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gonde; aprés lequel elle mourut le mercredi treiziéme d'Août, la douzième année du roi Childebert, qui eft l'an 587. L'église honore fa mémoire le même jour.

Elle fut enterrée trois jours aprés par Gregoire de Tours, qui fe rendit à Poitiers fur la nouvelle de fa mort, & la trouva dans le cercueil environée de ses religieufes au nombre d'environ deux cens: entre lefquelles il y avoit ron feulement des filles de fenateurs, mais des princeffes du fang royal, Comme elles fe lamentoient, il se tourna vers l'abbeffe, & dit: Interrompés un peu ces plaintes, pour penfer à ce qui eft nécessaire. Nôtre frere Merouée eft occupé loin d'ici à vifiter fon diocéfe: ne différés -pas d'enfevelir ce corps, tandis qu'il eft encore entier. Que feronsnous, dit l'abbeffe, puifque le lieu où elle doit être enterrée, n'a pas encore été confacré par la bénédiction de l'évêque ? Alors les citoyens & les autres perfones puiffantes qui s'étoient affemblées pour ces funérailles, dirent à Gregoire, Confiésyous en la charité de vôtre frere, & béniffés cet autel: nous fommes perfuadés qu'il ne le trouvera pas mauvais. Gregoire les crut, & confacra un autel dans l'églife de fainte Marie, où elle de voit être enterrée, & qui eft aujourd'hui l'églife collegiale de fainte Radegonde. On enleva donc le corps hors du monaftéré : & les religieufes n'en pouvant fortir, fe mirent fur les murs & fur les tours, où elles continuoient leurs gémiffemens & leurs plaintes, en forte que l'on n'entendoit pas la pfalmodie. Le corps étoit embaumé & enfermé dans un cercueil de bois. On le mit dans la foffe & Gregoire aprés avoir fait la prière, fe retira fans couvrir le fepulcre : réfervant à Merouée évêque de Poitiers de le faire, aprés y avoir célébré la messe. Un aveugle fut guéri à cet enterrement, comme raporte la religieufe Baudo

A iiij

AN. 590.

Baudon.
n. 26. to..

. . Ben. p. 333.

Martyr. R. 13. Aug. De glor. conf. c. 106.

nivie,

AN. 590. nivie, qui étoit préfente, & qui a écrit la vie de la Sainte; & il fe fit plufieurs autres miracles à fon tombeau.

Greg. IX. hifi.. 40.

V.

Chrodiel

de.

Aprés la mort de fainte Radegonde, l'abbeffe pria encore l'évêque Merouée, comme la Sainte avoit fait, de la prendre fous fa conduite. It voulut d'abord le refuser: mais enfuite ayant pris confeil, il promit d'étre le pere de ces religieufes, & de les défendre au befoin. Et comme ca monaftére étoit fous la protection particuliére du prince il alla trouver le roi Childebert, & en obtint des lettres, qui lui permettoient d'y exercer la même autorité que fur les autres églifes de fon diocéfe. L'abbeffe Agnés mourut peu temps aprés, & Leuboüere lui fuccéda.

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de

Il fe forma contre elle une faction violente; Révolte de Chrodielde fille du roi Cherebert fit jurer à plufieurs autres religieufes d'accufer Leuboüere de plufieurs crimes, afin de la chaffer du monaftére, & de la faire abbeffe elle-même. Elle attira à fon parti fa coufine Bafile fille du roi Chilperic, & fortit du monaftére avec quarante filles ou plus en difant: Je vais trouver les rois mes parens pour leur faire conoître la honte que nous fouf frons. On nous traite non pas en filles de rois; mais en filles de malheureufes efclaves. L'évêque Merouée s'efforça de les retenir : mais fans écouter fes remontrances, elles rompirent les ferrures & les portes, & fortirent du monaftére. C'étoit vers la fin de Fevrier, l'an 589. par un tresmauvais temps & de grandes pluyes, qui avoient rompu les chemins : toutefois elles marchoient à pied, fans avoir un feul cheval, & perfone ne leur donoit à manger fur le chemin.

Greg, X. hift. c. 16.

Le premier jour de Mars elles arriverent à Tours hors d'haleine & épuifées de fatigue ; & Chrodielde s'adreffant à Gregoire, lui dit: Je vous fuplic, faint évêque, de vouloir bien garder

&

& nourrir ces filles que l'abbeffe de Poitiers a AN. 190. tres-maltraitées, pendant que j'irai trouver les rois nos parens, pour leur expofer ce que nous fouffrons. Gregoire répondit: Si l'abbefle a failli & contrevenu à la regle, allons trouver nôtre frere Merouée, pour la corriger enfemble, & vous remettre dans vôtre monaftére aprés y avoir rétabli le bon ordre: afin de ne pas diffiper indignement ce que fainte Radegonde a affemblé par fes jeûnes, fes priéres & fes aumônes. Non, dit Chrodielde, nous irons trouver les rois. Gregoire lui répondit : Pourquoi n'écoutés-vous pas mon avis? Je crains que les évêques ne vous excomunient d'un comun confentement, fuivant la lettre qu'ils écrivirent à fainte Radegonde, lors de la fondation de ce monaftére ; & il leur en fit la lecture. C'étoit la lettre du fecond concile de Sup. liv. Tours tenu en 566.

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Chrodielde perfifta toûjours à vouloir aller Greg. IX. vers les rois fes parens : fe plaignant même de . 40. l'évêque de Poitiers, & difant que ce trouble étoit arrivé par fa faute. Gregoire voyant l'opiniâtreté de ces filles, leur dit: Vous ne voulés pas entendre raison, & ne pouvés éviter le blâme: mais du moins laiffés paffer l'hiver, & quand le temps fera plus beau, vous irés où il vous plaira. Elles crurent ce confeil; & l'été fuivant Chrodielde ayant laiffé à Tours les autres religieufes avec Bafine, alla trouver le roi Gontran. Il la reçut bien, lui fit des préfens, & ordona une affemblée d'évêques, pour prendre conoiffance du differend de ces religieufes avec leur abbeffe. Chrodielde revint à Tours les attendre: mais pendant fon voyage, plufieurs de ces religieuses fugitives fe laifferent feduire, & fe marierent. Comme les évêques ne venoient point, Chrodielde & fes compagnes retournerent à Poitiers & ayant affemblé une troupe de voleurs, de

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AN. 590%

meurtriers, de débauchés & d'autres fcélérats, elles fe fortifierent dans l'églife de S. Hilaire, difant: Nous fommes des princeffes, & nous ne retournerons point au monaftére que l'abbeffe cap. 41. n'en foit dehors. Alors par ordre des rois, Gondegifile archevêque de Bourdeaux & métropolitain de la province, vint à Poitiers, avec deux de fes fuffragans, Nicaife d'Angoulême & Saffarius de Perigueux ; & fe joignant avec Merouée de Poitiers, ils vinrent à S. Hilaire, & exhorterent ces filles à retourner au monaftére, pour faire examiner leur caufe. Comme elles réfiftoient opiniâtrément, les évêques leur dénoncerent l'excomunication, fuivant la lettre du concile de Tours. Mais les féditieux que ces filles avoient affemblés, entrerent avec des bâtons dans l'églife de S. Hilaire, donerent tant de coups aux évêques, qu'ils tomberent fur le pavé, & pûrent à peine fe relever : mirent en fang les diacres & les autres clercs, & cafferent la tête à quelques-uns. Les évêques & leur fuite furent tellement épouvantés, que fans fe dire adieu, ils s'enfuirent chacun de leur côté.

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par

: Enfuite Chrodielde envoya des gens pour adminiftrer les terres du monaftére, fe faifant obeïr les ferviteurs à force de coups, & menaçant, fi elle pouvoit entrer au monaftére, de jetter l'abbeffe par-deffus les murailles. Le roi Childebert l'ayant apris , envoya un ordre à Maccon, qui étoit comte de Poitiers, de réprimer ces violences ; & l'archevêque Gondegifile écrivit, tant en fon nom, que des évêques qui l'accompagnoient à Poitiers, à dix évêques affemblés avec le roi Gontran: dont les trois premiers étoient Etherius de Lion, Syagrius d'Autun & Aunacaire d'Auxerre: pour leur doner avis de l'excomunication qu'ils avoient prononcée contre ces religieufes rebelles. Les dix évê

ques

ques témoignerent par leur réponse, qu'ils a- AN, 590. prouvoient ce que leurs confreres avoient fait : en attendant le concile qui fe devoit tenir le pre→ mier jour de Novembre, & où l'on examineroit le reméde que l'on pourroit aporter à ces désordres. Cependant ils les exhortent à prier pour ces pauvres égarées. L'abbeffe de fon côté envoya aux évêques voifins des copies du teftament de fainte Radegonde.

Enfuite Merouée évêque de Poitiers, touché 43. des reproches que les religieufes rebelles lui fai foient, envoya Porcaire abbé de S. Hilaire à Gondegifile évêque de Bourdeaux & à fes comprovinciaux, pour le prier de lever l'excomunication, afin qu'elles puffent fe préfenter pour être ouïes: mais il ne put l'obtenir, & un prêtre envoyé par le roi Childebert, tenta la même chose inutilement. La rigueur de l'hiver obligea les religieufes rebelles à fe feparer. Quelques-unes fe retirerent chés leurs parens ; d'autres dans leurs maifons particuliéres ; d'autres dans les monaftéres où elles avoient été auparavant. Il en de→ meura peu avec Chrodielde & Bafine, encore étoient-elles divifées : car Chrodielde vouloit être la maîtreffe, & Bafine fe fentant princeffe comme elle, ne vouloit pas lui obéïr.

L'année fuivante 590. Chrodielde toûjours VI. environée de cette troupe de fcélérats, leur co- Violences manda d'entrer de nuit dans le monaftére de contre fainte Croix, & d'en tirer l'abbeffe Leubouere. l'abbeffe. Celle-ci entendant le bruit qu'ils faifoient en arri- hift. 6. 15. Greg. X. vant, & ne pouvant marcher, parce qu'elle avoit la goute, fe fit porter dans l'églife devant la châffe de la fainte Croix. Les hommes étant entrés avec un flambeau & des armes, la cherchoient de tous côtés ; & l'ayant trouvée, un' d'eux lui voulut doner un grand coup d'épée : mais il fut frapé d'un coûteau par un autre

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Lomba

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