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fant point, Bouladabas pouffa l'épreuve de la conftance de Zaczer jusqu'à lui declarer qu'elle l'aimoit ; & qu'étant aussi grande Princeffe que fa parente, & beaucoup plus riche, il auroit dû penfer à l'époufer. Que ne fouffrit point Zaczer dans cette épreuve, il alloit peut-être fuccomber mais Bouladabas craignant de le voir infidelle le prévint par un dépit & un adieu qu'elle lui dit pour toujours; & fans lui donner le tems de lui répondre: elle ajoûta feulement que Bouladabas viendroit elle-même le lendemain pour le recompenfer de fa constance.

Zaczer refta aumême endroit où on l'avoit laiffe, fans avoir la force ni de parler ni de fe foûtenir, & fe laiffa tomber fur un gazon où il feroit refté long-tems, fi fes gens ne fuffent venus le joindre: il se trouva mal & on l'emporta chez lui, où il paa la nuit dans un état fi violent, qu'il prit le parti de ne fe jamais marier,ne vou. lant pas donner à Bouladabas un cœur fi rempli d'amour pour un autre, ni époufer cette autre en manquant de fidelité à Bouladabas.

Le lendemain Zaczer für de trouver

Воца

Bouladabas au rendez-vous, y retourna à deffein de lui avouer de bonne foi les raifons qu'il avoit de ne jamais voir ni elle ni fa parente. Quel fpectacle pour lui! lorfque le lendemain la Princeffe parut de loin magnifiquement parée, avec plufieurs Maures qui la portoient fur un Palanquin de fleurs, entourée d'un grand nombre de filles tenant des guirlandes, & de quantité de petits enfans reprefentans les amours; en un mot avec tout l'appareil d'une fête galante, qui a pour but le mariage. Plufieurs Cavaliers parez comme pour un Tournoi fe détacherent de la Troupe; & le pere de Bouladabas à leur tête vint offrir la fille à Zaczer, qui étoit prêt à la refufer & à fuir, lorfque voïant de plus près la Princeffe qui s'avançoit, il vit à fa place celle dont il étoit fi amoureux. Quelle fut fa furprise! je croi qu'une peinture de tout ce qui se paffa en ce moment, ne feroit qu'affoiblir celle que chacun s'en peut faire. Bouladabas dit à Zaczer que fon pere avoit été touché de fa conftance, & avoit voulu venir la couronner lui-même les nôces fe celeTome VI. S

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brerent peu après, & au bout de neuf mois fortit de ce mariage le fameux Rof tan furnommé Oaftam le plus vaillant guerrier que les Perfans aïent jamais eu, & qui fert encore aujourd'hui de modele à tous les grands hommes de l'Orient.

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L'ENTREMETTEUR

POUR

U

LUI-MESME.

N gentil-homme de Province étant venu à Paris pour un procès, s'étoit logé dans une auberge, dont le maître. le connoiffoit depuis dix ans. Il étoit bien fait de fa perfonne, agréable dans la converfation, & affez riche pour trouver des partis fort avantageux, s'il eût voulu donner dans le Sacrement: mais la liberté lui plaifoit, ou plûtôt fon heure n'étoit point encore venue; car quand elle frappe, il n'y a plus moïen de differer. Sa chambre donnoit fur la ruë. L'impatience de voir revenir un laquais qu'il avoit envoie en ville, lui fit mettre la tête à la fenêtre & fes yeux furent agréablement arrêtez

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par une belle perfonne qui fit la même chofe que lui dans le même-temps. Elle étoit dans une chambre oppofée directement à celle du Cavalier; & un bruit de peuple, dont elle vouloit fçavoir la cause, l'avoit obligée à fe montrer. C'étoit une brune d'une beauté furprenante. de grands yeux noirs pleins de feu, la bouche admirable, le nez bien taillé, & le teint auffi vifqu'uni. Le Gentil-homme charmé dune fi belle voifine, lui fit un falut qui lui marqua l'admiration où il étoit. Il lui fut rendu d'un air ferieux, quoique fort civil; & la rumeur aïant ceffé dans la rue cette aimable perfonne fe retira, au grand déplaifir du Cavalier qui la regardoit de tous fes yeux. Il crut qu'il n'auroit pas de peine à s'introduire chez-elle comme voifin, & dans cette penfée il demanda à fon hôte qui elle étoit, & quelles pouvoient être fes habitudes. L'hôte lui apprit que depuis un an elle occupoit une partie de cette maison avec fa mere; qu'elle avoit de la naiffance, & peu de bien; qu'il n'y avoit rien de plus regulier que fa conduite; que tout le monde en parloit

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