherent avec Adal

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