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ter au Convent, & ne retira fierement. L'Abbeffe, l'ami, & le mari dînerent fort triftement, & on le fit refter à table autant de tems qu'il fallut pour donner le loifir à la blonde de devenir brune ; elle n'oublia rien cette derniere fois pour plaire à fon amant mari, il fut fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils mangeoient, l'Abbeffe & l'ami feignirent aufsi d'être furpris; la fcené qui fe paffa s'imagine mieux qu'elle ne fe peut écrire, jamais mari ne s'eft trouvé dans un pareil embarras, car l'Abbeffe & l'ami ne pou voient traiter la chofe fi férieusement qu'ils ne leur échapât quelques éclats de rire, ils étoient dans cette fituation lorsque la Provençale commença à parler bon Frangois, & à déclarer ouvertement son amour, fans lui dire encore qu'elle étoit fa femme, & ils firent prudemment de tromper le mari par degrez, car s'il eût appris tout d'un coup que celle qu'il aimoit fi passionnément alloit être en fa poffeffion, il en feroit mort de joie. Enfin le dénouement fut mené de maniere, que le mari fut auffi amoureux aprés l'éclairciffement, & même plus qu'il ne l'avoit été avant & dans

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la fuite, le mari devenant moins amoureux, & moins jaloux, & la femme de venant plus refervée, cela fit un très-bon menage enfin l'ami fut remercié de la tromperie innocente comme du meilleur office qu'il pouvoit rendre au mari & à la femme.

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avoit été fi heureux dans fes amours jufqu'à l'âge de quarante ans, qu'il s'imaginoit devoir l'être encore à foixanteIl étoit garçon & difoit quelquefois plaifantant,qu'il fe marieroit quand il auroit enfin trouvé une cruelle; car pour lors, difait-il, je commencerai à juger parses mépris que je ne fuis plus affez jeune pour brilfer dans la galanterie : & c'est alors qu'un homme fait comme moi doit penser au mariage.

Cet homme, que nous appellerons Damis, vit chez un Préfident, qu'il alloit foliciter, une jeune & belle perfonne avec fa mere; elles folicitoient auffi de leur côté. Appellons cette belle perfonne Lucile.

Damis fut fi frapé de la beauté de Lucile, qu'il ne voulut point faire fa folicitation ce jour-là, pour avoir occafion de revoir le lendemain cette beauté, parce qu'il entendit dire à fa mere qu'elle reviendroit le lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour-la.

Le lendemain Damis fut affez heureux pour retrouver Lucile & fa mere chez le Préfident, qui revint fort tard du Palais, enforte qu'il eut tout le loifir, en l'attendant, de lier converfation avec la mere, que l'envie de parler de fon procès rendit acceffible. Il fçut qu'elle étoit Bretonne, & qu'elle pourfuivoit à Paris une affaire où il s'agiffoit de tout fon bien. Il faifit l'occafion, il offre de la protection & des amis que la meré cût accepté d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une politeffe fi froide, que Damis defefpera de pouvoir jamais s'en faire écouter ; & comme il n'a

toit pas d'humeur à foûpirer en vain, il refolut d'en demcurer là: mais fa refolution ne l'empêcha pas de s'informer plus à fond qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs moïens. Quand il fçut que Lucile avoit à peine de quoi fubfiftér, & qu'elle étoit logée très-petitement, il s'étonna de l'avoir trouvée fi fiere : mais il efpera que s'il pouvoit faire naître l'occafion de lui offrir des fecours confiderables, il pourroit enfuite parler de fon

amour.

Il ufa de cent détours polis & delicats pour faire connoître qu'il étoit liberal, & qu'il avoit le moïen de l'être : mais fi-tôt qu'il touchoit cette corde, il voïoit redoubler les mépris de Lucille; & l'on lui eût fans doute défendu la maison, fi la mere, que fon procès tenoit fort au cœur, & qui avoit déja reçu des fervices de Damis, eut pu se refoudre à perdre un ami qui lui étoit fi neceffaire.

Les chofes en étoient là, lorfqu'un des amis de Damis revint d'un voïage qu'il avoit fait en Bretagne. Cet ami lui aïant rendu vifite, il lui fit une ample confiden

ce

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