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Homme qui les donnoit auffi facilement, que l'autre,donnoit des embraffades, il en ouvre un & le répand fur la table pour le compter: vous vous mocqués de thoi, s'é erie le petit Confeiller, a-ton jamais compté après Monfieur Franchard:donnés moi une plume que je vous faffe non billet. Votre mere m'en fera un tantôt, dit froide. ment Franchard, vous êtes trop jeune pour figner, empèrtés toujours, nous fouperons ce foir enfemble. Deux grands Laquais s'avancent, prennent les facs, & le jeune homine s'en va courant & capriolant come me il étoit entré.

Je ne reconduis point les jeunes étourdis, s'écrie Franchard, je n'ai pas affez de jam. be's pour les fuivre. Enfuite fetournant vers l'Agioteur : l'occafion eft heureuse pour vous, je lui ferai prendre vos billets de Monhofe à trente-deux pouf cènt; c'eft trois de gain pour vous. Je veux bien faire ce plaifir à mon hôteffe aux dépens d'un jeuné fou qui jetté l'argent par les fenêtres; ça voïons vos billets. Pendant que l'Agioteur les tire de fa poche en faifant mille remerciemens, Franchard arrange plufieurs facs fur une autre table, en prend

un qu'il renverse fur le comptoir; comptés, dit-il, à l'Agioteur, je vais examiner vos billets. L'Agioteur compte, & Franchard prend la liaffe. Pendant qu'il la feüilletoit fans la délier, notre jeune étourdi rentre avec une Dame venerable qu'il tenoit fur le poing, & riant de toute fa force, conte àFranchard comme une chofe fort plaifante que fa mere qui n'avoit pas voulu monter la premiere fois de peur de le déranger, venoit par excès d'éxactitude lui faire fon billet. Franchard court au devant d'elle, fe fâche de cette exactitude offençante pour lui, jure qu'il ne recevera le billet qu'en lui donnant à fouper. La Dame venerable cede de peur de le fâcher, & regagne fon Caroffe, où Franchard, plus ceremonieux avec les Dames qu'avec les jeunes étourdis, voulut abfolument la reconduire. Il la fuit tenant toujours à la main la liaffe de billets, & l'Agioteur refte fans fe défier de rien; il compte toujours fon fac pour gagner du tems; mais il n'ofa pas toucher aux autres qu'en préfence de Franchard, très-fâché même d'avoir trouvé deux écus de manque dans le fac ; car l'aïant compté fans témoins, il prenoit déja la résolution

de perdre deux écus par politeffe ; il s'affit, & attendit fort tranquillement pendant un quart-d'heure ; c'eft le moins que puiffent durer les compliments d'une femme à qui on prête de l'argent.

Voïons cependant fi nos filoux munis des quinze mille francs en billets, font montés en Caroffe: non, ils s'efquiventplus finement; ils laiffent le Caroffe de louage à la porte, & Franchard feignant. d'accompagner la Dame jufques chez un Notaire voifin, la fuit à pied jufques dans. une rue tournante où un autre Caroffe. les attendóit, & touche Cocher, voilà les quinze mille francs partis.

Imaginės-vous l'impatience inquiete de l'Agioteur & de l'hôteffe qui le fut rejoindre au Bureau pour voir s'il étoit content de fon hôte. Leur confiance étoit fi bien établie que les foupçons ne leur vinrent que par degrés; mais il fallut enfin en venir aux craintes, aux éclairciffemens, aux allarmes; l'Agioteur veut emporter quinze facs, l'hôteffe s'y oppose, il faut. des formalités. Je paffe fous filence l'arrivée du Commiffaire, l'ouverture des facs remplis de cailloux & de ronds d'ardoises.

Je ne vous dirai point quels furent à cet afpect les fremiffements & les mines del'Agioteur dupé, vous imaginérés le dénouement de tout cela plus plaifamment que je ne pourrois vous le décrire.

FAIT PLAISANT.

N jeune Anglois qui logeoit dans une Auberge du faubourg faint Germain, devint éperduëment amoureux de la fille de fon hôte. Elle étoit très-belle & l'An- ' glois lui fit des offres à proportion de fa beauté, mais cette fiere hoteffe, foit par vertu,foit par ambition,ne voulut entendre parler que de mariage; le pere de ce jeune Anglois, étoit homme à le deshériter s'il cut voulu contenter sa paffion à ce prix, Phôreffe n'en voulut pourtant rich rabattre, notre amant défefpeté tomba dange reufement malade.

On fit plufieurs confultations, où Monfreur Guenaut fameux Medecin de ce temslà, n'eut pas de peine à prouver à ses confreres, qu'il falloit d'abord faigner, & rafraîchir, & qu'il faudroit enfuite rafraî chir & faigner; car, difoit-il, je connois les deux maladies de mon malade, elles font

routes deux dans le fang; c'est l'amour & la fièvre. Enfin notre amant fut livré à l'opinion de Monfieur Guenaut, qui par dix ou douze faignées confecutives, ôta de fes veines non-feulement l'amour & la fièvre, mais encore la vie, ou peut s'en fallut, car on le crut mort; cependant il en revint, parce que les Medecins, & le Chirurgien l'abandonnerent.

Pendant ce tems-là, on avoit écrit au pere la caufe de cette maladie; & il arriva de Londres dans la réfolution de confentir à će mariage extravagant, plûtôt que de perdre fon fils unique.

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Il le trouva mourant & la premiere chofe qu'il fit pour le rapeller à la vie, ce fur de lui promettre la belle hôteffè en mariage; mais comme la paffion du jeune homme n'étoit fondée que fur la beauté, les idées vives des charmes de l'hôteffe s'étoient diffipées avec fon fang, elles revinrent pourtant avec le fang nouveau qu'il faifoit; mais à mesure que fa fanté fe for tifioit, le pere voïoit moins de néceffité à ce mariage; enfin il ne craignit plus de s'y opposer entierément.

Si la passion de ce fils eût été aussi vio

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