Imágenes de páginas
PDF
EPUB

trois Dames avant que de s'être apperçu que ce n'étoient pas celles qu'il croïoit trouver là. Quelle furprife fut la fienne ! il testa immobile dans un fauteuil où fa fem-, me le fit tomber auprès d'elle, pendant que les deux compagnes retenoient dans un! autre le petit homme à bonne fortune, qui avoit voulu fuir à l'arrivée du mari. Met. tez-vous à la place de l'un & de l'autre, & jugez lequel des deux étoit le plus étourdi ou du mari ou du galant.

La femme rompit le filence la premiere. Vous avez manqué à vos conventions, dit-elle à fon mari, il ne tient pas à Monfieur que je n'exe▴ cute les miennes ; vous m'avez fait miftere de vos nouvelles amours, & fi Monfieur n'avoit eu la bonté de m'en avertir, vous feriez ici bien plus à votre aife que vous n'y êtes. Ce feroit pourtant dommage qu'une fête fi galamment préparée se passât triste ment, vous avez ici deux partis à prendre, choififSex: l'un c'eft de nous laisser avec Monfieur dans la joïe, que vous troubleriez à coup sûr par l'humeu où je vous voi : l'autre parti, c'eft de refter gaïoment avec nous, en chaffant d'ici celui que je n'y amené que pour le confondre.

Cette alternative fut donnée au mari d'une façon fi enjoüée, fi douce & fi natu

relle, que loin de foupçonner la vertu de fa femme, il fut penetré de regret, & renouvella d'amour pour elle. Dès ce moment toute la honte & la confufion retomberent fur le petit fat, qu'on reconduifit en le bernant jufqu'à la porte de la maison, & le mari, qui étoit homme à craindre pour lui, lui ordonna, fous peine du bâton, s'il y manquoit, d'exercer fon emploi de donneur d'avis, en allant de ce pas avertir la voifine coquette qu'il la prioit de ne plus compter fur lui. Cette commiffion fut donnée avec des menaces fi ferieufes, que le petit homme à bonne fortune retourna toute la nuit de fon pied à Paris, où l'on le fit fuivre par un valet à cheval, qui promit de lui faire accomplir exactement cette penitence, dont la femme ne voulut rien rabattre.

Cette aimable perfonne ainfi débarraffée de fon importun, & fe flattant d'avoir regagné, du moins pour un temps, le cœur de fon mari, lui fit avouer à table qu'il n'avoit pas de regret à fa voifine. Ce fouper fe fit avec tant de gaïeté, qu'on pourra dire après cela, que comme il n'eft chere que d'az varicieux, il n'eft bonnes fêtes qu'entre maris & femmes.

175

LA

BLONDE BRUNE,

FEMME ET MAITRESSE

NE Dame jolie, enjoüée, & de beaucoup d'efprit,vertueu fe dans le fond, mais aimant le monde & les amusemens d'une galanterie fans 'vice, ne put s'empêcher de fuivre cette manière de vie pendant l'abfence de fon mari, que d'impor tantes affaires avoient appellé dans le Languedoc pour quelque temps. Il étoit trèsnouveau marie, & avoit épousé fa femme par un accommodement de famille, & ne l'avoit pas vue plus de deux ou trois jours avant fon mariage, & avoit été contraint de partir peu de jours après. Il aima d'a

bord cette femme; mais foit jaloufie, foit délicateffe ferupuleufe fur le point d'honneur, il étoit un peu trop fevere fur fa conduite; & il lui recommanda en par-' tant une régularité de vie fort éloignée des innocentes libertez qu'elle s'étoit données étant fille, & qu'elle s'étoit promis de continuer après fon mariage, ainfi fe voïant maîtreffe de fes actions par ce départ, elle oublia tous les fcrupules qu'on lui avoit donnés en partant. Elle étoit née pour la vie agréable, l'occafion étoit belle, elle crut qu'il lui étoit permis de s'en fervir, pourvû qu'elle évitât l'éclat; elle ne vouloit point recevoir de vifites chez elle, mais elle avoit des amis & des amies de fon humeur, on la vit, elle plut & n'en fut point fâchée. On lui fit de tendres dé clarations, elle les reçut en femme d'ef prit qui veut être aimée & ne point aimer; elle ne fe fâchoit de rien › pourvû qu'on ne paffât point les bornes qu'elle s'étoit prefcrites conformément à un fond de fageffe qui ne pouvoit être alteré, les plus medifans ne pouvoient avoir que des foupçons mai fondez, & ceux qui étoient les plus entreprenans s'apperçurent bien

tôt qu'il n'y avoit à efperer d'elle que l'a grément de la focieté generale; ils l'en eftimerent davantage, & n'en eurent pas moins d'empreffement à la voir, car elle plaifoit, même aux femmes qui se sentoient un mérite inferieur au fien. Tout al loit bien jufque-là; mais un de ces jeunes conquerans qui ne veulent des femmes que la gloire de s'en être fait aimer, prétendit un jour être aimé d'elle plus férieusement qu'elle ne vouloit ; elle le regarda fiere ment, changea de fbile, prit un air fevere & rabbatit tellement fa vanité, qu'elle s'en fit un ennemi très-dangereux ; il exa. mina de près toutes fes démarches, la vit de facile accès à tous ceux qu'il re gafdoit comme fes rivaux, & fans fonger qu'ils ne lui avoient pas donné les mêmes fujets de plainte que lui, il les mit tous fur fon compte: il prit conseil de fa jaloufie, & ne fongea plus qu'à fe vanger, il en trouva une occafion toute autre qu'il ne l'espe

roit.

La Dame 'étoit allée à une campagne pour quelques jours avec une amie, par malheur pour elle fon mari revint juftement de Languedoc le lendemain du dé

« AnteriorContinuar »