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& n'épargnoient rien pour y parvenir. Un méde cin flateur, intéreffé, ou pareffeux, fe contente de doner des remédes palliatifs, qui apaifent la douleur dans le moment, fans fatiguer le malade, Il ne fe met pas en peine s'il retombe fréquem ment, & s'il mene une vie languiffante & méprifable: pourvû qu'il foit bien payé, fans fe doner beaucoup de peine : & qu'il contente les malades, dans le moment qu'il les void. Un vrai médecin aime mieux n'en traiter qu'un petit nombre & les guérir. Il examine tous les accidens de la maladie; en aprofondir les caufes & les effets; & ne craint point de preferire au malade le régime le plus exact & les remédes les plus douloureux quand il les juge propres, pour tarir la fource du mal. Il abandone le malade indocile, qui ne veut pas fe foumettre à ce qui eft néceffaire

guérir.

pour

Ainfi nos faints évêques n'accordoient la pénitence, qu'à ceux qui la demandoient, & qui témoignoient vouloir fincerement fe convertir. On n'y forçoit perfone; mais ceux qui ne s'y Maursche foumettoient pas, étant convaincus de quelque n. 24. 25. péché fcandaleux, étoient exclus de la comunion des fidéles. Quant à ceux qui embraffoient la pénitence, les pafteurs les conduifoient, fuivant les régles, qu'ils avoient reçues de leurs peres; & qu'ils s'apliquoient avec un grand foin & une grande difcrétion, felon les befoin de chacun: excitant la tiédeur des uns, retenant le zele indifcret des autres; les faifant avancer ou reculer, felon leur progrés effectif; enfin prenant toutes les précautions poffibles, pour s'affurer de leur converfion, & les préferver des rechûtes. Que tout homme véritablement chrétien juge en la confcience, fi cette conduite étoit cruelle ou charitable. Auffi ne s'en plaignoit-on point & vous n'avés vû jusques ici aucune plainte

dans

IX. Douceur

Hift. liv.

XX. n. 22.
Liv. XXII.

1. 47. Liv.xx.11. 1. 19. 30.

59.

dans les conciles, finon qu'en quelques églifes, la pénitence començoit à fe relâcher: ce que l'on regarde toûjours comme un abus. Vous ver– rés dans la fuite, qu'il s'eft toûjours augmenté; d'un côté par la dureté & l'indocilité des peuples barbares, & de l'autre par l'ignorance & la foibleffe des pafteurs.

Au refte l'efprit de l'églife étoit tellement T'efprit de douceur & de charité, qu'elle empêde l'églife. choit, autant qu'il étoit poffible, la mort des criminels, & même de fes plus cruels ennemis. Vous avés vû comme on fauva la vie aux meurtriers des martyrs d'Anaune ; & quels efforts fit faint Auguftin, pour garantir de la rigueur des loix les Donatiftes, qui avoient exerce tant de cruautés contre les Catholiques. Vous avés vû combien l'églife détefta le zéle indifcret de ces évêques, qui avoient pourfuivi la mort de l'héréfiarque Prifcillien. En général l'église sauvoit la vie à tous les criminels, autant qu'il étoit poffible: :: pour procurer leur converfion, & les amener au baptême ou à la pénitence. Saint Auguftin rend raifon de cette conduite dans la lettre à Macedonius ; où l'on voit que l'églife défiroit, qu'il n'y eût en cette vie, que des peines médecinales: 153. al. 54. pour détruire, non l'homme, mais le péché, & préferver le pécheur du fuplice éternel; qui eft fans reméde. Cette conduite rendoit l'église aimable même aux payens.

Liv. XXII.

2. 32. ep.

V. inftitut. au droit ecdef. 3.p.

f. 20, 21.

Les faints évêques qui ufoient envers les particuliers, de la févérité qui a été marquée; n'employoient aucune peine contre la multitude, ou contre les particuliers affés puiflans, pour former un parti. C'eft qu'ils ne vouloient employer les cenfures , que quand elles pouvoient avoir leur effet, pour la correction des pécheurs ; non quand il étoit vrai-femblable, qu'elles feroient méprifées, qu'elles aigriroient le mal, & portes

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de

. conf.

Parm. 6.14.

15.

Epift. 12. al. 64.

roient les pécheurs à la révolte & au fchifme. Vous l'avés pû aprendre de faint Augustin, par- Hift. liv. ticulierement quand il combat les Donatiftes. Et xx. n. 46. à une autre occafion, il dit, qu'avec la multitude, il faut ufer d'inftructions, plutôt que comandemens ; d'avertiffemens, plutôt que de menaces, & employer la fevérité contre les péchés des particuliers. Nous avons vu que, ni l'empereur Conftantius, ni l'empereur Valens, quoique perfécuteurs des Catholiques, n'ont jamais été excomuniés, ni exclus de l'églife: au contraire, faint Bafile a reçu l'offrande de Valens. Il eft vrai que faint Ambroife a refufè l'entrée de l'eglife à Theodofe : mais conoiffant fa docilité & fa religion, il voyoit combien cette peine lui feroit falutaire, & fon exemple utile à toute l'églife.

Hift. liv. xvi. 4"

Liv. X17

13.21.

Ces faints évêques évitoient d'irriter inutilement les princes & les magiftrats: mais ils ne les flatoient point, & ne croyoient pas que la religion cût befoin d'être apuyée par la puiflance Temporelle. Je ne vous citerai pas là-deffus Lucifer Hit liv. de Caillari; vous diriés peut-être, que c'étoit X.v. n 18. un homme exceffif: mais je vous renvoyerai à Liv. XVI.. ce que difoit faint Hilaire, contre la lâcheté des évéques de fon temps. C'étoit les hérétiques & les fchifmatiques, qui fentant leur foiblefle, & n'agifiant que par paffion, s'apuyoient du bras de la chair, & ufoient de toute forte d'indulgen- Prefeript. ce, pour retenir leurs fectateurs, comme leur c. 41 reproche Tertullien,

Ce peu que j'ai relevé de l'ancienne difcipline,

. 3.

Hilar.cont

Aux.

X.

eft pour vous ouvrir le chemin, & vous inviter Difcipline à confidérer attentivement tout le refte. J'elpére en général. que vous ý verrés par tout l'efprit de Dieu, & que vous conviendrés, que dés-lors il ne manquoit rien au bon gouvernement de l'églife. Non, fans doute, les apôtres en la fondant, n'ont pas

Tome VIII.

onis

omis de lui doner des régles de pratique, autant pour la conduite de tout le corps, que pour les mœurs des particuliers: & ces régles n'étoient ni imparfaites, ni impratiquables; mais telles précisément qu'il falloit, pour amener les hom→ mes à la perfection de l'évangile; les uns plus les autres moins, felon les diverfes mefures de grace. Ces régles n'étoient pas imparfaites puifque la religion Chrétienne étant l'ouvrage de Dieu, a eu d'abord toute fa perfection. Če n'eft pas comme les inventions humaines, qui ont leurs comencemens, leur progrés, leur dé cadence : Dieu n'acquiert ni conoiffance, ni puiffance par le temps. Je vous ai fait connoître, dit le Sauveur, tout ce que j'ai apris de mon Pere, Joan xv.15, Et parlant du Saint-Elprit: Il vous enseignera toute vérité. Et pour montrer qu'il ne s'agit pas feulement des dogmes, il dit encore : Allés, inftruifés toutes les nations, leur enseignant d'observer tout ce que je vous ai ordoné. Tout eft donc également établi d'abord, tout ce qui étoit utile aux hommes pour la pratique, aussibien que pour la créance.

XVI. 13.

Matth. XXVIII.20.

Il est vrai que la difcipline n'a pas été fi-tôt écrite, excepté le peu qui en eft marqué dans le nouveau teftament. C'étoit une des regles de la difcipline, de ne pas écrire, & de la garder par une tradition fecrete entre les évêques & les prêtres principalement ce qui regardoit l'adH. liv. miniftration des facremens, Et c'est mieux pour xx.1.2.32. conferver ce fecret, que les évêques ne cons Innoc. 1. fioient qu'à des clercs leurs lettres eccléfiaftiepift. 1. ad Decent.c.;. ques. Auffi quand les anciens parlent d'obferver Cyprep.29. les canons, il ne faut pas nous imaginer, qu'ils Hift. liv. ne parlent que de ceux qui étoient écrits: iis Vi.. 44. parlent de tout ce qui fe pratiquoit, par une tradition conftante. Car on doit croire, fuivant la maxine de faint Auguftin, que ce que l'églife a

obfer

al. 118.

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obfervé de tout temps & en tous lieux, eft de la tradition apoftolique. En effet, de quelle autre Aug. ep ft. fource feroient venues ces pratiques univerfelles, 54. ad Jin. comme la vénération des reliques, la priere pour Hift. liv. les morts, l'obfervation du carême ? Comment tant de nations fi éloignées en feroient-elles convenuës, fi elles ne les avoient reçuës des apôtres, inftruits par le même maître ? Auffi voyons nous que les plus anciens conciles ne parlent point de regler de nouveau, ce qui ne l'eft pas encore: mais feulement de conferver les anciennes régles. Ils ne fe plaignent jamais de l'imperfection de la difcipline, mais de ce qu'elle n'eft pas obfervée.

Oui, dirés-vous elle étoit parfaite; mais elle l'étoit trop : l'humanité n'a pu porter longtemps une fi haute perfection ; il a fallu fe réduire à une difcipline, moins belle en spéculation, mais plus proportionée à nôtre foiblesse Je répons premierement en hiftorien, par les faits. Je vous ai fait voir cette difcipline, déja pratiquée pendant pluheurs fiecles, & vous la verrés durer encore plufieurs autres. Ce qui se pratique pendant un fi long temps, en tant de divers pais, doit affurément paffer pour pratiquable. Vous verrés dans la fuite de l'hiftoire, comment cette difcipline a changé: fi c'eft de propos déliberé, par bon confeil, aprés avoir bien pefé toutes les raifons de part & d'autre, par des loix nouvelles, des abrogations expreffes: ou par un ufage infenfible, par ignorance, par négligence, par foiblefle ; par une corruption générale, à laquelle les fuperieurs mêmes ont cru devoir ceder pour un temps. En attendant, je vous prie de pefer les confequences de vôtre distinction : entre ce qui eft beau dans la spéculation, & ce qui eft poffible dans la pratique. Le faux n'eft jamais beau: or les regles de mo

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