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Hift. liv.

xx11, n. 48.

Hebraïque. Mais il faut confiderer, quels étoient les docteurs de l'églife: des pafteurs tres-occupés, à inftruire, à corriger, à juger des differends, à aflifter des pauvres. Voyés comme faint Augustin gémit fous le poids de fes occupations. En cet accablement, s'il avoit quelque peu de relâche, il l'employoit plutôt à la priere ou à la méditation de l'écriture, qu'à étudier des langues, ou conferer des exemplaires pour reftituer un paffage obfcur. Ces travaux convenoient mieux à un folitaire comme faint Jerôme. Outre que les faints n'étudioient, ni pour fatisfaire leur curiofité naturelle, ni pour s'attirer l'admirations qu'excite dans les ignorans la conoiffance des chofes rares. Ils étoient bien au-deffus de ces puerilités. Voyés entre autres la lettre de faint Au guftin à Diofcore.

Que fi nous cherchons ce qui mérite propre ment le nom de fcience, ou en trouverons-nous plus que chés les peres? Je dis de cette vraye philofophie, qui fe fervant d'une exacte dialectique, remonte par la métaphyfique, jufques aux premiers principes, & à la conoiffance du vrai bon & du vrai beau; pour en tirer par des confequences fûres, les regles des mesurs, & rendre les hommes fermes dans la vertu, & heufeux, autant qu'ils en font capables. Qu'y a-t-il en ce genre de comparable à faint Auguftin? Quel efprit plus élevé, plus pénétrant, plus fuivi, plus modéré ? Quelqu'un a-t-il pofe des principes plus clairs, ou tire plus de confequences, & mieux fuivies Quelqu'un a-t-il des penfées plus fublimes ou des reflexions plus fubtiles? Qui ne l'admire pas, ne lui ôte rien ; mais il fe fait tort à lui-même, en montrant qu'il n'a pas l'idée de la véritable science. Entre les Grecs, vous verrés cette même philofophie fubtile, fublime & folide dans les livres de faint Bafile contre Eunomius,

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dans quelques lettres, où il réfute les fophifmes d'Aëtius: dans les difcours de faint Gregoire de Nazianze fur la theologie: dans les traités de faint Athanafe, contre les payens & les Ariens. Ceux qui ont un peu confidéré la difference des climats, ne s'étoneront pas qu'il fe trouvât de fi grands efprits en Afrique, en Grèce, en Egypte & en Syrie.

Pour la methode, les anciens ne la décou vroient point fans befoin, & la diverfifioient fuivant les fujets. Car ils n'écrivoient que dans l'occafion, pour répondre à quelqu'un qui demandoit inftruction, ou réfuter quelque hérétique. Ainfi ils ne fuivoient pas d'ordinaire la méthode geometrique, qui ne s'attache qu'à l'ordre des vérités en elles-mêmes: mais la méthode dialectique, qui s'accomode aux difpofitions de celui à qui on parle, & qui eft le fonds de la véritable éloquence. Car elle travaille à ôter les obftacles, que les paffions ou les préjugés ont mis dans l'efprit de l'auditeur: puis ayant nettoyé la place, elle y trace la vérité, profitant de ce qu'il connoît, & dont il convient, pour l'amener à ce qu'on veut lui perfuader. C'eft cette méthode, dont Platon nous a doné de fi parfaits modeles.

XVI.

des peres,

v. Maurs

Aprés cela il ne faut pas s'imaginer, que les Eloquence peres en foient moins éloquens, pour ne pas parler le Grec & le Latin auffi purement que les anciens orateurs. Saint Paul parlant un Grec de mi barbare, ne laifle pas de prouver, de Hift. liv.

con

vaincre, d'émouvoir, d'être terrible, aimable, tendre, vehement. Il faut bien diftinguer l'éloquence de l'élocution, qui n'en eft que l'écorce. Quelque langue que l'on parle, & quelque mal qu'on la parle, on fera éloquent, fi l'on fçait choifir les meilleures raifons, & les bien arranger: fi l'on employe des images vives & des figu

Chr. n. 40.

1. n. 454

Hi. liv. XIX. n. 12.

res convenables. Le difcours ne fera pas moins perfuafif, mais feulement moins agréable. Il ne faut pas comparer les peres, fi l'on veut leur faire juftice, a Demofthene & à Ciceron, qui ont vêcu tant de fiecles auparavant. Il faut les comparer à ceux qui ont excellé de leur temps: faint Ambroise à Symmaque, faint Bafile à Libanius. Quelle difference vous y trouverés! que faint Bafile eft folide & naturel ! que Libanius eft vain, affecté, puerile!

Il est vrai que faint Chryfoftome n'est pas fi ferré que Demofthene, & il montre plus fon art mais dans le fonds, fa conduite n'eft pas moindre. Il fçait juger quand il faut parler, ou fe taire, de quoi il faut parler, & quels mouvemens il faut apaifer ou exciter: voyés comme il agit dans l'affaire des ftatues. Il demeure d'abord fept jours en filence, pendant le premier, mouvement de la fedition ; & interrompt la fuite de fes homelies à l'arrivée des comiffaires de l'empereur. Quand il comence à parler, il ne fait que compatir à la douleur de ce peuple affligé ; & attend quelques jours, pour reprendre l'explication ordinaire de l'écriture. Voilà en quoi confifte le grand art de l'orateur, & non pas à faire une transition délicate, ou une profopopée. Hift. liv. Ainfi, quand faint Auguftin voulut abolir les agapes, dont on abufoit, il fit pendant deuxjours de fuite plufieurs fermons, & crut n'avoir rien fait, tant qu'il n'eut que des aplaudiffemens : il comença à bien efperer, quand il vit couler des larmes, & ne cella point qu'il n'eut obtenu ce qu'il défiroit. Ainfi faint Ambroife perfecuté par Juftine, confole fon peuple, l'en-, courage, le retient dans le devoir. Il fçait proportioner fon difcours au fujet, au temps', à la difpofition de l'auditeur.

XX. n. II.

ep.29.

Hift. liv.

XVIII. n.43.

44. C.

Les anciens ont défini l'orateur, un homme

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de bien qui fait parler. En effet, la confiance fait
la moitié de la perfuafion; celui qui pafle pour
méchant & artificieux, n'eft pas écouté, on fe
défie de celui qu'on ne conoît pas pour écouter
volontiers, il faut croire celui qui parle égale
ment inftruit & bien intentioné. Après cela, que
ne devoient point perfuader des évêques, d'une
vertu éprouvée, d'une capacité fi connue,
f i
d'une telle autorité? Ils n'avoient qu'à ouvrir la
bouche, qu'à fe montrer. Et qui pouvoit leur
refifter, quand à cette autorité ils joignoient une
aplication continuelle aux befoins de leur trou-
peau, & une induftrie finguliere pour gagner les

ເມ

cœurs?

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étudier

Nous devons donc à Dieu des actions de gra- XVII. ces infinies, de nous avoir confervé ce précieux qu'il faut tréfor ; ces écrits des peres, où nous trouvons le fonds de la doctrine, la maniere de l'enfei- l'antiquité. gner, les régles & les exemples de la difcipline & des mœurs. N'eftt-ce pas un miracle de la providence, que tant d'écrits foient venus jufques à nous, au travers de treize ou quatorze fiécles aprés tant d'inondations de peuples barbares, tant de pillages & d'incendies; malgrés la fureur des infideles, la malice des hérétiques, l'ignorance & la corruption des cinq ou fix derniers fiécles? N'est-ce pas cette providence, qui depuis prés de trois cens ans, a excité tant de perfonages pieux, ou curieux à rechercher tous les reftes de cette fainte antiquité, & à étudier les langues mortes? qui a fait trouver aux Grecs oprimés par les Turcs, des asyles favorables en Italie & en France ? & qui en même temps a fait inventer l'Imprimerie, pour conferver à jamais tant de livres fauvés du naufrage?

Ne doutons pas que Dieu ne nous demande un compte exact de ce talent: particulierement à nous autres eccléfiaftiques. L'étude de cette fain

te

1

I

te antiquité, doit être l'occupation de notre loi-
Air, ou des intervalles de notre travail. Je fai ce
qui en détourne ordinairement: on la croid infi-
nie, & on n'eft pas affés perfuadé qu'elle foit uti
le. On croid donc gagner du temps, en lifant quel-
que auteur moderne, qui ait recueilli en abrégé
fur la lecture des anciens, ce qui eft le plus d'ufa-

ge
felon nos mœurs. Mais ne vous y trompés pas,
aucun de ces modernes ne vous fera conoître l'an-
tiquité comme elle eft : chacun, même fans y
penfer, y ajoûte du fien, & y mêle les préjugés
de fon païs & de fon temps: fans compter que
plufieurs des modernes les plus eftimés, n'ont pas
eux-mêmes affés connu l'antiquité. De plus leurs
ouvrages font remplis de grand nombre de divi-
fions & de queftions fcolaftiques, qui ne nous
aprennent point le fonds de ces chofes. Et quant
a ce que l'on dit, qu'il fe faut conformer à l'usa-
ge préfent: cela eft vrai, pour les pratiques ex
pofées aux yeux du public, comme les cérémo-
nies du fervice divin, & les formalités judiciaires :
mais chaque particulier peut & doit s'efforcer de
mieux vivre , que le comun: autrement il fau

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aron marcher dans le torrent de la corruption générale. Il en eft de même des études; & las re former le public, chacun peut fuivre la méthode qui lui paroît la meilleure.

pas

Mais fi nous voulons fonder le fonds de nôtre cœur : nous craignons l'antiquité, parce qu'elle nous propofe une perfection, que nous ne vou→ lons imiter. Nous difons qu'elle n'eft pas pratiquable, parce que fi elle l'étoit, nous aurions tort d'en être féloignés nous détournons les yeux des maximes & des exemples des faints parce que c'eft un reproche continuel à nôtre lâcheté. Mais qu'y gagnerons-nous ces vérités & ees exemples ne feront pas moins, foit que nous penfions ou non : & il ne nous fervira de rien de

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les

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