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CONTE ORIENTAL.

Il y avoit en Orient une fille fage, & fage qu'elle réfiftoit aux defirs d'un riche & puiffant Calife, & ce Calife étoit fi bon qu'il fouffroit patiemment qu'une fille lui réfiftât.Cette fille s'appelloit Zoroï

ne,

& comme elle étoit au fervice de la femme du Calife, il la voïoit fouvent i leurs converfations étoient mêlées de maximes en vers Arabes; car c'est l'excel· lence des converfations Orientales.

Un jour dans une difpute fur l'amour, le Calife foûtenoit à Zoroïne qu'elle devoit répondre à fa paffion, & s'obstinoit un peu trop à vouloir qu'elle fût de fon fentiment Voici comment cette fille vertueufe reprima l'ardeur du Calife dans la difpute.

Il faut fçavoir que le Calife avoit pour le Soleil une vénération fuperftitieuse, en forte qu'il fuffifoit de lui nommer feulement cet aftre pour lui infpirer du refpect. Zoroïne le prenant par fon foible s'écria, Pär ce Soleil je te jure, Que ma vertu toujours pure Tome VI.

K

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Jamais ne s'éclipfera,

Tant qu'il nous éclairera.

Le Calife crut entrevoir dans ce ferment que Zoroïne feroit moins vertueufe la nuit que le jous; ton ferment, lui dit-il, c'eft un ferment de femme:

Il fied dans ta bouche;

Contre moi ta vertu tiendra,
Tant que Le Soleil paroîtra,

Ma's le foir le Soleil fe couche.

Sans doute, répondit Zoroïne en quittant brufquement le Calife qui l'avoit fait affeoir près de lui fur un fofa, mais tu vois que je fçai me lever avant que le Soleil fe couche.

Le Calife fe flatta encore que Zoroïne ne l'avoit quitté que parce qu'elle avoit vâ de loin fa maîtreffe qui venoit de ce côtélà: il chercha l'occafion de la rejoindre, & Payant furprife fur le foir dans un jardin rempli de plantes curieufes, il l'aborde, & pendant qu'elle réve à la maniere dont elle fe pourra tirer d'affaire, voici ce que fui dit le Calife.

Le Soleil ne luit plus, belle Zoroïne, & nos Poëtes Arabes comparent les femmes

à certaines plantes dont la vertu n'eft forte que pendant l'ardeur du Soleil : ainfi les femmes étant moins fortes la nuit que le jour, il leur eft pardonnable d'être moins vertueuses.

Leur force foûtient leur fageffe,
Ainfi tel fentiment d'amour,
Qui feroit un crime en plein jour,
La nuit n'eft que fimple foibleffe.

Il te feroit honteux, reprit Zoroïne, de devoir mon amour à la nuit & à ma foi-, bleffe: crois que je ferois gloire de t'aimer fi je n'avois pas juré le contraire en présen ce du Soleil. Puifque tu le crains, repliqua le Calife:

Profite donc de fon abfence,

Il ne verra point ton amour
Dans ton fexe la nuit difpenfe

Des fermens qu'on a fait le jour.

S'il faut enfin t'aimer, reprit Zoroïn en fuïant, je ne veux t'aimer qu'en plein jour. Arrête-donc, lui cria le Calife, faut, il me renvoïer ainfi de la nuit au jour & du jour à lanuit? Zeroïne fuïoit toujours, & le Calife ne la pût réjoindre que le lendemain, mais il la preffa tant que pour s'en

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débaraffer elle lui promit qu'elle iroit le trouver dans fon apartement & pour le prendre toujours par fa fuperftition lui dit oui je te jure par le Soleil qu'il fera témoin de l'execution de ma parole.

Le Calife ne fit point d'attention au vrai fens de fes paroles, tant il étoit tranf porté de joïe, & la voilà encore debarassée de lui; mais le foir craignant qu'elle ne lui manquât de parole, il fut l'attendre fecrettement dans la chambre où elle couchoit; elle fut fort furprife en y rentrant à minuit d'y trouver celui qu'elle fuïoit elle demeura immobile: te fouviens - tu de tes dernieres paroles, lui dit le Calife? je me fouviens des tiennes lui répondit-elle en tremblant.

Dans mon fexe la nuit dispense

Des fermens qu'on a fait le jour.

Moi j'ai juré que le Soleil feroit témoin de l'execution de ma promeffe. Enfuite elle ouvrit fa fenêtre & regardant le Ciel y elle s'écria parois Soleil, parois, viens éclairer un crime que veut commettre ce Calife fi vertueux, & fi bon & fi tu aprouves fon crime, viens en être témoin.

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Ces paroles prononcées dans l'horreur de la nuit, firent impreffion fur le Calife, il demeura muet & Zoroïne continua d'apeller le Soleil: viens donc, s'écriat'elle, viens done; mais continua-t'elle en regardant le Calife intimidé, le Soleil ne paroît point, au contraire le Soleil s'obfcurcit de plus en plus.

Le Soleil ne vient point;

Ce n'eft qu'en fa presence,
Que je t'avois promis d'écouter ton amour,
C'eft ainfi que la nuit dispense
Des fermens qu'on a fait le jour.

L

AVANTURE

DE MONSIEUR

POUJE T.

'Affaire de Cette a penfé nous couter 'un Juge de l'Amirautė: voici l'avanture Monfieur Poujet Juge de l'Amirauté fut intimidé par fes ennemis qui l'obligerent à prêter ferment de fidélité à la Reine Anne > & lui donnerent des provifions nouvelles

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